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L’expo Hopper en trois essentiels

Suite au succès de la rétrospective Edward Hopper au Grand Palais, l’exposition se prolonge jusqu’à dimanche prochain. L’occasion de revenir sur trois points essentiels du peintre américain au cas où vous auriez manqué la visite.

1. L’AFFECTION POUR LA VILLE

La fascination commence lorsque l’on pénètre dans la première pièce de l’exposition. Dans une obscurité quasi-totale, une seule source de lumière : la projection d’un film sur un pan de mur entier. Il s’agit d’extraits de Mannahatta (1920), entrecoupés de vers du poème éponyme de l’américain Walt Whitman. Sur l’écran, New-York en noir et blanc.

Extrait

Extrait de Mannahatta (1920) , de Sheeler et Stran

Un New-York en construction, qui s’orchestre par la danse des grues et du fleurissement des gratte-ciel. Un New-York en pleine effervescence, qui s’anime sous la chorégraphie des passants et des transports urbains. Mais surtout un New-York vu du ciel, retranscrit par des cadrages vertigineux et uniques, qui font du film de Charles Sheeler et de Paul Strand, une œuvre avant-gardiste pour le début du vingtième siècle.

Le ton est donné. Edward Hopper consacrera une majeure partie de son art à la ville et son agitation. Il commence par peindre des scènes de foule et de spectacle dans les théâtres, s’attarde sur l’architecture des habitations américaines et des rues parisiennes. Plus tard, il réalisera des gravures de chemins de fer. Autant de thèmes qui deviendront son leitmotiv, et qu’il perçoit à l’époque dans les photographies de Mathew Brady et d’Eugène Atget. En été 1923, il va à Gloucester et remarquera : « C’est une ville aux constructions massives« . De là, aboutit sa reconnaissance artistique lorsqu’il se met à l’aquarelle ; Hopper expose à la Rehn Gallery de New-York l’année suivante, et signe son premier succès commercial et critique.

2. UN AMOUREUX DE LA FRANCE

Edward Hopper séjourne plusieurs fois à Paris. En 1906, il découvre la capitale et s’imprègne de la peinture impressionniste – enseignée par son ancien camarade Patrick Henry Bruce – qu’il adaptera à son retour à une iconographie plus américanisée. Il se passionne pour la poésie symboliste d’auteurs français comme Rimbaud et Verlaine, eux qui savent si bien sublimer la sensibilité humaine. Dès ses premières années de pratique autonome, Hopper avait peint des scènes de solitude, où mélancolie et platonisme émanaient de ses personnages.

Paris, déjà étoffée d’une culture artistique dense et plurielle, lui permet notamment de pénétrer les antres de la peinture européenne. Il s’intéresse à des artistes comme l’allemand Walter Sickert, pour qui les sujets et les scènes populaires sont des thèmes de prédilection. Hopper découvre au Musée du Louvre l’art de Rembrandt, qui va le captiver. Avec une modernité certaine, il réinterprète Bethsabée au bain tenant la lettre de David et Philosophe en méditation dans deux de ses toiles : Hotel Room (1931) et Excursion into Philosophy (1959).

Comparaison

Bethsabée au bain tenant la lettre de David (1654), de Rembrandt et Hotel Room (1931), de Hopper

Ses deux derniers voyages en France en 1909 et 1910 marqueront la fin de son observation des architectures parisiennes. Le Louvre, Notre-Dame ou les quais de Seine qu’il a peint en masse, gardent néanmoins la trace d’une technique qu’il usera dans la suite de son parcours, mettant à part l’apologie du détail et de la précision. Il privilégie les formes construites par la couleur, les nuances élaborées à partir de coups de pinceau pour représenter ponts, escaliers et cours intérieures.

Outre une francophilie largement développée, Edward Hopper gardera de ses escapades en Europe une affection pour la peinture de scènes du quotidien, entamée par ses dessins de parisiens attablés dans les cafés.

Couple Drinking, Edward Hopper

Couple Drinking (1906-1907), Edward Hopper

3. HOPPER, PEINTRE DU QUOTIDIEN

C’est une évidence, Hopper peint le qutodien de l’époque. Les loisirs de la bourgeoisie émergente, comme l’équitation, les bains de soleil ou la fréquentation des cafés attirent l’attention du peintre. Il peint une série de toiles, qui par leur traitement de la lumière artificielle émanant de l’intérieur et qui se projette dans la rue nocturne, rappellent le fameux Nighthawks (1942). Toujours traitées avec cette atmosphère magnétisante, ces toiles s’apparentent presque obligatoirement à des décors de cinéma. Devant Drug Store (1927), Léa, étudiante en master Cinéma, l’admet :

Ses peintures sont extrêmement cinématographiques. Il y a une véritable dimension « hitchcockienne ».

Mais la sémantique de Hopper devient tout aussi intéressante lorsqu’il pénètre l’intérieur des habitations. Il se glisse dans les chambres, peint des femmes assises sur leur lit, jusqu’à approcher la sphère intime à son paroxysme. Pourtant loin du voyeurisme, on plonge dans des scènes de quotidien, qui dérangent parfois : des moments de méditation ou des activités qui semblent réservées à la solitude, comme la lecture ou la couture. Mais la distance est maintenue par ces fenêtres, dont l’extérieur est seulement réservé et visible par ces hommes et ces femmes, qui jettent un coup d’œil ou semblent s’enliser dans des moments de réflexion.

Morning Sun (1952), Edward Hopper

Morning Sun (1952), Edward Hopper

Au XVème siècle, le philosophe Alberti perçoit la peinture comme « une fenêtre ouverte sur le monde », qui donne à voir la réalité. Peut-être que pour Hopper, la récurrence de ces encadrements, que pénètre le regard de ses personnages peints et qui laisse le spectateur sur sa fin rend-elle compte de cet axiome ?

Maxime Gasnier

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