Le tournage du prochain film de Christopher Nolan dans la région contestée du Sahara occidental suscite une vive polémique. Le Festival international du film du Sahara accuse le cinéaste d’ignorer la dimension politique de cette zone occupée par le Maroc.
Un tournage sur un territoire sous occupation
Christopher Nolan, réalisateur oscarisé pour Oppenheimer, prépare actuellement son nouveau film. L’Odyssée, prévue pour 2026. Selon plusieurs médias marocains, le réalisateur s’est récemment rend à Dakhla. Une ville située dans le Sahara occidental, pour y tourner plusieurs scènes de son long-métrage et dont la distribution compte des acteurs et actrices comme Matt Damon, Zendaya ou encore Anne Hathaway.
Le problème ? Le Sahara occidental est un territoire disputé depuis près de 50 ans entre le Maroc, qui en contrôle la majeure partie, et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l’Algérie. Considéré comme un « territoire non autonome » par l’ONU, le Sahara occidental n’a toujours pas fait l’objet du référendum d’autodétermination promis depuis les accords de cessez-le-feu de 1991.
Face à ce tournage, le Festival international du film du Sahara (FiSahara), qui se tient chaque année dans des camps de réfugiés sahraouis en Algérie, a publié un appel direct à Christopher Nolan. « Nous appelons Nolan à être solidaire du peuple sahraoui » et » à ne pas utiliser les images déjà filmées« , a déclaré Maria Carrion, directrice exécutive du festival à l’AFP.
Selon elle, en filmant dans cette région, Nolan participe malgré lui à une entreprise de légitimation de l’occupation marocaine. « Nous avons eu le sentiment que le fait que Nolan soit là-bas, à tourner sur une dune de sable (…) alors qu’il y a tant d’autres dunes dans le monde qu’il aurait pu choisir, qui ne se trouvent pas en territoire occupé (…) revenait à légitimer l’occupation et à renforcer le colonialisme au Sahara occidental »
Un tournage salué par le Maroc, critiqué ailleurs
De son côté le Maroc, accueille ce projet cinématographique comme une opportunité économique et diplomatique. Le ministre marocain de la Culture, Mehdi Bensaid, s’est réjoui des retombés possibles. En effet, ce dernier explique que « ce film va donner davantage de visibilité cinématographique à Dakhla comme une destination de tournage et non plus seulement de tourisme« .
Rabat défend depuis plusieurs années un plan d’autonomie sous sa souveraineté pour le Sahara occidental. Une partie que le pays considère comme intégrante du Royaume. À l’inverse, le Front Polisario réclame l’organisation d’un référendum sur l’indépendance. La présence d’une production hollywoodienne dans une région si hautement politisée ne pouvait donc qu’attiser les tensions.
Le FiSahara va plus loin en demandant à Nolan de retirer de son film les images déjà tournées. « Il n’a obtenu que l’accord d’une puissance occupante, pas celui du peuple sahraoui », insiste Maria Carrion. Elle déplore par ailleurs que le cinéaste et son équipe n’aient pas été « correctement informés du contexte » au moment du tournage.
Un cinéma qui ne peut ignorer les réalités
La polémique pose une question de fond. Le cinéma peut-il être apolitique lorsqu’il s’implante dans une zone conflictuelle ? Pour le FiSahara, la réponse est non. « Nous appelons Nolan à être solidaire du peuple sahraoui » a souligné la directrice exécutive du festival. À ses yeux, donner une visibilité mondiale à une région contestée sans reconnaitre le conflit territorial qui s’y joue, revient à prendre position. Même involontairement.
Jusqu’à présent, ni Christopher Nolan ni les producteurs de l’Odyssée n’ont officiellement réagi aux demandes du festival. Le film, dont le contenu reste largement mystérieux, est annoncé comme une épopée dramatique à grande échelle. Son tournage dans une région où les droits des Sahraouis sont contestées risque de peser sur sa réception internationale.
Le débat rappelle que les choix de lieux de tournage peuvent ne pas être neutres. Quand une production de cette envergure choisit un territoire au statut juridique contesté, elle envoie malgré elle un message politique. Le cinéma a une portée symbolique considérable. Pour les Sahraouis, elle ne devrait pas servir à effacer leur lutte.