Le Conseil constitutionnel a tranché. L’article le plus controversé de la loi Duplomb est censuré. Le reste du texte est néanmoins validé. Une décision aux airs de compromis institutionnels mais qui rebat quelques cartes dans une crise agricole toujours prenante.
Le droit à un environnement sain
Le Conseil constitutionnel a censuré l’article 2 de la loi Duplomb, qui prévoyait la réintroduction de trois pesticides de la famille des néonicotinoïdes. Interdit en France depuis 2018, ces insecticides neurotoxiques sont accusés d’avoir des effets graves sur la biodiversité, les sols, l’eau et la santé humaine. C’est donc sur cette base environnementale et sanitaire que les juges ont fondé leur décision.
Une première historique. C’est la première fois que le Conseil constitutionnel s’appuie explicitement sur l’article 1er de la Charte de l’environnement. Texte intégré à la Constitution depuis 2005, qui garantie « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé« . Une disposition jusqu’ici rarement mobilisée à ce niveau.
À savoir, le Conseil constitutionnel est une institution indépendante chargée de vérifier que les lois votées sont conformes à la Constitution. Il peut être saisi par le président de la République, les présidents des assemblées ou encore 60 députés ou sénateurs. Quand il estime qu’une loi ou un article de loi viole la Constitution. Il peut la censurer, totalement ou partiellement.
Une censure partielle, comme actuellement, signifie que seul un ou plusieurs articles sont annulés, sans remettre en cause l’ensemble du texte. La loi est alors promulguée mais avec des parties en moins.
Une loi promulguée partiellement
Le reste de la loi Duplomb a été validé. Emmanuel Macron a annoncé sa promulgation « dans les meilleurs délais« . Un soulagement apparent pour l’exécutif pris entre deux fronts. La colère des syndicats agricoles et celle d’une mobilisation citoyenne inédite.
Depuis juillet, une pétition lancée par une étudiante a récolté plus de 2,1 millions de signatures. Un record qui a mis la pression sur les institutions. Le Conseil constitutionnel n’est pas resté sourd à cette pression sociale, mais a opéré un équilibre institutionnel. Censurer ce qui pose problème sur le fond, mais ne pas annuler toute la loi.
Pour autant, plusieurs opposants politiques et associatifs dénoncent une victoire incomplète. Pourquoi les juges n’ont-ils pas invoqué le principe de précaution, également inscrit dans la Charte de l’environnement ? Pourquoi ne pas avoir censuré d’autres mesures contestées ? Des réponses elles aussi partielles, qui laissent la porte ouverte à de futurs recours.
Une décision qui relance le débat démocratique
La procédure d’adoption de la loi avait également fait polémique. Aucun débat public à l’Assemblée mais une adoption rapide via une commission mixte paritaire. Un passage en force que les oppositions jugeaient contraire au bon fonctionnement démocratique. Le Conseil constitutionnel, fidèle à sa jurisprudence, n’a pas censuré sur ce point. Selon lui, les règles internes du Parlement ont été respectées, même si la méthode reste critiquée.
En réalité, le gouvernement se retrouve face à ses propres contradictions. François Bayrou prend ses distances, les ministres de l’agriculture et de l’écologie s’opposent frontalement et les agriculteurs attendent toujours des réponses concrètes. Pendant ce temps, l’opinion publique se mobilise et les députés écologistes annoncent déjà un nouveau texte à la rentrée. Un texte pour notamment demander l’abrogation complète de la loi.