Nous poursuivons nos rencontres avec les dirigeants des grandes écoles et aujourd’hui, on s’intéresse à la grande école de commerce EM Normandie.
Pour continuer à vous guider dans vos choix de demain, ceux qui seront si importants, nous échangeons régulièrement avec les directeurs de grandes écoles.
Aujourd’hui, Elian Pilvin, directeur général de EM Normandie Business School, nous livre une vision très humaine de la façon dont l’enseignement est dispensé dans cette grande école qui fête cette année ses 150 ans !
C’est quoi EM Normandie ? « Fondée en 1871, l’EM Normandie compte parmi les premières Grandes Écoles de commerce françaises. Accréditée AACSB et EQUIS, elle propose sur ses 5 campus une dizaine de formations de haut niveau. Elle rassemble plus de 5 000 étudiants dont 700 étudiants internationaux. »
Quelles sont les valeurs qui caractérisent votre école et qui nous permettent de comprendre EM Normandie ?
C’est très intéressant de passer par les valeurs pour parler de notre école. Le préalable à tout travail sur les valeurs des écoles est assez simple : ces valeurs doivent être complémentaires avec les valeurs que portent les étudiants. Une grande école c’est la rencontre entre un projet porté par un étudiant et une expérience proposée par une grande école. Pour que la symbiose s’opère, il faut que la culture de l’école et les valeurs qu’elle porte soient en adéquation avec les valeurs de l’étudiant.
Les valeurs de l’EM Normandie, initiées par mon prédécesseur, et que l’on porte depuis une vingtaine d’années sont :
- l’audace. Il fallait être audacieux pour créer une école de commerce en France il y a 150 ans. Nous étions la première école de commerce de notre pays construite en région (et la seconde en France). A cette époque, il fallait aussi beaucoup d’audace pour entrer dans une école de commerce et se diriger vers des métiers qui n’étaient pas dans les cursus universitaires traditionnels.
- la loyauté. On considère que la loyauté est une valeur cardinale. Quand on s’implique dans un projet et qu’on le fait en équipe, la loyauté est le ciment de ce travail.
On ne peut pas correctement s’impliquer dans un projet si on n’a pas une loyauté non seulement envers ce projet mais aussi envers ses collègues, ses partenaires. Si cette valeur cardinale n’est pas partagée, ce n’est pas un partenaire que nous avons dans ce projet, mais on a un étranger pour lequel il est bien difficile de déterminer ce qu’il pense et ce que sont ses intentions stratégiques, politiques, … On est donc dans un rapport conflictuel ou qui, tout du moins, pourrait l’être.
La loyauté garantit la sécurité et la bienveillance dans les échanges. C’est la raison pour laquelle notre école arrive à 150 années d’existence, parce qu’il y a dans sa communauté, une vraie loyauté à cette communauté. Cette loyauté accompagne aussi les anciens étudiants dans la vie d’après, dans leur entreprise. - le courage. Le courage permet de transcender ses peurs et de faire avancer les choses. Une personne qui n’a jamais peur n’est pas courageuse, elle est simplement « folle ».
Or aujourd’hui, prendre des risques dans la société est quelque chose de fondamental. Notre société est en pleine transformation, on le voit en ce moment, et il y a parfois des décisions à prendre, compliquées et audacieuses. Ces décisions comportent une somme de risques, d’incertitudes, d’échecs potentiels qui demandent ce courage pour prendre la bonne décision qui permettra de surmonter un problème ou de résoudre une problématique. C’est ce courage qui permettra de transformer la société et d’être innovant. Dans notre école, le courage se traduit, par exemple, par le droit à l’échec : ce qui est important pour nous c’est la démarche dans laquelle entre un étudiant. Peu importe ce qui se passera, s’il échoue, nous serons là pour comprendre avec lui pourquoi il échoue et nous l’aiderons à se relever encore plus fort de cet échec.
Le courage pour nous c’est le droit d’entreprendre (au sens large) et d’échouer. Il faut être très courageux pour maîtriser l’échec et s’en relever.
Toutes ces valeurs constituent les fondements de notre école et réinterrogent les 150 ans de l’histoire de l’EM Normandie (anniversaire que nous célébrons cette année).
Dans cette période si particulière que l’on connaît, si difficile même, comment ce droit d’entreprendre, ce droit d’échouer même, se matérialise pour vos étudiants ? Car la peur d’échouer, notamment en ce moment, doit traverser la tête de chacun d’eux.
On leur fait passer une idée simple : ce qu’ils sont en train de vivre est une expérience pédagogique phénoménale. On essaye de toujours remettre en perspective ce qu’ils sont en train de vivre dans leur chair, dans leur âme et cela va les transformer d’une manière qu’ils n’imaginent même pas. Le courage de faire face à cette situation, de se motiver pour avoir les cours en ligne, de rester accrocher à leur projet professionnel, tout cela va être un accélérateur de transformation. Il sont en train de trouver des ressources qu’ils ne soupçonnaient sans doute pas, d’inventer de nouveaux modèles de société, de nouveaux modèles de faire sens entre eux. Je fais très attention quand je parle avec les étudiants de ne pas projeter sur cette génération des grilles de lecture qui ne sont pas les bonnes et qui correspondent plus à « ma vision de génération ».
Vous savez, je reste très impressionné, encore et toujours, par leur capacité de « résilience », leur capacité à se réinventer en permanence, à se réorganiser, à contourner les problèmes ou à les affronter, le tout en apportant une réponse innovante. On leur fait comprendre une chose : comme ils ne peuvent s’en extraire, que ce qui arrive ne les touche seulement eux mais tout le monde, Il faut donc inventer des choses pour avancer.
Comment cela s’est-il matérialisé dans l’école ?
Aucun projet associatif n’a été arrêté et on les a réalisés parfois en distanciel. Aucun projet structurant de l’école (comme les projets humanitaires ou d’autres) n’a été abandonné. Ils ont par exemple aidé à mettre en place des cartes en ligne pour les restaurants ; ils ont accompagné un EPHAD pour aider les personnes âgées à utiliser des outils comme ZOOM ou d’autres outils leur permettant de se connecter avec leur famille ; ils ont accompagné des associations caritatives dans la distribution de rations alimentaires, … Toutes ces très belles choses ont été faites à l’initiative des étudiants et cela prouve leur capacité à prendre en compte la situation et y apporter des solutions. Et même s’il peut arriver que ces solutions ne soient pas les bonnes, il y a au moins la volonté de trouver des réponses. Se faisant, ils avancent, et bâtissent brique par brique, une nouvelle manière de faire société entre eux et ça, je trouve ça très fort. Cette capacité qu’ils ont à faire à faire face me bluffe littéralement. Et ce que je vous dis ne vaut pas que pour nos étudiants mais pour l’ensemble de la jeunesse de notre pays.