Le tribunal de commerce de Nice a retenu, vendredi 7 novembre, la candidature du collectif des salariés du groupe Nice-Matin pour la reprise du quotidien régional. L’homme d’affaires Bernard Tapie leur a apporté son soutien financier.
Ils ne partaient pas favoris face au puissant groupe de médias belge Rossel (La Voix du Nord,…) mais ce sont bien les salariés de Nice-Matin, qui ont créé une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) – une première dans le monde de la presse –, qui deviennent les actionnaires du groupe, placé en redressement judiciaire en mai dernier et anciennement propriété de Hersant Média. En plus de Rossel, la SCIC devait faire face à l’offre de reprise de Georges Ghosn, ex-propriétaire de France-Soir.
Quels facteurs ont motivé la décision du tribunal de commerce ?
Sur le front de la sauvegarde de l’emploi d’abord. Sur les mille-cent salariés que compte le groupe Nice-Matin, qui regroupe les titres Nice-Matin, Var-Matin et Corse-Matin, la SCIC compte procéder à 159 départs (14,5% des effectifs), tous volontaires. C’est d’assez loin la meilleure proposition face aux 376 départs prévus par l’offre de Rossel.
Rossel, justement, a voulu jouer la carte de l’honnêteté en annonçant d’emblée le nombre de départs. Mais ce discours de vérité, jamais tenu de vive voix, a moyennement plu aux équipes de Nice-Matin. D’ailleurs, après l’audience finale et la décision rendue, Jean-François Roubaud, délégué SNJ et animateur de l’offre de reprise des salariés admet que « l’offre de Rossel, qui était purement financière, nous a, par contraste, beaucoup aidés ».
Cette affaire ne serait donc pas qu’une histoire d’argent ? En effet, sur le plan purement financier, Rossel proposait d’apporter 50 millions d’euros sur trois ans quand la coopérative de salariés a réussi à rassembler 14,3 millions d’euros.
Par ailleurs, le soutien aussi bien moral que financier apporté par les politiques locaux aux salariés du groupe a pesé dans la balance. Ainsi, Michel Vauzelle, président socialiste du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), a débloqué deux millions d’euros de prêt pour soutenir le projet de SCIC. Quant à Christian Estrosi, maire UMP de Nice, il a soutenu oralement leur action.
Comment la SCIC est-elle financée ?
Outre les deux millions d’euros de prêt accordés par le Conseil régional de Paca, la coopérative de salariés s’est démenée sur plusieurs fronts pour rassembler la somme de 14,3 millions. Un appel aux dons sur une plate-forme de crowdfunding (financement participatif sur internet) a permis de réunir 500 000 euros, l’Union régionale des Sociétés coopératives et participatives a versé 400 000 euros au collectif, le groupe Carrefour investit, lui, un million d’euros et des partenaires privés injectent 200 000 euros. Bien sûr, les salariés ont consenti à l’effort de solidarité en reversant leur treizième mois de salaire dans la trésorerie de l’entreprise pour un total de 2,1 millions d’euros. Les huit millions restants sont à chercher du côté de l’homme d’affaires Bernard Tapie, propriétaire du voisin marseillais La Provence.
Qu’implique la participation de Bernard tapie ?
Ces huit millions se décomposent en fait en deux parts de quatre millions d’euros chacune. La première est destinée au rachat par l’homme d’affaires de 50% du quotidien Corse-Matin dont il détenait déjà l’autre moitié. Le titre corse passe donc à 100% sous le contrôle de la Provence. La deuxième part forme un prêt gagé sur les murs d’un certain nombre d’agences du groupe (Monaco et Saint-Tropez notamment). Cependant, Bernard Tapie ne devient pas actionnaire du groupe Nice-Matin.
Enfin, Bernard Tapie place Robert Namias, un de ses proches et ancien cadre de TF1, à la tête du directoire de Nice-Matin en plus du rôle de directeur de la rédaction. Ce choix de déléguer la gestion de la SCIC a été fait par les salariés, majoritaires, eux-mêmes.
Bien que leur initiative soit originale et porteuse d’espoir pour le secteur de la presse, le plus dur semble commencer pour les salariés de Nice-Matin qui devront « aussi réussir l’évolution numérique en parfaite complémentarité avec le papier », comme ils l’indiquent sur leur site internet. Aujourd’hui le numérique ne représente que 2,5% du chiffre d’affaires global. Dans leur proposition, les salariés ambitionnent de faire passer cette part à 20% dans sept à dix ans