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On a aimé : Undertale, ode à l’(in)humanité

Trois ans après avoir bouleversé les codes narratifs, l’aura d’Undertale ne cesse de s’élargir et de fasciner. Surligneur des contradictions qui animent les joueurs, le jeu s’amuse en effet à interroger l’humanité qui réside en eux. Mémorable.

C’est quoi Undertale ? Projet Kickstarter à l’origine, Undertale est le fruit d’un seul homme, Toby Fox. RPG indé, sa particularité réside dans la possibilité d’éviter les combats tout au long du jeu. Il a alors connu des critiques dithyrambiques de la part de la presse et des joueurs, notamment pour l’intelligence de son propos et sa bande-son majestueuse. Récemment, il a été élu « meilleur jeu-vidéo de l’histoire » sur le site GameFaqs, à l’issue d’un sondage réunissant 150 000 votants, surpassant ainsi le favori The Legend of Zelda : Ocarina of Time.

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L’être humain est-il par nature mauvais ? Cette interrogation, fruit de dissensions philosophiques entre Hobbes et Rousseau notamment, n’a toujours pas été tranchée. Difficile en effet d’établir un consensus, tant les exemples et les contre-exemples se confondent. C’est alors sur ce doute persistant qu’Undertale développe son propos, en responsabilisant le joueur face à ses décisions.

Les néophytes pourraient croire qu’Undertale n’est qu’un énième jeu de rôle, qui plus est au visuel indigent. La réalité est pourtant tout autre, le jeu s’éloignant considérablement des schèmes des RPG, en proposant aux joueurs d’épargner l’ensemble des « ennemis » qu’ils rencontrent. Le second PNJ rencontré, Toriel, les encourage en effet à ne pas tuer les monstres vivant dans l’underworld, univers dans lequel se déroule le jeu. Les joueurs ont alors le choix : suivre leur instinct habituel ou suivre les règles proposées par Toriel.

Toutefois, plusieurs éléments vont entrer en compte dans le processus de décision qui s’enclenche tout au long de l’aventure. D’abord, le joueur qui décide de ne pas s’astreindre aux conditions de Toriel, et donc qui rejette le chemin humaniste que le jeu lui tend, n’a aucune sanction formelle : pas de game-over ou de malus, le jeu suit son cours et le joueur peut le terminer, malgré une variation scénaristique. De même, ménager un « ennemi » suppose de discuter avec lui à plusieurs reprises, afin de trouver la bonne combinaison de messages pour que l’option « mercy » daigne fonctionner. Pendant ce laps de temps, celui-ci continue à attaquer le joueur, menaçant de le tuer. Le joueur se souvient alors de la phrase de Flowey, premier PNJ rencontré dans le jeu : « Dans ce monde, c’est tuer ou être tué ». On peut enfin s’interroger sur l’aspect ludique de la démarche, peut être moindre, d’autant plus quand le jeu s’amuse à titiller la patience du joueur, et qu’il l’oblige par exemple à choisir à moult reprises l’option « mercy » car l’effet n’est pas immédiat, pour enfin avoir la possibilité d’épargner le personnage.

Undertale aime inverser et renverser les codes du genre, et ce avec brio : le jeu se joue du joueur, et de son penchant pour le meurtre. En prenant pour cible la ludification de la violence, non pas de manière frontale mais par le biais de son game-design, le jeu rend son propos d’autant plus percutant. Ainsi, les quatre actions du jeu sont par exemple affichées sur la même ligne, dans la même proportion : aucune n’est mise en avant au détriment de l’autre, si ce n’est l’option « mercy » qui change de couleur lorsque le monstre peut être épargné. Par ailleurs, chaque « ennemi » ou PNJ possède sa propre police d’écriture, sa propre syntaxe ou encore son propre thème musical : l’idée est d’insister sur l’unicité des créatures qui peuplent l’underworld. Le joueur qui prend le temps de discuter lors des combats se rend ainsi compte de la diversité des traits de caractères, qui influent directement sur la forme que revêtent les attaques, celles-ci pouvant même évoluer selon le contexte du combat (la tristesse du monstre manifestera par exemple des larmes qu’il faudra éviter).

Un jeu anticapitaliste ?

Surtout, jeu de rôle oblige, qui dit épargner un monstre dit rejet de toute expérience, pourtant nécessaire afin de faire progresser son personnage. Le sacrifice du joueur apparaît alors d’autant plus important qu’aucune récompense en jeu n’est attendue, celui-ci pouvant seulement se prévaloir d’un comportement plus vertueux, en accord avec ses aspirations pacifiques.

A travers cette volonté de s’extirper d’une violence banalisée, Undertale propose en filigrane une critique du capitalisme qui régit nos sociétés, et qui encourage à accumuler des ressources. Le joueur qui fait le choix de ne pas amasser de points d’expérience rend certes son parcours plus périlleux, mais obtient au change une connaissance approfondie de l’univers du jeu, la vraie fin se dévoilant lorsque la totalité des monstres a survécu. En somme, pour Undertale, l’individu pacifiste n’accumule pas et respecte le monde dans lequel il vit, quitte à s’exposer à quelques contraintes.

Afin de renforcer son propos, et contrairement aux autres RPG, Undertale a un monde « fini » : chaque zone du jeu a en effet un nombre limité de monstres. Autrement dit, dès l’instant où le joueur détruit l’ensemble de cet écosystème, alors il n’est plus possible d’en rencontrer à nouveau. Humaniste, le jeu est aussi écologique, et souligne les conséquences irréversibles de nos actions. D’ailleurs, un passage du jeu est clairement révélateur de cette dénonciation : arrivé devant un saladier rempli de bonbons, le jeu fait alors la demande au joueur de n’en prendre qu’un seul. Cependant, il est possible de se resservir, et le jeu va graduellement faire comprendre que ce n’est pas un bon comportement à avoir, jusqu’à ce que le saladier se renverse sur le sol, rendant la ressource inutilisable.

Les exemples de ce genre sont légions, plongeant les joueurs dans des questionnements perpétuels. Toutefois, à l’issue de l’aventure, une unique interrogation subsiste : et si, en réalité, l’individu et le joueur ne formaient qu’un ?

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Étudiant en science politique, explore l'Art et joue le dimanche à ses heures perdues.
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