Hugh Laurie revient –encore – dans le rôle d’un médecin : le Dr Chance, héros de la série éponyme diffusée sur 13ème Rue.
C’est quoi, Chance ? Eldon Chance (Hugh Laurie) est neuropsychiatre : consultant auprès des autorités, il livre son expertise sur les patients impliqués dans des affaires judiciaires. Père d’une adolescente, en plein divorce et en difficulté financière, Chance a lui-même souffert par le passé de problèmes mentaux qui ont mis sa carrière en péril. Il reçoit un jour une patiente, Jackie Blackstone (Gretchen Mol) : maltraitée par son mari, un policier corrompu (Paul Adelstein), elle souffre d’un dédoublement de la personnalité et d’amnésie. Le médecin tombe sous le charme de la jeune femme et décide de venir à son secours. Il demande alors de l’aide à un ancien militaire rencontré par hasard, D (Ethan Suplee). Mais en s’impliquant dans la relation perverse des Blackstone, Chance ignore dans quoi il s’engage…
Tirée du roman éponyme de Kem Nunn, qui est également le créateur de la série, Chance arrive sur 13ème rue à partir du 28 Mai, après avoir été diffusée sur la plateforme Hulu. Hugh Laurie, inoubliable interprète du Dr House, y retrouve un rôle de médecin : le Dr Chance du titre. La comparaison s’arrête là : ce n’était pas une mince affaire, mais l’acteur est suffisamment doué pour nous faire oublier, en quelques minutes, l’équation : Hugh Laurie + médecine = House.
Ceci étant, il faut reconnaître qu’il n’y a rien de commun entre les deux séries : au contraire de House, Chance n’est pas un procedural avec des épisodes conclus au schéma récurrent ; ce n’est même pas un drama médical, mais un thriller psychologique avec une intrigue feuilletonnante, qui court sur l’ensemble de la saison. Sur le fond, c’est l’histoire classique du type lambda, dépassé par les évènements et entraîné dans une situation hors-norme par de mauvais choix successifs. En l’occurrence, le cœur du problème s’appelle Jackie Blackstone, séduisante épouse d’un policier violent et corrompu ; envoûté par sa patiente, le Dr Chance va recourir à des moyens extrêmes pour la sauver, et l’obsession qu’il nourrit à son égard va précipiter sa descente aux enfers. Déjà fragile psychologiquement, en plein divorce et se débattant dans les problèmes financiers, le pauvre docteur se retrouve piégé dans une série de mésaventures, dont il tente de se sortir par des actions toujours plus violentes et insensées.
En 10 épisodes de 55 minutes, Chance n’est pas exempte de longueurs : la narration progresse avec une certaine lenteur et de nombreuses circonvolutions parfois maladroites, mais sans doute nécessaires au ton et à l’ambiance de la série. Classique mais élégante dans sa réalisation, elle prend le temps de poser un contexte, une atmosphère pesante, et instaurer la tension psychologique. Avec en toile de fond la ville de San Francisco, magnifiée par une atmosphère digne des meilleurs romans noirs, Chance fait habilement monter le suspense, distillant avec parcimonie des scènes brutales et inattendues. La violence et la folie vont crescendo, dans une spirale infernale qui culmine dans les deux derniers épisodes, avec un final ouvert, qui laisse entrevoir les possibles orientations de la saison 2 (déjà commandée par Hulu).
On peut éprouver quelques difficultés à se laisser porter par le récit : Chance demande un effort de concentration, si l’on veut en comprendre tout le mécanisme. Non que celui-ci soit particulièrement complexe ou abscons, mais parce qu’il repose sur de légères nuances, des allusions et des sous-entendus qui ne prennent tout leur sens qu’a posteriori. Encore que… L’une des caractéristiques de Chance vient des interventions de son héros, en voix off, qui relate le cas d’un patient particulier et sans lien avec l’histoire : ce n’est pas la meilleure trouvaille de la série, ces apartés ayant quelque chose d’affecté et de superfétatoire. Les personnages, en revanche, sont passionnants car extrêmement ambigus et difficiles à appréhender.
A commencer par le héros, remarquablement incarné par Hugh Laurie. Son obsession envers sa patiente, ses choix discutables, les alliés qu’il sollicite, son lourd passé psychiatrique qui se dévoile progressivement et son évolution au fil des épisodes sèment le doute sur sa santé mentale : le psychiatre n’est-il pas aussi instable que ses malades ? Peut-on se fier à son jugement ? Même chose avec Jackie, personnage sulfureux joliment interprété par Gretchen Mol : souffre-t-elle réellement d’un dédoublement de la personnalité ? Manipule-t-elle Chance pour se libérer de son mari ? Ou le couple joue-t-il un jeu pervers, aux dépends du pauvre docteur ? Et puis il y a D, le partenaire improbable du héros. Ancien soldat imperturbable au regard de fou, capable d’une violence froide et calculée, cette brute ingérable l’incite à opter pour des moyens radicaux et dangereux, l’entraînant toujours plus loin vers la noirceur et du chaos. Le rapport de force entre Chance et D, qui se renverse petit à petit, est à la fois le moteur de l’action proprement dite et le déclencheur de la métamorphose du héros. On ne peut que saluer l’excellente performance d’Ethan Suplee, qui fait de D un personnage tour à tour terrifiant, attachant et même drôle – et certainement le plus marquant de la série.
Chance est atypique, pleine de qualités mais aussi de défauts. L’intrigue est sans doute trop lente et perd de sa force, diluée dans des épisodes un peu trop longs. C’est toutefois une série intéressante, si vous savez comment l’aborder… Il y a fort à parier que, si vous la regardez d’un œil distrait, vous ne passerez pas le cap des premiers épisodes, intrigants mais pas forcément palpitants. En revanche, si vous lui accordez l’attention qu’elle mérite, Chance est susceptible de vous entraîner dans son tourbillon, lent mais inexorable, de violence et de folie. D’avance, pardon pour le jeu de mots facile : c’est à vous de voir si voulez donner sa chance… au Dr Chance !
Chance (Hulu)
10 épisodes – à partir du 28 Mai sur 13ème Rue