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On a vu pour vous … El Chapo, l’autre série de Netflix sur un narco

Après Pablo Escobar dans Narcos, Netflix se lance sur les traces d’un autre baron de la drogue : El Chapo.

C’est quoi, El Chapo ? En 1985, le trafic de drogues au Mexique est dominé par le cartel de Guadalajara, dirigé par le redoutable Miguel Angel (Ricardo Lorenzana). Sous ses ordres, le jeune Joaquin Guzman Loera (Marco De La O) est surnommé El Chapo (Le Petit) : simple subalterne, il ne manque ni d’ambition, ni de ressources. Faisant construire un tunnel pour transporter plus facilement et plus rapidement la drogue aux Etats-Unis, il demande à traiter directement avec un certain Pablo Escobar (Mauricio Mejia), leader du cartel colombien de Medellin. Lorsqu’il essuie un refus et se voit renvoyé à son rôle d’exécutant, El Chapo ne l’entend pas de cette oreille : il court-circuite son chef pour proposer directement ses services à Escobar. Si son culot et son ingéniosité lui valent le respect des grands barons de la drogue, il s’est mis à dos son ancien patron… Pour assouvir sa soif de pouvoir, El Chapo ne reculera devant rien.

Capitalisant sur le succès de Narcos, Netflix s’est associée à Univision pour nous plonger à nouveau dans le monde du narcotrafic, cette fois à travers le parcours de Guzman Loera  – alias El Chapo. Sans doute moins familier du grand public, il doit moins sa notoriété à son statut de baron de la drogue qu’à ses multiples évasions rocambolesques, qui lui ont permis de s’échapper à plusieurs reprises de prisons de haute sécurité, et à ses accointances douteuses avec le monde du cinéma… La vie d’El Chapo est une bonne illustration de la formule selon laquelle la réalité dépasse la fiction, et elle fournit matière à une histoire riche et pleine de rebondissements ; la relative méconnaissance du public permet en outre une certaine latitude aux scénaristes, qui peuvent s’emparer du personnage pour en donner une image presque romanesque. Une liberté moindre dans Narcos, où Pablo Escobar avait déjà fait tout le boulot en réécrivant sa propre histoire pour forger son propre mythe de son vivant…  

Avec 3 saisons annoncées, El Chapo se veut le récit épique de l’ascension et de la chute d’un criminel sans pitié, de 1985 à nos jours. Les 9 épisodes de cette saison 1 s’étendent de sa montée en puissance jusqu’à sa capture en 1993 et son incarcération dans la prison de sécurité maximale de l’Almoloya ; rythmé et efficace, l’ensemble n’est pourtant pas  totalement convaincant. Soumise à l’inévitable comparaison avec Narcos, El Chapo  semble s’en inspirer, tout en essayant de s’en affranchir au plus vite. Un défi d’autant plus délicat que le personnage d’Escobar apparaît à plusieurs reprises. Mais le pari est réussi : on oublie vite la série de José Padilha, El Chapo parvenant à développer son propre univers avec un ton différent. Moins épique et moins sophistiquée, exempte de l’humour apporté par le regard ironique et distancié d’un narrateur, El Chapo est plus brutale et gagne surtout en réalisme en se délestant de la dramatisation scénarisée qui sous-tendait le parcours du héros de Narcos. La mise en scène, plus classique, reste attrayante. Mais moins romanesque tout en se voulant élaboré, le récit est aussi plus confus.

Après Narcos, Netflix nous fait le coup du Chapo

 

Agitée, parfois hâtive, El Chapo use et abuse des sauts temporels et géographiques, rendant l’histoire complexe à suivre –  même pour qui en connaît les tenants et les aboutissants. Essentiellement factuelle, la série manque surtout d’une accroche émotionnelle en l’absence de laquelle il est difficile de se laisser porter par le récit.  L’action est certes rythmée par de multiples rebondissements et d’évidentes explosions de violence, mais même les moments les plus brutaux ou les coups de théâtre les plus inattendus ne suffisent pas à susciter l’enthousiasme, tant le personnage d’El Chapo manque de consistance. La faute n’en revient pas à Marco de la O, excellent dans le rôle, mais à la construction monolithique du héros qu’il interprète. Il est uniquement caractérisé par son obsession du pouvoir et son ambition dévorante, sans autre trait spécifique. Il faut attendre les deux derniers épisodes pour qu’il trouve une certaine épaisseur : lorsque les flash-backs racontant ses jeunes années se mêlent à son attitude lorsqu’il est emprisonné dans des conditions particulièrement atroces, El Chapo s’écarte enfin de la caricature de criminel sanguinaire et gagne en complexité, voire en humanité. Sans pour autant ressentir une quelconque empathie, on commence à distinguer, derrière le trafiquant et le tueur impitoyable, le modeste fils d’un agriculteur violent, qui a choisi la criminalité et le meurtre pour devenir quelqu’un.

Première arrestation d’El Chapo. Ce ne sera pas la dernière…

 

En conséquence, cette première saison apparaît presque comme un long préambule, une introduction en 7 épisodes de ce que sera réellement El Chapo. L’actualité se chargeant de spoiler le spectateur, nous savons déjà que les moments de bravoure de El Chapo résident dans ses inénarrables évasions, et ce sont évidemment les séquences les plus attendues.  A fortiori étant donné que, pour le moment, la toile de fond sous-tendant l’ascension du héros à la tête du narcotrafic mexicain ne suscite pas forcément l’intérêt : les guerres entre cartels sont vite expédiées, dans des scènes répétitives et sans enjeu dramatique ; les autres protagonistes semblent interchangeables et manquent de personnalité ; la dimension politique attachée au trafic de drogue est confuse, avec des officiels corrompus ou des parangons de justice en guerre contre les trafiquants qui se déchirent et s’entretuent dans une succession hâtive de complots et de conspirations. A tout le moins, la série tente d’aborder ces questions avec une critique virulente, bien que maladroite, des autorités (police, armée, milieux des affaires, gouvernement fédéral, présidence…) largement impliquées dans le phénomène du narcotrafic en Amérique du Sud.

Malgré ses maladresses, El Chapo reste intéressante, pleine d’action et de ressorts dramatique, mais frustrante dans la mesure où elle donne l’impression de garder le meilleur pour la suite… On attend donc avec curiosité la saison 2, annoncée en Septembre prochain sur Univision et plus tard sur Netflix. Pour l’instant, El Chapo semble un bon produit de substitution, si vous êtes en manque de Narcos.

El Chapo – Netflix.

Saison 1 – 9 épisodes de 50’ environ.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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