Proposée en 2014 sur Arte, la mini série Virage Nord est aujourd’hui disponible sur M6+ et c’est vraiment à découvrir.
Une petite ville française, passionnée par son club de foot, est bouleversée par le meurtre d’un supporter dans les tribunes, pendant un match. Alexandra Perrucci, une fille du pays, revient pour enquêter au coeur de sa ville, de sa famille, et de leur passion dévorante pour le ballon rond.
Une vraie série nordique … française
Virage Nord est un polar bien entendu. Un crime commis durant un match de foot. Mais c’est bien plus que ça. A la manière des séries nordiques qui, au gré de trames policières, nous racontent la société dans laquelle nous vivons, Virage Nord nous emmène dans une petite ville d’aujourd’hui, rongée par le chômage, la crise économique et qui ne survit que par le poids du club de football. Des enjeux peu usuels des séries françaises dans lesquelles le sport n’a jamais de place. En ça, la série rappelle Friday Night Lights, et la petite ville de Dillon (Texas).
Durant les 3 épisodes, rien n’est laissé au hasard et le spectateur n’est jamais ménagé. Sale, âpre, glauque, la série nous emmène dans les bas fonds d’une ville et emprunte à ses séries qu’on aime et qu’on connaît des codes qui ne nous sont pas inconnus.
Autre point fort: la série a une vraie belle héroïne à la Sarah Lund (The Killing) ou Saga Noren (Bron), campée par l’excellente Judith Davis, enfant du pays qui a fuit cette ville où elle mourrait à petits feux, mais contrainte d’y revenir pour aider sa sœur soupçonnée de meurtre. Alex est une vraie héroïne moderne. Elle n’est pas nécessairement celle qui résout tout, elle est complexe, brisée et terriblement attachante donc car pleine de failles.
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Virginie Sauveur met en scène avec beaucoup d’élégance et de sobriété une histoire qui n’en demeure pas moins puissante. Elle prouve qu’il y a bien entendu de vrais talents en télévision et elle sait ce qu’est raconter une histoire pour la télé. Virage Nord n’est pas un film découpé en épisodes mais une vraie mini série. Les personnages sont construits, charpentés et ont leur propre vie, indépendamment de l’histoire policière qui se conclut à la fin du 3ème épisode. Des personnages que l’on pourrait sans peine continuer à suivre, qui auraient des choses à nous raconter, même « débarrassés » de l’intrigue policière.
De même, chaque épisode conserve son unité tout en déroulant une intrigue sur 3 épisodes. Comme une vraie série mais à durée de vie très limitée. En la matière, Virginie Sauveur et les auteurs de cette mini série, n’ont pas à rougir de la comparaison et raconte beaucoup mieux, avec bien plus de finesse, la vie dans cette région française que d’autres œuvres bien plus prétentieuses ne l’ont fait avant.
Judith Davis, une vraie héroïne de série
Lors de la diffusion de la série sur Arte, nous avions eu le plaisir d’échanger avec son héroïne la remarquable Judith Davis qui nous avait bluffés dans ce rôle de femme flic en quête de reconnaissance dans Virage Nord.
Votre personnage rappelle les héroïnes de séries comme « The Killing » ou « Bron ». Est-ce un aspect qui vous aussi intéressé à la lecture du scénario?

Judith Davis : J’ai rencontré Virginie assez vite après avoir lu le scénario et elle m’a montré quelques photos de repérages qu’elle avait fait dans le nord où on a tourné et ça m’a permis de vite comprendre quel univers elle souhaitait pour la série et j’ai donc effectivement immédiatement pensé à toutes ces figures là. Notamment la série Bron que j’avais vu peu de temps avant, de part l’atmosphère, la tension, la couleur des images et le fait que le décors soit comme un personnage à part entière. Alexandra est aussi comme ces héroïnes un personnage très renfermé, qui ne montre pas ses émotions, et ça a été un très grand défi de jeu pour moi dès le début car en principe « jouer » c’est justement montrer des émotions. Il a fallu tenir bon pour travailler avec Virginie sur la construction du personnage, et faire en sorte que l’on croit aussi bien à ces moments où elle garde pour elle, que ceux où elle lâche un peu quelque chose. Mais j’avais une vraie crainte durant la phase de travail de savoir si le public allait s’attacher à ce personnage, l’aimer ou pas.
Qu’est ce qui vous a séduit dans l’histoire?
J.D: C’est un ensemble de choses. Déjà le personnage. Je n’avais jamais joué de flic donc c’était un vrai challenge pour moi. J’aime aussi beaucoup la manière que Virginie a de parler du nord qui est un endroit où j’ai pas mal travaillé. J’ai aussi beaucoup aimé son traitement des personnages pour lesquels on peut tout imaginer, l’histoire qu’ils ont derrière, le milieu social, les difficultés rencontrées notamment par les jeunes, cette façon qu’ils ont de se retrouver sur la plage à boire des bières parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire de la journée,..Tout ça reste en même temps à l’arrière plan et en même temps dans l’imagination du spectateur. J’ai aussi adoré sa manière de parler du foot qui n’est jamais dans quelque chose d’attendue, évitant les « clichés » du genre. Virginie a su aborder ses thèmes avec finesse, montrant toujours les deux côtés du miroir avec une histoire suffisamment ample pour montrer tous ces aspects sans jamais se perdre.
Tous les personnages existent avant, pendant et après l’histoire
J.D: Oui c’est tout à fait ça. Ils ont vraiment été bien construits à l’écriture par Virginie et ses deux co scénaristes. Chaque personnage a plusieurs facettes, les méchants ne sont jamais vraiment que méchant par exemple. C’était vraiment pour tout le monde intéressant de camper de tels personnages. Concernant Alexandra, j’ai beaucoup aimé le fait que, même si dans sa vie personnelle elle ne parvient pas à dire les choses, dans son métier, les choses sont en revanche assez claires, assez calées. Elle est très droite, très efficace et sait faire avancer l’enquête quand il le faut même si elle ne résout pas tout.

Votre personnage est très présent à l’image. On imagine que le tournage a dû être très rock’n roll pour vous?
J.D: Oui effectivement ça l’a été car la série dure l’équivalent de deux grands films avec le même temps que pour faire un film avec peu de budget c’est à dire 6 semaines. C’est dingue quand on y repense car quand on regarde a qualité de l’image, les propositions des acteurs, cette vraie exigence qu’il y a, on n’a pas l’impression que le tournage ait été aussi rapide. Ce qui est compliqué du coup c’est que maintenant, on va se dire qu’on peut de la très bonne qualité en peu de temps. Mais il faut garder en tête que la vérité est tout autre. On a souvent dépasser les délais, des gens ont pu se blesser car on tournait trop vite et ça c’est pas normal. Le résultat est que c’est possible oui mais ça a un coût et un coût humain. Je ne dis ça contre personnage mais je parle plus d’un système qui veut qu’on travaille comme ça. Il faut vraiment que ça soit entendu car on aura beau faire tout ce que l’on peut, il y a un moment où on ne pourra pas faire plus. Après, je suis évidemment contente qu’on ait pu faire quelque chose de bien, je suis vraiment fière pour toute l’équipe, pour Virginie Sauveur et son projet. Mais c’est important que les gens comprennent aussi comment ça s’est passé.
Ce temps très concentré a été aussi pour moi source de doutes à un certain moment. Comme on avait peu de temps pour se préparer, et ça va peut-être paraître bête, mais j’avais peur par exemple de ne pas être crédible dans certaines actions, comme en tenant l’arme, alors que c’était très important pour moi.
C’est vrai qu’au départ, on peut se dire que votre personnage est « jeune » pour être à ce poste, mais très vite, on l’accepte et il n’y aucun soucis de crédibilité.
J.D: C’était aussi un défi pour moi. On a souvent l’habitude de voir dans des fictions des acteurs flics « plus vieux » que l’âge réel de leur personnage. On a donc déformé dans notre regard de spectateur ce que ça voulait dire d’avoir 30, 40 ou 50 ans car généralement les acteurs n’ont pas toujours l’âge de leur rôle. Or, avoir une policière capitaine de police à 32 ans et qui me ressemble, c’est plus que crédible dans la vie. On a juste peut-être pas l’habitude de se dire que quelqu’un de 32 ans peut me ressembler. Il y a eu donc tout un challenge pour rendre le personnage assez mature et assez encré. Mais c’est vrai que durant les premières minutes, des gens ont été un peu étonnés de nous voir flics. C’est pareil par exemple pour Clémence Poésy dans The Tunnel, qui comme Alexandra, dégage quelque chose à la fois de droit et de « juvénile », qui est la réalité et l’ambiguïté d’une personnage de 30 ans d’aujourd’hui.
