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On a vu pour vous… Devils (Sky / OCS), thriller diabolique dans le milieu de la finance

Devils, thriller financier complexe mais redoutablement efficace, confronte un brillant trader à son mentor, en pleine guerre économique.

C’est quoi, Devils ? Au lendemain de la crise des subprimes, à Londres, le trader italien Massimo Ruggero (Alessandro Borghi) vient de faire gagner des centaines de millions de dollars à son entreprise, la NYL Investment Bank. Soutenu par son supérieur et mentor Dominic Morgan (Patrick Dempsey), il est en lice pour une promotion. Mais impliqué dans un scandale et suspecté d’avoir joué un rôle dans la mort d’un de ses collègues, Massimo voit ses ambitions s’effondrer. En tentant de se disculper avec l’aide d’une blogueuse (Laia Costa), il comprend que l’affaire le dépasse et qu’il est au centre d’une guerre financière mondiale à laquelle Morgan n’est pas étranger. 

Nouvelle série coproduite par Sky et OCS, Devils est tirée d’un best-seller : I diavoli. Pour écrire ce thriller financier, l’Italien Guido Maria Brera (qui a du reste participé à l’adaptation) s’est inspiré de sa propre expérience au sein du hedge funds Fineco, comme trader à Londres puis comme fondateur de Kairos, la plus puissante entreprise italienne dans la gestion d’actifs.  

«La plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu’il n’existe pas » : c’est Baudelaire que cite en voix off l’alter ego de l’auteur, Massimo, dès les premières minutes de Devils. Self made man sans scrupules et brillant trader, il connaît bien les Diables qui donnent son titre à la série puisqu’il travaille à leurs côtés au cœur de la City, au siège londonien de la puissante NYL Investment Bank. Un lien profond semble l’unir à son mentor et PDG de la banque, l’Américain Dominic Morgan, l’un des hommes les plus puissants de la finance mondiale. 

Le formidable prologue du premier épisode jette tout de suite les bases d’un mélange d’intrigue financière et de thriller criminel. Face à ses troupes, Morgan fait l’éloge de son protégé tandis qu’en parallèle, nous voyons un corps non identifié plonger dans le vide et s’écraser sur le parvis devant le siège de la banque. Est-ce un suicide, un accident, un meurtre ? Rapidement, les soupçons des enquêteurs se portent sur Massimo, qui venait d’avoir une altercation avec la victime. Sa situation, déjà précaire en raison de la réapparition dans sa vie de son ex-compagne toxicomane, va vite devenir intenable : sa relation avec Dominic se détériore brutalement lorsque celui-ci lui retire son soutien et l’étau commence à se resserrer autour de lui.  

Massimo et son mentor, le charismatique Dominic Morgan

Très bien écrite, Devils tient en haleine grâce au thriller prenant qui court tout au long des épisodes – du moins, des six que nous avons vus – à mesure que Massimo est rattrapé par son passé, confronté aux secrets de son mentor, précipité dans un engrenage et des enjeux qui le dépassent. En tentant de prouver son innocence, il va découvrir les zones d’ombre et secrets de Dominic, tous deux vont nouer des alliances plus ou moins légales – par exemple avec Daniel Duval (Lars Mikkelsen), leader d’une organisation qui divulgue des informations sur les milieux financiers. Le mano a mano qui se dessine entre les deux protagonistes principaux est intense, et l’excellente interprétation de Borghi et Dempsey n’y est pas étrangère.

Cependant, Devils peut sembler difficile d’accès. D’abord, en raison de sa construction exigeante : c’est un puzzle où le moindre détail peut avoir son importance, qui accumule les strates et enchevêtre plusieurs intrigues et flash-back concernant différents personnages. Ensuite, à cause du cadre de l’histoire, soit celui de la haute finance. Comme dans Billions, le jargon spécifique et les notions techniques souvent absconses pourraient rebuter le commun des mortels ;  Devils parvient toutefois à rendre relativement accessible la plupart des concepts et  surtout à raconter une histoire extrêmement crédible car placée dans un contexte réel.  C’est-à-dire que les personnages et les rebondissements de l’intrigue appartiennent à la fiction, mais tout se déroule au milieu d’événements qui, eux, sont bien réels et illustrés par des images d’archives. (L’effondrement de Lehman Brothers et ses conséquences, la spéculation sur la zone Euro, les crises économiques en Argentine ou en Grèce, la chute de Kadhafi…)  

Sur le trading floor, les décisions se prennent en une fraction de seconde

Et c’est sans doute ce qui est le plus passionnant – et dérangeant – dans Devils. Nous sommes dans une fiction terriblement réaliste : un monde hermétique où le temps, c’est  de l’argent au sens littéral (une fraction de seconde peut vous faire gagner ou perdre des millions de dollars) ; un environnement schizophrène entre luxe froid des immeubles modernes et effervescence psychotique des bureaux où traders et banquiers font et défont les marchés en un seul clic ; un monde où leurs décisions bouleversent l’économie d’un état et la vie de tous ces habitants ; où l’écart grandissant entre riches et pauvres engendre des mouvements sociaux. Devils, c’est finalement une plongée dans les états majors d’une guerre mondiale qui ne dit pas son nom, et dont l’arme est peut-être la plus puissante et dangereuse de toutes : l’argent. 

L’auteur de I diavoli, Brera, expliquait avoir écrit son roman pour deux raisons : « La première est vaguement altruiste : il me semblait utile que les gens en sachent autant que possible sur le monde de la finance qui détermine leur vie. La seconde est personnelle : à un moment donné, j’ai traversé une crise, exactement comme Massimo quand il arrive au sommet. » Et c’est un excellent résumé : Devils est un thriller plein de tension et de suspense, avec un héros dont les certitudes s’effondrent et qui se retrouve au cœur d’une guerre secrète dont nous sommes, sans le savoir, les victimes collatérales.  Et en pleine crise sanitaire et financière, Devils prend une dimension particulière car on ne peut s’empêcher de s’interroger : qui sont les Diables qui œuvrent en coulisses, jusqu »où sont-ils prêts à aller pour se sauver et préserver leurs intérêts ? 

Devils (Sky / OCS)
10 épisodes de 55′ environ. 
Diffusion en France sur OCS.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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