Avec sa série Empathie, Florence Longpré aborde un sujet délicat avec une sensibilité immense, entre drama, légèreté et émotion pure.
C’est quoi, Empathie ? Suzanne Bien-aimé (Florence Longpré), ancienne criminologue devenue psychiatre, a accepté un poste à l’Institut psychiatrique Mont-Royal. Dans cette institution, elle dirige l’aile D où sont accueillis des criminels atteints de graves pathologies mentales, qu’elle et son équipe doivent soigner ou expertiser pour déterminer s’ils sont aptes à être jugés ou incarcérés. Ces patients qui ont souvent commis des crimes atroces, Suzanne entend pourtant les traiter avec empathie, de les comprendre pour les aider, notamment avec l’aide de Mortimer (Thomas Ngijol), son assistant avec qui elle se lie d’amitié. Mais Suzanne elle-même est une femme fragile, marquée par de profonds traumatismes…
Empathie est une série à part, de celles qu’on n’oublie pas. Créée par Florence Longpré qui interprète aussi le rôle principal, cette série québécoise a été présentée lors du dernier festival Séries Mania où elle a fait sensation, et on comprend vite pourquoi. En dix épisodes d’une quarantaine de minutes (magnifiquement réalisés par Guillaume Lonergan) se déploie une histoire complexe, sensible et intelligente, qui intrigue, interpelle et finit par bouleverser. Une série qui ose parler sans détour de la santé mentale, entre violence, légèreté et humanité, désormais disponible sur Canal+.
Une série dure et sans tabou sur la maladie mentale
L’histoire se déroule au sein de l’Institut psychiatrique Mont-Royal, dans une unité qui accueille des patients atteints de troubles sévères et coupables ou suspectés de crimes graves, considérés comme inaptes à la détention, qui sont ici pour être traités ou expertisés en vue d’un procès. C’est ici qu’arrive Suzanne Bien-Aimé, ex-criminologue devenue psychiatre, qui prend son poste après deux ans d’arrêt maladie.
Compétente et intelligente, secondée par Mortimer avec qui elle se lie d’amitié, elle aborde ses nouveaux patients avec… empathie : alors qu’ils sont souvent abrutis par les médicaments, elle cherche à voir au-delà de la pathologie et du casier judiciaire, à comprendre ce qui les a amenés ici. Mais elle-même est une jeune femme fragile, au comportement auto-destructeur : solitaire et alcoolique, elle ne se remet pas du profond traumatisme qu’elle a subi (que l’on découvrira au fil des épisodes, dans des flash-back)
Empathie ne fait pas de concessions : les cas traités à l’institut sont lourds, complexes avec des pathologies sévères, pour lesquelles ces gens ont été jugés inaptes à la détention, exclus, rejetés. Leur passé, leurs fêlures, les raisons qui ont engendré leur comportement se dévoilent progressivement, par petites touches, dans des récits souvent brutaux et sans concession, parfois extrêmement dérangeants et même déchirants. On pense, à Madame Moisan (Brigitte Lafleur), toxicomane en proie à des délires violents, à Charles Villeneuve (Jean-François Nadeau) manipulateur pervers, ou encore à Jacques Dallaire (Benoît Brière, phénoménal), si paisible en apparence mais pyromane souffrant d’hallucinations.
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Longpré et Ngijol, un duo phénoménal
Tous les acteurs sont formidables, a fortiori dans des rôles qu’on devine extrêmement délicats à interpréter. Tous sont d’une grande justesse, n’en font jamais trop. Mais c’est le duo Suzanne–Mortimer qui porte la série. Leurs histoires personnelles sont toutes aussi bouleversantes : elle, qui a accumulé les traumas, arrive à un point de rupture et lui, sous une façade de bonne humeur, cache une enfance et une situation familiale extrêmement douloureuses.
Florence Longpré livre une performance impressionnante, montrant toutes les facettes de cette femme sensible, intelligente, paumée, forte, drôle, triste… Face à elle, Thomas Ngijol sort du cadre de la comédie pour lequel on le connaît, dans un rôle dramatique auquel il apporte toutes les nuances imaginables. Ensemble, ils créent quelque chose de magique et les scènes qu’ils partagent sont toujours extraordinaires, parfois dans la légèreté, parfois dans le drama, mais toujours avec une intensité saisissante.
L’empathie, l’humain derrière la maladie
Dépression, troubles psychotiques, trouble de la personnalité, addictions, stress post-traumatique, démence… Empathie est indéniablement une série sombre. Sombre et bouleversante, il y a des moments où on a du mal à retenir ses larmes, d’autant que les dialogues sonnent vrai, et qu’on a souvent l’impression d’être assis dans la pièce avec Suzanne et ses patients. S’y ajoutent quelques séquences oniriques aussi sublimes qu’angoissantes, à l’image de celle qui ouvre la série.

Malgré tout, Florence Longpré évite toute dérive mélodramatique et tout pathos. D’abord, parce qu’il y a aussi des moments de joie, dans Empathie : des petites scènes en apparence anecdotique, mais qui font jaillir la lumière dans la noirceur. Ce sont les échanges empreints de douceur et de complicité entre Suzanne et Mortimer, les fous rires irrépressibles qu’ils partagent, les petites victoires à l’hôpital lorsqu’un patient sort de sa chambre après y être resté volontairement cloîtré pendant une dizaine d’années… Des scènes brillantes, parfaitement intégrées à l’ensemble, qui apportent un peu de légèreté et soulignent aussi l’émotion.
Mais ce qui rend surtout Empathie profondément touchante, c’est qu’elle porte parfaitement son titre. Dans ce mélange habile de gravité et de légèreté, la maladie mentale est toujours regardée avec humanité et – justement – empathie. L’empathie, c’est cette capacité à se mettre à la place d’autrui, à comprendre sa souffrance . Elle est au cœur de la démarche de Suzanne, et donc de la série, qui cherche à expliquer sans excuser, à comprendre sans juger. Et elle y parvient, lorsqu’elle réussit à nous faire ressentir de la compassion pour ses personnages. C’est facile quand il s’agit de Mortimer et Suzanne, plus délicat quand on est face à des patients qui ont commis l’irréparable. Mais le regard humain que la série porte sur eux nous permet de voir au-delà du crime et au-delà de la maladie mentale.
Empathie s’aventure sur le terrain délicat de la maladie mentale avec un équilibre subtil entre drame et tendresse, entre souffrance et humour. Portée par des acteurs extraordinaires, au premier rang desquels la créatrice Florence Longpré et Thomas Ngijol, c’est un petit bijou bouleversant où on passe du rire aux larmes. Une série intense, sans concession mais sans pathos, d’une merveilleuse humanité.