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On a vu pour vous … Homecoming, thriller paranoïaque avec Julia Roberts

Avec sa réalisation inspirée, la série Homecoming mettant Julia Roberts en vedette s’impose comme un thriller noir fascinant voire obsédant.

C’est quoi, Homecoming ?  En 2018, Heidi (Julia Roberts) est embauchée comme consultante dans le centre Homecoming. Basée en Floride, la structure héberge d’anciens combattants qui, par le biais d’entretiens et de jeux de rôle, tentent de surmonter leur syndrome de stress post-traumatique pour se réadapter à la vie civile. En 2022, Heidi a quitté son emploi. Désormais serveuse dans sa ville natale, elle reçoit la visite de Thomas Carrasco (Shea Whigham), agent du département américain de la Défense venu l’interroger dans le cadre d’une enquête sur l’échec du projet Homecoming.

Deux noms : Julia Roberts et Sam Esmail. Soit une actrice qu’on peut qualifier de star sans craindre de galvauder le mot, et le showrunner de la toujours surprenante Mr Robot. De quoi attirer les curieux mais aussi susciter bien des attentes à l’égard de Homecoming, qui les réunit sur Amazon Prime Video. Imaginée par  Eli Horowitz et Micah Bloomberg d’après leur podcast audio éponyme (auquel a notamment participé David Schwimmer), la série a été entièrement réalisée par Esmail.

Agent du département américain de la Défense, Carrasco vient interroger l’une des responsables d’un projet de réhabilitation d’anciens combattants, qui s’est déroulé 4 ans plus tôt. Simple au premier abord,  l’histoire se complexifie par sa mise en œuvre, puisque le récit explore alternativement les deux lignes temporelles dans chaque épisode. En 2018, Heidi vient d’être engagée au sein du projet en question, Homecoming, et s’entretient avec des militaires revenus du front pour les aider à se réinsérer. Parmi eux, elle noue un lien privilégié avec Walter Cruz (Stephan James), tandis qu’un Joseph Shrier paranoïaque (Jeremy Allen White) se montre suspicieux envers le programme. La jeune femme rend des comptes à Colin Belfast (Bobby Cannavale dans toute sa splendeur), un excentrique obsédé du contrôle qui la sollicite en permanence lors de longues conversations téléphoniques. En 2022, Heidi est retournée vivre dans sa ville natale, où elle s’occupe de sa mère (Sissy Spacek) et travaille comme serveuse. Lorsque, pour une raison inconnue, Carrasco vient l’interroger sur Homecoming, Heidi prend conscience qu’elle a quasiment tout oublié de cette période de sa vie.  

Heidi s’entretient avec Cruz – avant l’incident…

 

Stricto sensu, Homecoming est déjà prenante, malgré une fin peut-être un peu facile. Le scénario repose sur un mystère central redoutable à partir duquel la série sème le doute dans l’esprit du spectateur, le pousse à spéculer et théoriser sur une suite de questions. Qu’est-ce qui a poussé Heidi à quitter son emploi ? Comment expliquer son amnésie ? Qu’est-il arrivé à Cruz ? Quel rôle a joué Belfast ?  La méfiance de de Shrier était-elle justifiée ? Captivant, ce casse-tête noir est servi par des acteurs remarquables ; outre une Julia Roberts magnifique qui interprète avec finesse une héroïne touchante au double visage, Bobby Cannavale est toujours aussi impressionnant à la frontière du comique et de l’inquiétant, tandis que Jeremy Allen White (Shameless),  Shea Whigham (Boardwalk Empire) et Stephan James se distinguent dans des rôles complexes et nuancés, qu’ils s’approprient parfaitement.

Chaque épisode juxtapose donc des séquences de 2018 et de 2022. Mais contrairement à une série comme Westworld qui entretient volontairement la confusion dans la chronologie, Homecoming établit clairement le distinguo. Les scènes du passé sont tournées en  16: 9 avec une palette de couleurs froides voire cliniques ; celles du présent de la narration dans un format 4:5 plus vertical qui accentue la sensation de claustrophobie et dans des teintes plus sombres. Une différence qui marque le changement de temps mais dévoile aussi une valeur plus psychologique, vers la fin de la saison.

Ce n’est pas la seule originalité de Homecoming. Il y a la durée inhabituelle (pour un drama) et d’abord déstabilisante de 30 minutes environ par épisode ; elle s’avère pourtant profitable en terme de rythme et de construction. Le fait que la série soit adaptée d’un podcast se traduit par la prépondérance des dialogues sur l’action – conversations téléphoniques et entretiens psychologiques sont du reste quasiment identiques au texte original. Mais c’est surtout la réalisation qui surprend, Esmail s’appuyant sur des techniques similaires à celles employées dans Mr Robot : au changement de format selon le temps du récit, il ajoute des plans stylisés et symétriques, décentre la caméra, utilise de longs plans séquences panoramiques pour suivre par exemple Heidi  à travers les trois étages du centre, divise l’écran en deux pour dynamiser les appels de Belfast… La bande-sonore est également réfléchie et pertinente, avec un mélange de compositions classiques et de thèmes dignes des meilleurs thrillers hitchockiens, qui accentuent le sentiment de menace et de tension.

Sam Esmail et Bobby Cannavale sur le tournage de Homecoming

 

On pourrait penser que la multiplication des artifices et expédients donne finalement un aspect factice à l’ensemble, que l’expérimentation se fait au détriment de l’histoire, comme par exemple dans Mosaïc de Steven Soderbergh ou dans Maniac. Or, une fois passé l’étonnement, non seulement chaque élément trouve naturellement sa place, mais la réalisation apporte une valeur ajoutée au contenu et sert le récit. Entre plans fermés et ouverts, sensation d’enfermement et large espace médicalisé,  la série multiplie les points de vue, donne de l’importance à chaque détail et distille une tension insidieuse. Rien n’est évident, tout est suggéré – jusqu’à la révélation finale. Encore que. Peut-être que la vérité est subjective  et que rien ni personne, dans Homecoming, n’est vraiment ce qu’il semble être…

On ne manque pas d’arguments pour vous inciter à regarder Homecoming : la sublime Julia Roberts dont la réputation de grande actrice n’est pas usurpée, le toujours réjouissant Bobby Cannavale, le travail de Sam Esmail dont on retrouve toute l’originalité, et surtout l’histoire elle-même,  thriller psychologique maîtrisé. Récit plein de suspense remarquablement construit, à la mise en œuvre aussi déstabilisante que pertinente, Homecoming est fantastique, sur le fond comme sur la forme : une belle réussite.

Homecoming (Amazon Prime Video)
10 épisodes de 30′ environ.
Disponible à partir du 2 Novembre

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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