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Mémoire Vive est la nouvelle fiction événement de M6 portée par Clémentine Célarié et avec cette nouvelle série, la chaîne nous offre une brillante surprise.
C’est quoi Mémoire Vive ? Esther Lefèvre a passé une partie de sa vie en tant que greffière au service d’un juge d’instruction et profite désormais d’une retraite sans histoire. Mais lorsqu’on lui diagnostique un début d’Alzheimer, un secret qu’elle s’était efforcée d’enfouir au fond de sa mémoire remonte à la surface. Elle extrait de ses archives une liste de noms et commence à éliminer, une à une, les personnes qui y sont mentionnées, se muant en une justicière énigmatique et maladroite. Alors qu’elle met en œuvre sa vengeance avant que l’oubli ne la gagne, une jeune flic talentueuse et fonceuse, Célia Le Goff, voit son quotidien basculer lorsqu’elle découvre qu’un tueur en série laisse des messages à son intention sur les corps de ses victimes. L’enquête la mènera sur les lieux de son enfance là où est enfoui le plus sombre secret de son passé. Esther cherche à se souvenir et Célia à oublier.
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L’essentiel
« Un héros à contre-emploi, d’un justicier d’âge mur atteint de la maladie d’Alzheimer, d’un suspect insoupçonnable dont on ignore les motivations mais que sa vulnérabilité et une forme de maladresse rendent attachant en dépit de sa détermination. Jouer sur le décalage permet de pousser aussi bien les curseurs de l’émotion, de la tension que celui, très présent, de la comédie. Le fait d’avoir féminisé le rôle nous a permis d’aller encore plus loin. Proposer un premier rôle, original et décapant à une femme de plus de soixante ans, tranche d’âge souvent invisibilisée à l’écran« . Xavier Matthieu (producteur) a donc choisi ce concept turc très différent dans sa forme originale (“Persona” de Tara Yapim) pour en faire une histoire de justicier au ton décalé. Arnaud Malherbe (créateur de Chefs ou Moloch) signe ici sa toute première adaptation d’un format à qui il a pris soin de confier le rôle central à Clémentine Célarié : « Esther, à l’image de la série, est aussi en permanence sur le fil, alternant des émotions, presque des visages, des personnages différents. Combattante contre sa maladie d’Alzheimer, mère imparfaite, grand-mère aimante, amie chère et protectrice, sérial killeuse… Clémentine est bouleversante à tous égards. » Face à elle, le casting s’étoffe de Élisa Erka en flic à la quête d’une partie de sa mémoire mais aussi Marc Rushmann, Caroline Proust ou encore Geneviève Emanuelli.
Sur 4 épisodes de 52 minutes, Mémoire vivre décline une histoire puissante, bouleversante et décalée.
« Ce monde est soit le nôtre soit le leur »
Quand on appris le mise en route du projet, la série avait de quoi nous titiller dans son envie de réécrire l’histoire déjà du serial killer. Mais à la lumière du visionnage des 4 épisodes de la série, Mémoire vivre est littéralement une claque, un nouveau coup de cœur que l’on a pas vu arriver, une série qui résonnera sans doute pour longtemps en nous.
C’est déjà la confirmation de ce qu’un réalisateur doté d’un univers singulier peut faire en s’emparant d’un concept qui, avec un autre, aurait pu être plus banale. En optant dès le départ pour un traitement décalée de son sujet de départ – la maladie d’Alzheimer – sans jamais basculer dans quelque chose d’outrancier, Arnaud Malherbe nous emmène aux côtés de d’Esther dès les premiers instants. La série adopte en effet pour un côté très BD pour son traitement, avançant sur une ligne de crête émotionnelle maintenue à tout moment avec beaucoup d’intelligence (à l’image de cette scène au début de la série quand Esther comprend que la maladie lui a fait oublier de nourrir son chat – tragique – en le découvrant « séché » sous la commode – aspect décalé). C’est ce traitement qui sera toujours maîtrisé tout au long de la série (et qui donnera d’ailleurs l’idée de se déguiser en « chat » pour tuer ses victimes). Mais à chaque pas fait vers le décalé, la série insuffle une dose d’émotion salutaire.
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Dans son écriture, parfaitement maîtrisée là aussi (Anne-Gaëlle Daval, Hélène Lombard, Maax Thuvertie, Laurent Burtin), Mémoire vive distille comme il se doit les éléments propres à la vendetta d’Esther (dont on ignore longtemps les fondements) et la partie révélations des raisons liées à la vie de Célia Le Goff, la flic en recherche de souvenirs.
Et même au petit jeu des révélations, c’est toujours servi par une réalisation puissante et particulièrement fine. En ça, le face à face final entre Esther et Célia est absolument saisissant, plongeant le spectateur dans un véritable film de genre par la photographie et la lumière, mais se révèle aussi extrêmement politique, adressant au public cette phrase d’un féminisme éclatant « Ce monde est soit le nôtre soit le leur » qui, à l’heure des affaires qui ne cessent de se multiplier, fait un bien fou.
C’est tellement beau, c’est tellement fort, c’est tellement bouleversant et on se dit que la fiction française a sacrément progressé ces 20 dernières années pour proposer ce genre de traitement sur une grande chaîne de télévision.
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Enfin, soulignons pour terminer la partition absolument phénoménale de Clémentine Célarié qui livre avec cette série l’un de ses très grands rôles. Avec son rôle affuté si bien pensé / caractérisé / costumé et ce qu’elle donne littéralement à Esther, elle se révèle totalement bouleversante (comme à chaque fois où elle a peur d’oublier des détails importants de son plan … ou de sa vie – « Mon petit chat est mort« ). Rarement on aura vu la comédienne nous tenir autant dans ce rôle pour lequel elle est particulièrement bien dirigée. Elisa Erka incarne parfaitement sa némésis et passe si bien de la jeune femme insouciante qui dévore la vie à la flic sombre. La série ne dévoile d’ailleurs pas frontalement la décision qu’elle doit prendre mais l’ultime scène nous aiguille encore une fois vers une sortie de série des plus audacieuses. On s’en voudrait tant elle est la pièce maîtresse de cette série, il nous faut mentionner Geneviève Emanuelli, qui n’a pourtant que deux lignes de dialogue mais qui délivre une partition mutique des plus réussies. Dans ce concert de louanges, n’oublions pas de mentionner le travail toujours précis et émotionnellement fort du compositeur Flemming Nordkrog dont la partition est pour beaucoup dans l’émotion toujours palpable dans la série.