Dans la série catalane Merlí , un professeur aux méthodes atypiques vient en aide aux élèves grâce à la philosophie. Comme dans La Faute à Rousseau, qui en est l’adaptation française.
C’est quoi, Merlí ? Merlí Bergeron (Francesc Orella) arrive en tant que professeur de philosophie remplaçant dans un lycée de Barcelone. Divorcé, contraint d’habiter chez sa mère, il se retrouve à enseigner dans la classe de son fils Bruno (David Solans) avec qui il est en froid. Et Merlí a des méthodes d’enseignement atypiques qui ne laissent personne indifférent : ses collègues et sa hiérarchie lui sont hostiles et les parents sont perplexes, mais ses élèves l’adorent. Au lieu des cours classiques, il les pousse à développer leur esprit critique et à travers la pensée des grands philosophes, il les aide à surmonter leurs problèmes personnels.
Vous avez peut-être regardé La faute à Rousseau, série créée par Agathe Robilliard et Thomas Boullé pour France 2. Eh bien il s’agit de l’adaptation d’une fiction espagnole, plus précisément catalane : Merlí. La chaîne régionale TV3 a lancé la première des trois saisons de la série en Septembre 2015 ; l’énorme succès rencontré a incité la RTVE à diffuser Merlí dans toute l’Espagne. En France, on a pu la découvrir sous le titre #Philo sur Cine+ (la saison 1 est actuellement accessible sur Amazon Prime Video).
Vous connaissez Benjamin Rousseau, découvrez son collègue Merlí Bergeron. Interprété par le fantastique Francesc Orella, ce professeur de philosophie quinquagénaire divorcé arrive à Barcelone et emménage chez sa mère ; il vient d’être engagé comme professeur remplaçant dans le lycée où étudie son fils Bruno, avec qui il n’a guère de relation. Il a été licencié de son poste précédent en raison de ses méthodes d’enseignement peu orthodoxes, qui ne plaisent ni à ses collègues, ni à l’Académie, ni aux parents… mais qui enchantent ses étudiants.
Au lieu de suivre le programme ou les directives pédagogiques, Merlí est un enseignant passionné et provocateur qui se la joue Cercle des poètes disparus : à partir de concepts philosophiques, il discute avec les lycéens qu’il surnomme les péripatéticiens (en référence aux élèves d’Aristote), les incite à penser par eux-mêmes, à tout remettre en question y compris l’autorité, et il les pousse à appliquer les grands courants de pensée à la vie réelle pour résoudre leurs problèmes personnels.
L’une des particularités de Merlí vient du titre des épisodes, portant tous le nom d’un philosophe (Platon, Machiavel, Schopenhauer, Foucault, Hannah Arendt, Guy Debord) dont la pensée sert d’épine dorsale à l’intrigue principale. Un concept comme la mort de Dieu, le libre-arbitre ou la dialectique hégélienne est brièvement exposé en classe par Merlí, et l’idée entre en résonance de manière concrète avec la vie d’un personnage – parfois un autre enseignant mais le plus souvent un élève. Au fil des trois saisons, les adolescents trouveront dans la philosophie un moyen de surmonter les situations problématiques qu’ils rencontrent dans leurs familles ou au lycée, ils deviendront progressivement les acteurs de leur propre vie, et Merlí lui-même fera face à ses problèmes grâce à ses échanges avec ses élèves et ses collègues.
Loin de résoudre les intrigues à la va-vite ou de rester superficielle avec un sujet par épisode, Merlí s’attache à ses personnages et prend une dimension feuilletonnante. Au fur et à mesure que nous découvrons leurs histoires, les protagonistes s’éloignent des grands archétypes (le bon élève, le sportif, le nerd, le timide, la fille populaire, le prof sévère, la mère célibataire…), ils gagnent en profondeur et en complexité, toutes les intrigues progressant en parallèle et de façon crédible sur l’ensemble des trois saisons.
On suit par exemple Bruno, le fils de Merlí , amoureux en secret de son camarade Pol (Carlos Cuevas – par ailleurs héros du spin off Sapere Aude où il étudie à l’Université) ; Ivan, traumatisé par le harcèlement dont il est victime au lycée, atteint de phobie sociale et d’agoraphobie ; Tania, qui souffre d’une mauvaise estime d’elle-même à cause d’un léger surpoids ; la jolie Berta , manipulatrice qui se sert du sexe pour arriver à ses fins ; Joan, l’élève modèle écrasé par une figure paternelle autoritaire. Toutefois, Merlí ne se focalise pas uniquement sur les élèves et accorde aussi une large place aux parents et aux enseignants – citons par exemple Millán, enseignante avec un Alzheimer précoce ou encore Quima, professeure d’anglais transsexuelle.
Évidemment, dans une série destinée au grand public et qui plus est avec des épisodes de 50 minutes, des thèses aussi complexes que le rationalisme ou la théorie freudienne de l’inconscient ne sont pas analysées de manière exhaustive et sont même très largement simplifiées. Pour autant, le propos philosophique en arrière-plan reste passionnant et stimulant ; il permet surtout à la série d’aborder un large éventail de thèmes, souvent graves et délicats. La dépression, l’identité sexuelle ou de genre, les carences du système éducatif, les addictions, le harcèlement, la maladie, les relations familiales, les discriminations, les difficultés socio-économiques, les fragilités psychologiques… ou encore l’indépendantisme en Catalogne. Rappelons qu’il s’agit d’une série catalane, et les polémiques n’ont pas manqué lorsque ce sujet précis a été traité.
Le philosophe Alain disait : « Qui n’imite point n’invente point ». Merlí a donc servi d’inspiration à La Faute à Rousseau – d’inspiration seulement car si les prémisses et l’idée centrale sont les mêmes, la série mettant en vedette Charlie Dupont s’en éloigne pour créer des histoires et des personnages qui lui sont propres. A commencer par Rousseau, plus rock ‘n’ roll mais finalement moins contestataire que son collègue espagnol. Pour ceux qui ont vu Merlí , La Faute à Rousseau est donc d’autant plus intéressante à découvrir. Quant aux autres, qui auraient la curiosité de se pencher sur la série originale, rappelons que la saison 1 est disponible sur Amazon Prime Video.
Merlí (TV3)
3 saisons – 40 épisodes de 50′ environ.
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