
Dans la comédie The Studio, Seth Rogen est le président d’un grand studio hollywoodien qui doit faire face à toutes sortes de déboires.
C’est quoi, The Studio ? Lorsque Patty Leigh (Catherine O’Hara) est virée, Matt Remick (Seth Rogen) est désigné pour lui succéder en tant que président de Continental Studios. Un job dont ce cinéphile passionné a toujours rêvé, mais qui va s’avérer moins idyllique que ce qu’il pensait. Son désir d’être apprécié de tous – public, acteurs, réalisateurs, collaborateurs – est peu compatible avec les choix drastiques qu’il doit prendre ; son ambition de produire des grands films de prestige est à l’opposée des directives du PDG Griffin Mill (Bryan Cranston) qui exige qu’il se concentre sur des blockbusters certes moins glorieux mais plus rentables. Avec son équipe d’assistants, Matt va devoir gérer tous les problèmes qui se produisent sur les plateaux et en coulisses.
Une comédie méta entre farce et ironie
Hollywood adore se regarder le nombril. Parfois à travers une grosse farce, parfois de manière acide et critique et parfois quelque part entre les deux, mais toujours avec une bonne dose d’auto-références. La réussite de l’exercice dépend en général de la pertinence de l’observation, de l’élégance de l’ironie, de la perspicacité de l’analyse, des personnages et du monde qu’on nous dépeint. The Studio s’insère exactement dans le genre : on ne dévoile rien que nous ne sachions déjà sur l’industrie cinématographique, les observations ne sont pas toujours des plus subtiles, mais la série est très drôle et exploite parfaitement les codes de la mise en abîme et la pléthore de guest stars qu’elle invite à l’écran.
Créateurs de la série, Seth Rogen et Evan Goldberg ont pensé The Studio comme une sorte de suite ou d’extension de la satire signée par Robert Altman avec son film The player (1992) Le PDG des Continental studios – joué ici par Bryan Cranston – s’appelle d’ailleurs Griffin Mill, comme le personnage incarné par Tim Robbins au cinéma. Mais l’acteur de Breaking bad n’est pas ici le protagoniste principal, il n’a même qu’une présence occasionnelle.
Cinéma de prestige contre blockbusters
Le héros, c’est Matt Remick, au centre de toutes les scènes. La série débute au moment où il devient président des prestigieux Continental Studios . Ce job, il en a rêvé toute sa vie : c’est un cinéphile obsessionnel, un stakhanoviste du grand écran, un fan de grands classiques et des grands réalisateurs. Mais son boss a des exigences : on oublie les films d’art et d’essai, les dramas de prestige et les réalisateurs avec « une vision » pour se concentrer sur ce qui rapporte, à savoir les blockbusters, les suites, les franchises et les films basés sur des produits commerciaux. Il il lui impose même un objectif : réitérer le succès de Barbie avec « The Kool-Aid Movie », inspiré d’une boisson aromatisée en poudre très populaire aux États-Unis.

Comment faire un grand film basé sur l’équivalent américain du Tang ? Remick n’en a aucune idée. Il va pourtant s’y employer avec l’aide de ses assistants créatifs Sal (Ike Barinholtz) et Quinn (Chase Sui Wonders), d’une responsable marketing survoltée (Kathryn Hahn) et de Patty (Catherine O’Hara) dont il a pourtant pris la place. Des acteurs brillants et qui se sont de toute évidence beaucoup amusés.
Tout au long de dix épisodes d’une demi-heure environ, on suit Remick et son équipe au gré des mésaventures et contretemps auxquels ils doivent faire face, en essayant de résoudre divers problèmes tout en ménageant les susceptibilités de tout le monde. Des situations souvent ubuesques, qu’ils aggravent systématiquement par leurs maladresses et leurs erreurs de jugement – en particulier Matt, qui ne peut pas se résoudre à prendre des décisions et à trancher, parce qu’il veut être aimé de tous.
Chaos, guest stars et auto-références
Il faut ainsi choisir un réalisateur pour le film Kool-Aid (Martin Scorsese est intéressé), retrouver la bobine d’un film volée (au grand dam de la réalisatrice Olivia Wilde), établir le casting parfait sans passer pour d’ignobles racistes (et sans vexer Ice-Cube), négocier un changement du scénario de Ron Howard (et ne comptez pas sur le soutien de l’acteur Anthony Mackie). Ailleurs encore, Matt tente désespérément d’obtenir de Zoé Kravitz qu’elle le remercie personnellement lors des Golden Globes, de gérer le planning de Zac Efron ou de faire ami-ami avec Andrew Scott. Autant de personnalités que l’on retrouve dans leurs propres rôles et souvent avec une sacrée dose d’autodérision, et auxquels s’ajoutent Paul Dano, Charlize Theron, Peter Berg, Steve Buscemi, Sarah Polley, Greta Lee, Johnny Knoxville ou Dave Franco.

The Studio oscille entre comédie légère et références sarcastiques, joue aussi avec les codes du cinéma, multiplie les références (par exemple Las Vegas Parano ou Chinatown.) La mécanique est toujours parfaitement huilée, le rythme fluide et enlevé. Certains épisodes s’appuient sur des effets comiques classiques et d’autres, plus subtils et plus réussis, égratignent des personnages orgueilleux, égoïstes, hypocrites et vaniteux.
La grande qualité de The Studio, c’est que l’histoire auto-référencée sur l’industrie de Hollywood ne reste pas pour autant dans l’entre-soi. Le public ne se sent jamais laissé sur le bas-côté, mais au contraire pris par la main et entraîné dans les bureaux du studio et sur les plateaux de tournage. Qui aime bien châtie bien : si The studio se moque de tout et de tout le monde – les grands studios, Netflix, Amazon, les acteurs, les réalisateurs, les producteurs… – on sent aussi clairement une affection sincère pour cet univers, la passion pour le cinéma et le désir tout simple de raconter de belles histoires.
Avec ses personnages extravagants, ses gags burlesques et son ironie féroce, ses multiples références, sa pléiade d’acteurs qui visiblement se régalent, The studio est une excellente comédie. De celles, pas forcément subtiles mais souvent jubilatoires, où l’on rit franchement. Avec un regard acide porté sur l’industrie cinématographique qui n’exclut pas un amour évident pour le cinéma.
The studio
10 épisodes de 30′
Sur Apple TV+
More Articles for Show: Distances Inconnues