Coproduction internationale ambitieuse, la série romance la vie des Médicis, alias les Maîtres de Florence, entre fiction historique et thriller politique.
C’est quoi, Les Médicis ? Florence, XVème siècle. Banquier le plus puissant de la ville, Jean de Médicis (Dustin Hoffman) trouve la mort dans des circonstances douteuses. Ses deux fils, Cosme (Richard Madden) et Laurent (Stuart Martin), prennent sa succession à la tête de l’affaire familiale. Mais pour préserver leur héritage et garder la mainmise sur Florence, ils vont devoir faire face aux familles rivales et à leurs ennemis, au sein de la capitale Toscane mais aussi dans les autres grands états italiens. En parallèle, Cosme charge son homme de main, Marco Bello (Guido Caprino), d’enquêter sur la mort de son père…
Première série lancée par SFR, Les Médicis est une coproduction réunissant le réseau français, les Italiens de la RAI et Big Light Productions, société basé en Angleterre créée par Franz Spotnitz – que l’on retrouve justement au scénario. Rappelons que notre homme a fait ses armes sur des séries comme X-Files ou Millenium. Un projet franco-italien, produit par des britanniques, créé par des Américains, avec un casting international de haute volée et tourné en Anglais : sont réunis tous les ingrédients d’une série prestigieuse et cosmopolite, susceptible d’être vendue à l’international. Sur ce plan, le pari est réussi puisque Les Médicis se sont lancés à l’assaut des écrans européens (avec une audience remarquable en Italie, où le dernier épisode a réuni 6 millions de téléspectateurs) et même des Etats-Unis via Netflix. Mais au-delà de l’aspect purement commercial, que vaut la série ?
Au moment de concevoir sa série, Spotnitz a clairement souhaité s’affranchir du récit historique classique pour s’inspirer d’œuvres romancées et complexifier une trame pourtant déjà riche en évènements. A l’instar du Nom de La Rose, Les Médicis est axée autour d’un mystère : en l’occurrence, la mort de Jean de Médicis. A partir de cet évènement initial, le scénario mêle deux lignes temporelles. La première raconte les derniers mois de la vie du patriarche et expose les relations familiales et la manière dont, simple usurier au départ, il a bâti son empire financier ; la seconde se déroule 20 ans après sa mort et se centre sur le personnage de Cosme, ses relations tendues avec son épouse Contessina qu’il a épousée sur ordre de son père en renonçant à son amour de jeunesse, sa rivalité avec son frère Laurent, et leur lutte pour se maintenir au sommet de la société florentine face aux familles ennemies des Albizzi et des Pazzi. Fil conducteur, le mystère entourant la mort de Jean ne cesse de hanter Cosme et motive les investigations de son âme damnée Marco Bello, obligé de plonger dans les bas-fonds de Florence pour découvrir la vérité.
Le mélange est heureux et bien équilibré, même si la juxtaposition des deux périodes est parfois confuse. Les deux trames créent une dynamique intéressante et efficace, riche en coups de théâtre, intrigues de cour, énigmes et trahisons, menée avec rythme et sans temps mort. Le tout, tourné sur place dans la sublime Florence et aux alentours, avec un travail remarquable sur les costumes.
Comme dans toute série historique, se pose fatalement la question de la fidélité aux faits. Les Médicis ne s’embarrasse pas de cette problématique et revisite allègrement l’Histoire. Dans certains cas, cela reste anecdotique bien que surprenant : on peut par exemple s’étonner de voir les personnages disputer une partie de football. D’autres anachronismes sont déjà plus dérangeants (certains monuments qui apparaissent à l’écran ne seront construits que… 5 siècles plus tard, à l’instar du fameux dôme de Florence, qui ne sera achevé – alerte spoiler ! – tel qu’il est montré dans la série qu’en 1887…), mais là encore, c’est sans conséquence. En revanche, d’autres libertés prises par les scénaristes sont beaucoup plus dérangeantes car elles dénaturent la réalité : aucun soupçon d’empoisonnement n’a par exemple jamais pesé sur la mort de Jean de Médicis, et son fils Cosme a bâti sa réputation sur ses talents de stratège politique, et pas sur sa sensibilité artistique et ses actions de mécène. Travestir à ce point le ressort principal de l’intrigue et le caractère du protagoniste majeur, voilà qui est pour le moins discutable…
Ce n’est malheureusement pas le seul défaut des Médicis. L’intrigue est parfois simpliste voire expédiée en quelques scènes (l’épisode qui se déroule à Venise, par exemple) et affecte la crédibilité de l’évolution psychologique des personnages. Ceux-ci sont toutefois correctement interprétés – à une exception près. Les seconds rôles sont très bons, à commencer par Dustin Hoffman, mais aussi Brian Cox, Guido Caprino ou Fortunato Cerlino (vu dans Gomorra) ; Annabel Scholey est tout simplement excellente dans le rôle de Contessina di Bardi ; Stuart Martin incarne un Laurent satisfaisant. Et puis, il y a Richard Madden, légèrement décevant et qui peine à porter un personnage aussi complexe que Cosme, trop uniforme dans son interprétation. A sa décharge, Les Médicis a commis l’erreur de céder à la tentation de lorgner vers Game of Thrones… Ressusciter Rob Stark, le marier à une fille de Walder Frey, poser quelque scènes pseudo-érotiques et quelques effusions de sang ne suffit pas à faire de Florence un Westeros, ni des Médicis des Stark en puissance.
En saison 2, Les Médicis abordera la vie de Laurent le Magnifique, le neveu de Cosme et le représentant le plus célèbre de la dynastie. Cette orientation suppose un saut temporel et pourrait permettre à la série de remédier aux erreurs commises jusqu’ici… En attendant, cette première saison reste sympathique à regarder en dépit de ses faiblesses évidentes. Bien écrite et bien réalisée, avec des rebondissements prenants et une intrigue riche et intéressante, elle se situe quelque part entre les Borgia et les Tudors – c’est loin d’être le chef d’œuvre qu’on était en droit d’espérer, mais les amateurs de séries historiques (ou pseudo-historiques…) y trouveront largement leur compte.
Les Médicis : les maîtres de Florence. (SFR Play)
8 épisodes de 50 minutes environ.