La série anthologique Accused raconte comment des gens ordinaires se retrouvent sur le banc des accusés entre justice et vérité, procès et remords.
C’est quoi, Accused ? Aux États-Unis, des personnes ordinaires sont confrontées à la justice, renvoyées devant le tribunal pour un crime qu’elles ont commis ou non. Racontée à travers le point de vue des accusés, chaque histoire débute au tribunal et dévoile progressivement, à travers des flash-back, les événements complexes qui les ont conduits dans cette situation. Qu’il s’agisse d’une mère porteuse tentant de protéger son bébé, d’un jeune homosexuel soupçonné d’agression, d’une militante antiraciste, d’un homme effrayé par la violence de son fils ou d’un père déterminé à venger sa fille victime de viol, chacun doit faire face à ses actes et à sa culpabilité – judiciaire ou intime.
Des visages connus dans des histoires indépendantes
Accused porte le même titre que la série britannique de Jimmy McGovern dont elle est l’adaptation. Créée par Howard Gordon (Homeland), coproduite par Alex Gansa (Homeland) et David Shore (House), elle raconte plusieurs histoires indépendantes, chacune consacrée à un procès vu du point de vue de l’accusé. Diffusée sur la Fox aux États-Unis, elle est désormais disponible en France sur Série Club.
C’est donc une série anthologique, où chaque épisode est totalement indépendant en termes d’intrigue et de personnages. On y croise d’ailleurs de nombreux visages familiers : Michael Chiklis, Rachel Bilson, Megan Boone, Keith Carradine, Felicity Huffman, Malcolm-Jamal Warner, pour n’en citer que quelques-uns.
Si les histoires changent (certaines fictives, d’autres inspirées de faits réels), le format reste identique : adoptant le point de vue d’une personne accusée d’un crime, les premières minutes nous révèlent la nature de l’acte – réel ou présumé – dont elle est soupçonnée. Chaque épisode commence et se termine au tribunal, avec le verdict, tandis que des flash-back retracent les événements ayant conduit notre protagoniste sur le banc des accusés, mettant en lumière les raisons et l’engrenage qui l’ont précipité jusque-là.
Une mécanique bien huilée
Procédurale sans fil rouge, Accused reprend l’idée centrale de la série d’origine et s’appuie sur une structure simple mais efficace. Ce format n’est pas sans défaut : les 45 minutes de chaque épisode ne suffisent pas toujours à creuser le récit autant qu’il le mériterait. La qualité varie donc d’un épisode à l’autre – certains se révèlent puissants et courageux, abordant de front des sujets délicats, quand d’autres laissent un goût d’inachevé.
Mais au final, le spectateur sait ce qu’il regarde : une série à la mécanique claire, où les scénaristes maîtrisent leur narration, avec une écriture parfois rhétorique mais souvent percutante. Le montage alterné entre passé et présent maintient le spectateur dans une incertitude morale constante, où chaque geste ou regard peut soudain changer le sens du récit.

Prenons l’exemple du premier épisode : Michael Chiklis y incarne un chirurgien renommé, soupçonnant son fils adolescent, psychologiquement instable, d’être un danger pour lui-même ou pour les autres. Dès la première scène, on comprend qu’il est accusé en tant que père, mais sans savoir de quoi exactement. On suit alors anxieusement le déroulement des événements en flash-back, découvrant peu à peu les circonstances du drame. Un procédé narratif simple mais redoutablement efficace, qui tient en haleine du début à la fin.
Ce premier épisode, particulièrement marquant, donne le ton de la série : une tension morale constante, où chaque décision paraît justifiée avant de se révéler tragique. L’écriture, sobre mais précise, privilégie les dilemmes intérieurs plutôt que les rebondissements spectaculaires, donnant au spectateur une place d’arbitre moral plus que de simple témoin.
Les multiples visages de la vérité
L’originalité de Accused, c’est qu’il ne s’agit pas vraiment d’une série judiciaire, ni d’une série policière, ni même d’un pur drame. C’est un mélange des trois : un crime sans enquête, un procès sans véritable procédure, un drame moral plus que judiciaire. Les personnages connaissent déjà les faits (ou du moins leur propre version), et c’est au spectateur de reconstituer la vérité à partir de fragments. Accused pointe moins du doigt les accusés que les circonstances qui les ont précipités devant la justice, souvent différentes de celles exposées au juge ou au jury.
C’est là que la série trouve sa force : entre suspense et réflexion, elle pousse le spectateur à se forger sa propre opinion. Coupable ou non ? Verdict juste ou injuste ? Présentant des procédures, des témoignages et des bribes d’audience, Accused se concentre sur la figure de l’accusé – souvent marginale dans les séries judiciaires traditionnelles, qui privilégient les avocats. À travers ces destins brisés, elle aborde des questions sociales brûlantes : racisme, homophobie, port d’armes, gestation pour autrui, vengeance et justice personnelle…

Chaque épisode agit comme un miroir tendu à la société américaine contemporaine, reflétant ses fractures et ses contradictions. En abordant des thèmes comme la responsabilité parentale, la peur de l’autre ou la manipulation médiatique, Accused questionne la frontière mouvante entre la faute et la fatalité, entre l’intention et la conséquence.
Coupable ou non, chaque protagoniste est hanté par ses choix, ses regrets, ou son impuissance à agir autrement. Dans Accused, il y a la culpabilité judiciaire – celle reconnue ou non par le tribunal – et la culpabilité morale, plus intime, plus universelle. Les drames qu’elle met en scène ne sont jamais aussi simples qu’ils en ont l’air. Les témoignages sont partiels, les versions biaisées, les faits ambigus. Même lorsque la série penche vers un dénouement moralement consensuel, elle souligne l’écart entre vérité juridique et vérité humaine.
Série anthologique à la mécanique implacable, Accused enchaîne les épisodes marquants et d’autres plus inégaux, mais poursuit inlassablement le même objectif : raconter la complexité morale de situations où nul n’est entièrement innocent, ni tout à fait coupable. Entre empathie et malaise, Accused nous force à regarder autrement la justice et la responsabilité, rappelant que, parfois, le verdict le plus dur n’est pas celui rendu par le tribunal, mais celui que l’on se rend à soi-même.