
Adolescence s’impose comme une des séries de l’année grâce à son intelligence et son intensité, avec en outre une originalité dans la réalisation.
C’est quoi, Adolescence ? A six heures du matin, l’inspecteur Bascombe (Ashley Walters) et sa partenaire l’inspectrice Frank (Faye Marsay) font irruption avec une équipe d’intervention armée dans une petite maison de banlieue appartenant aux Miller, famille ordinaire d’une petite ville anglaise. Ils viennent arrêter Jamie Miller (Owen Cooper), 13 ans. Sous le choc, le père Eddie (Stephen Graham), sa femme Manda (Christine Tremarco) et leur fille Lisa (Amelie Pease) apprennent que Jamie est soupçonné de meurtre. Le jeune garçon nie les faits, mais les preuves semblent accablantes et il est placé en garde à vue. Les deux inspecteurs l’interrogent sur son emploi du temps de la veille, au moment où sa camarade de classe Katie a été poignardée à mort.
De temps en temps, Netflix nous surprend avec une série qui, au départ sans beaucoup de promotion, devient un succès grâce à ses qualités et au buzz qu’elle provoque sur les réseaux sociaux et dans les médias. C’est le cas de la mini-série britannique Adolescence. Co-créée et écrite par le grand acteur Stephen Graham (Boardwalk Empire) et Jack Thorne (ils ont déjà travaillé ensemble sur This is England et la magnifique The Virtues), réalisée par Philip Barantini (Boiling Point – le film et la série), Adolescence attire en effet toute l’attention non seulement pour ce qu’elle raconte, mais aussi pour la manière dont elle le fait.
Une mini-série avec une histoire puissante
Commençons par l’histoire. La série aborde de manière à la fois délicate et puissante une affaire particulièrement macabre et sensible. Dès le premier épisode, Adolescence captive et ne vous lâche plus. La série débute par l’arrestation, vers six heures du matin, du jeune Jamie au domicile familial. La police fait irruption chez les Miller, ordonne aux parents et à leur fille de s’allonger au sol pendant que l’inspecteur Bascombe entre dans la chambre d’un Jamie terrorisé pour lui lire ses droits. Alors qu’il est emmené au poste de police, on explique aux parents que leur fils est soupçonné de meurtre. L’adolescent nie les faits mais il est placé en garde à vue et commence alors la procédure habituelle dans de tels cas : identification, prise d’empreintes, casier judiciaire, analyses médicales et psychologiques.
Avec la différence importante qu’il s’agit d’un mineur. Accompagné d’un avocat commis d’office et de son père qu’il a choisi en tant qu’adulte référent pour l’assister dans ses interactions avec les forces de l’ordre (une particularité de la justice britannique), Jamie est interrogé par les inspecteurs chargés de l’enquête. Au fil des épisodes, sur une période allant jusqu’à un an après les faits, on suit le dossier d’abord au collège où la police interroge les camarades de Jamie, dans le centre fermé où est détenu le garçon et où il s’entretient avec une psychologue (Erin Doherty – dans un huis-clos d’une force et d’une tension phénoménales), et enfin à quelques jours du procès alors que la famille essaye de faire face.
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Adolescence est un thriller psychologique intense et extrêmement bien construit. L’affaire devient de plus en plus complexe et malaisante au fur et à mesure que l’intrigue progresse et que des couches et des nuances s’ajoutent, obligeant notamment les parents de Jamie à faire face à leur pire cauchemar. Entre dévastation et incompréhension, ils défendent leur fils bec et ongles : il n’a que 13 ans, ce n’est pas un gamin violent… mais le connaissent-ils vraiment ?
Adolescence et masculinité toxique
Parallèlement, l’enquête dresse un portrait de l’adolescence en invitant à réfléchir à ce qui se passe dans la vie des jeunes en dehors du cocon familial. A une époque où dominent les réseaux sociaux sans que les parents aient accès à ce que voient, entendent ou lisent leurs enfants, quelle est l’influence dans leur vie des discours tenus par n’importe qui sur Internet ? De quel manière cela impacte-t-il les rapports entre jeunes femmes et jeunes hommes, leur idée de la sexualité, l’image qu’ils ont d’eux-mêmes ?
Avec une attention particulière aux détails, une histoire forte et des thèmes qui ne le sont pas moins, un traitement brut et inconfortable sans sensationnalisme bon marché, Adolescence se positionne déjà comme l’une des séries de l’année. Et il faut aussi y ajouter le travail extraordinaire de l’ensemble de la distribution. En particulier et sans surprise de Stephen Graham (qui mérite un Emmy award pour chaque scène) et de Erin Doherty, mais aussi du jeune Owen Cooper, qui pour son premier rôle fait un travail hallucinant en interprétant Jamie.

Quatre épisodes, quatre plans-séquence
Ce qui rend Adolescence particulière, c’est que chacun des quatre épisodes est filmé en un seul plan-séquence. C’est-à-dire que la caméra suit l’action en temps réel, sans coupure ni montage, parfois dans plusieurs lieux et donc mouvements de véhicules par exemple. Avec le degré de planification, de coordination, de précision et avec toutes les difficultés qu’on imagine. Et celles qu’on n’imagine pas.
Si la prouesse suscite d’abord la curiosité, on finit par l’oublier et on sort vite de l’analyse technique pour se laisser porter par l’histoire. Grâce au procédé et surtout au temps réel de l’action, on est immergé dans la série, on ressent et on comprend les sentiments de chacun des protagonistes. Presque comme si nous-mêmes, nous en étions un témoin en direct, partageant notamment la confusion, l’incompréhension et l’angoisse des parents de Jamie. L’utilisation du plan-séquence est un tour de force, mais l’essentiel dans Adolescence tient avant tout à son histoire et aux thèmes abordés.
Une écriture et une distribution brillantes, un scénario tendu et des thèmes perturbants : cela suffirait à faire de Adolescence une excellente série. S’y ajoute la prouesse technique d’avoir tourné chacun des quatre épisodes en un seul long plan-séquence, et d’avoir su utiliser le procédé pour le mettre au service de l’histoire et de sa puissance narrative. Adolescence est une excellente série. Oserait-on dire… un bon plan ?
Adolescence
4 épisodes de 60′ environ
Disponible sur Netflix.