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On débriefe pour vous… Black Mirror, une saison 6 méta, dystopique et horrifique

Les cinq nouveaux épisodes de Black Mirror de Charlie Brooker s’éloignent parfois de l’idée de départ de la série, dans une évolution peut-être nécessaire.

C’est quoi, Black Mirror (saison 6) ? Joan (Annie Murphy) découvre qu’une plate-forme de streaming a sorti une série basée sur sa vie  ; un jeune couple de documentaristes (Samuel Blenkin et Myha’la Herrold) tourne un film sur un fait divers sordide et leurs recherches dévoilent une vérité choquante ;  deux astronautes (Josh Harnett et Aaron Paul) en mission subissent les conséquences d’une tragédie sur terre ; une actrice hollywoodienne tente d’échapper à des paparazzi tout en faisant face aux séquelles d’un accident de voiture ; une jeune femme (Anjana Vasan) invoque à son insu un démon (Papa Essaidui) et va devoir empêcher l’apocalypse. 

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Cinq ans après la cinquième saison, Black Mirror est de retour sur Netflix. La série créée par Charlie Brooker a toujours posé un regard cynique et pessimiste sur notre société et son devenir, avec des histoires dystopiques généralement en lien avec les nouvelles technologies. Du moins en théorie car cette saison s’en éloigne un peu : plusieurs épisodes se déroulent dans le passé et certains semblent presque sortir de Inside n°9. Malgré cette inflexion voilà cinq nouveaux épisodes, cinq nouvelles histoires efficaces et perturbantes à divers niveaux. 

Les deux premiers épisodes jouent avec la méta narration, de façon très satirique et avec un certain culot. La position de  Netflix est si prédominante qu’elle peut se permettre de laisser Brooker l’attaquer directement… et même s’en amuser sur les réseaux sociaux, voire en tirer partie pour feindre l’autodérision. Quitte à être critiqué, autant que ce soit fait de l’intérieur. 

A lire aussi : France 2 va bientôt proposer une soiré spéciale Black Mirror

Dans Joan is awful, l’héroïne rentre chez elle après sa journée de travail et découvre que la plate-forme Streamberry a mis en ligne une nouvelle série qui retrace  sa journée et dans laquelle Salma Hayek joue une version légèrement romancée d’elle-même. L’épisode se concentre sur les conséquences de l’émission sur la vie de Joan – son fiancé la quitte, elle se fait virer – et sur ses vaines tentatives pour poursuivre Streamberry en justice. Qui lit  les « termes et conditions d’utilisation », franchement ? Mais la série cause également des problèmes à Salma Hayek… 

Dans Loch Henry, un couple de documentaristes visite la région où a grandi le jeune homme et où, des années plus tôt, un homme a torturé et assassiné des touristes. Ils décident de réaliser un film sur le sujet, replongeant dans un passé qu’il aurait mieux ne pas fallu creuser…  C’est Netflix (pardon,  Streamberry) qui diffusera le programme avec  tous les clichés propres au format, en faisant preuve d’un manque total d’empathie pour les victimes et en jouant sur le côté choquant et gore d’un true crime digne des affaires Ted Bundy ou Jeffrey Dahmer.

Épisode peut-être le plus classique mais néanmoins réussi, Beyond the sea se déroule en 1969,  dans une réalité alternative où deux astronautes en mission spatiale sont représentés sur Terre par des androïdes dans lesquels ont été transférées leurs conscience et grâce auxquels ils peuvent interagir au quotidien avec leurs familles. Mais lorsque les proches de l’un d’eux sont massacrés par un groupe terroriste anti-technologie et son androïde détruit, on bascule dans un thriller psychologique dramatique. 

Enfin, les deux derniers épisodes plongent dans l’horreur fantastique, sans que la technologie ne joue vraiment de rôle. Dans Mazey Day (sans doute le récit le plus faible de la saison), au début des années 2000, une paparazzi traque une actrice célèbre qui a disparu des radars, sans se douter de ce qu’elle va découvrir. Un scénario simple qui, contrairement à de nombreux épisodes de Black Mirror, ne se concentre pas sur un futur proche hypothétique mais prend la forme d’une série B d’horreur avec en arrière-plan les thèmes de la célébrité, de la course au scoop sensationnaliste et de la vie privée des célébrités. Enfin, Démon79 suit une jeune femme d’origine indienne qui, en 1979, invoque accidentellement un démon (qui prend le visage du chanteur de Boney M !) ; celui-ci va l’inciter à commettre des meurtres pour empêcher une apocalypse imminente. Entre horreur et comédie, avec une bande-son délicieuse, l’épisode prend une connotation politique avec la présence d’un politicien du Parti conservateur populiste et anti-immigration.

Au final, quel bilan tirer de cette saison de Black Mirror ? Toujours réalisée avec soin et empreinte d’une bonne dose d’humour noir, la série fait indéniablement le choix de s’éloigner de ce qui a fait sa marque de fabrique, à savoir cette capacité à anticiper les conséquences  négatives des évolutions technologiques. Ce qui a suscité des critiques et des réserves. Mais on peut aussi considérer que Black Mirror ne se renie pas : elle évolue. Beaucoup de ce qui était imaginé dans les épisodes précédents fait désormais partie de notre quotidien,  le futur devient de plus en plus vite notre présent, les technologies sont obsolètes en quelques mois.  Peut-être faut-il alors prendre Black Mirror pour ce qu’elle nous dit  sur notre société aujourd’hui.  Et c’est au moins aussi dérangeant. Avec moins d’espace pour « prédire » un avenir dystopique et cauchemardesque, la série commente l’utilisation inappropriée de la technologie dans le présent et dessine une fiction qui s’en rapproche dangereusement.  Black Mirror est toujours aussi noire – mais encore plus proche de nous.

Cette saison, Black Mirror se concentre moins sur un futur cauchemardesque engendré par les conséquences des nouvelles technologies, et se penche sur l’utilisation néfaste que nous en faisons aujourd’hui. De sorte que la série sonne moins comme un avertissement prophétique que comme une mise en garde sur les dérives déjà actuelles. De façon aussi symptomatique que perturbante, Netflix a ainsi lancé le site YouAreAwful.com, où les internautes peuvent créer l’affiche de leur propre série inspirée du premier épisode de la saison. Mais avant de céder à la tentation, lisez bien les conditions d’utilisation : « vos informations sont susceptibles d’être utilisées dans le cadre de nos campagnes promotionnelles sur divers sites médiatiques, y compris (…) les médias, panneaux d’affichage… » Netflix is awful. 

Black Mirror – Saison 6
5 épisodes de 43′ à 73′ 
Disponible sur Netflix.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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