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On débriefe pour vous… Kaos, voyage mouvementé et mythes antiques revisités

Avec sa réinterprétation contemporaine de la mythologie grecque, la série Kaos est intrigante, intelligente mais… chaotique.  

C’est quoi, Kaos ?  Dans un monde où les Dieux grecs existent et sont honorés et vénérés, Zeus (Jeff Goldblum) règne en maître depuis sa luxueuse demeure au sommet de l’Olympe. Aux côtés de sa femme Hera (Janet McTeer), de ses frères Poséidon (Cliff Curtis) et Hadès (David Thewlis) et du seul de ses enfants qui lui rend encore visite, Dyonisos (Naahban Riswan), il décide du sort des humains. Mais lorsque  Zeus remarque qu’une ride est apparue sur son front, il fait le lien avec une prophétie prédisant sa chute. Tandis qu’il bascule dans la paranoïa, les destins de trois humains – Eurydice (Aurora Perrineau), Ariane  (Leila Farzad), et Cénée (Misia Butler) – sont liés au même oracle. 

L’essentiel

La mythologie grecque est un miroir dans lequel l’humanité se contemple depuis des millénaires, en quête de réponses aux grandes questions existentielles. Dans Kaos, la nouvelle série de Charlie Covell (The end of the f*cking world) pour Netflix, ce miroir devient un kaléidoscope qui reflète aussi notre société contemporaine, dans un récit à tiroirs. Entre comique et tragique, kitsch et épique, mythologie et modernité, mais aussi belles idées et quelques maladresses.

Nous sommes dans un présent alternatif où les divinités grecques existent réellement et exercent leur influence sur le monde des humains, en particulier en Crète où se concentre une partie de l’action. L’histoire nous est racontée en voix off par Prométhée (Stephen Dillane) – condamné par Zeus à être enchaîné et à se faire dévorer le foie par un aigle pour avoir apporté le feu aux Hommes – narrateur qui sait ce qui va se passer et qui a donc un coup d’avance sur les autres personnages (et sur le spectateur).

Tout commence lorsque Zeus découvre une ride sur son front, ce qui ne devrait pas arriver puisqu’il est immortel. Mais il fait le lien avec une prophétie annonçant sa chute, celle des Dieux et l’apparition du chaos. Or, cette prophétie est liée à trois mortels – Eurydice, Ariane et Cénée, qui vont nous être présentés au fil des épisodes suivants et dont les destins vont peu à peu se croiser.

Un monde moderne aux racines anciennes 

Mythologie revisitée dans un univers moderne (même si pas exactement « contemporain », par exemple sans  smartphones), Kaos multiplie les figures légendaires bien connues, les allusions et les références pour les réinventer dans un contexte actuel. Zeus traîne en survêtement dans son immense maison kitsch et surveille les mortels sur son écran plat ; Poséidon passe l’essentiel de son temps sur son yacht ; Eurydice n’est pas exactement la demoiselle en détresse que Orphée, star du rock, doit sauver des Enfers ; les Furies sont des motardes ; on croise aussi Cassandre, Méduse, Dédale, le Minotaure… 

Kaos
Zeus et Hera règnent depuis un Olympe kitsch et pop

La relecture est malicieuse et reprend intelligemment les bases des différents mythes. Comme dans American Gods ou  Percy Jackson, une partie du plaisir consiste à voir comment ont été transposés ces mythes Et le casting est… divin. Tous sont parfaits, même s’ils sont écrasés par un Jeff Goldblum magistral en Zeus puéril et vengeur, à la fois pathétique et inquiétant.

La série crée un univers alternatif résolument stylisé et réfléchi, sur trois plans différents : couleurs éclatantes en Crète, kitsch de l’Olympe et noir et blanc des enfers. Kaos  nous emmène dans un monde où les mythes anciens se heurtent à des éléments modernes, où les rituels sacrés et les temples antiques côtoient les food trucks et les boîtes de nuit, où les chaînes d’info diffusent en direct les sacrifices offerts aux Dieux et où les Enfers ont quelque chose de bureaucratique. Le tout est accentué par une bande originale qui mélange Dire Straits, Abba, Edwyn Collins, David Bowie. 

Si on retrouve les grandes questions propres aux mythes antiques (destin et libre arbitre,vie après la mort…), la série puise aussi dans le corpus des légendes pour leur donner un écho actuel sur le plan socio-politique. A travers la marginalisation des Troyens et leurs actions terroristes, Kaos aborde la question des réfugiés, de la discrimination ; la relation entre dieux et mortels sert de métaphore aux structures de pouvoir de notre société, remettant en question la légitimité de ceux qui nous gouvernent depuis leur tour d’ivoire ; le peuple est appelé à ouvrir les yeux sur les fausses promesses et la désinformation; la famille des Dieux est profondément dysfonctionnelle.  

Beaucoup d’intrigues et de nombreux personnages

L’un des aspects les plus frustrants de Kaos, c’est que malgré son ambition et une multitude d’excellentes idées, elle n’atteint pas totalement tout son potentiel et peine un peu à trouver son rythme. Comme si la série souffrait d’un excès d’ambition et d’un manque de condensation. En ce sens, Kaos porte bien son titre : elle est souvent… chaotique. 

Eurydice, alias Riddy, en route vers les Enfers

Kaos est indéniablement une série intelligente – mais peut-être pas autant qu’elle le pense. Elle est chargée de personnages et d’intrigues, met parfois du temps à établir les liens entre elles,  s’alourdit de références, de symboles et de traits d’humour qui parfois fonctionnent et parfois non. On alterne constamment entre l’Olympe, la Crète et les Enfers, on passe d’un protagoniste à l’autre, on s’attarde sur des détails superflus, et la surcharge diminue parfois l’impact des différentes intrigues. Malgré tout, Kaos reste prenante et intrigante, avec des moments captivants – notamment dans la dynamique entre ces divinités grecques mesquines, orgueilleuses et effrayantes. 

Malgré quelques imperfections, Kaos  est une série plus que réussie avec des idées intéressantes et amusantes, et d’admirables réécritures de mythes antiques. Entre tragédie et ton décalé, anachronismes et humour noir, elle nous offre des scènes inspirées et originales, dans un environnement visuel réfléchi et soigné. Même si elle n’atteint pas toujours les sommets olympiques auxquels elle aspire, Kaos est ambitieuse, stimulante et extrêmement plaisante. Suffisamment pour qu’on espère une deuxième saison. Puissent les Dieux (et Netflix) nous entendre. 

Kaos
8 épisodes de 50′ environ.
Disponible sur Netflix.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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