Dix années, dix réveillons et une histoire d’amour : c’est le concept de la mini-série espagnole Los años nuevos.
C’est quoi, Los años nuevos ? Óscar (Francesco Carril) est né le 31 décembre 1985 ; Ana (Iria del Río) est le premier bébé de l’année 1986. Ils se rencontrent lors du réveillon du Nouvel An en 2016, alors qu’ils fêtent leurs trente ans, ; la complicité est immédiate, ils passent la nuit ensemble et se séparent. Elle projette de partir au Canada tandis que lui reste en Espagne pour poursuivre sa carrière de médecin interniste. Pourtant, à chaque Nouvel An au cours de la décennie suivante, ils se revoient, s’aiment et se déchirent. Dix ans et autant de 1er janvier d’amour et/ou de ressentiment, de séparation et de réconciliation, au milieu de leurs amis et de leurs familles.
Si nous sommes habitués aux histoires d’amour impossibles et aux couples idylliques qui surmontent toutes les épreuves, le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen (As bestas) a choisi de montrer autre chose dans Los años nuevos. Présentée à Séries Mania et disponible sur Arte.TV, la mini-série retrace l’histoire d’un couple avec réalisme et presque banalité.
Ana et Óscar se rencontrent le soir du Nouvel An 2016, alors qu’ils fêtent leurs trente ans presque simultanément : Óscar le 31 décembre et Ana le 1er janvier. Se noue entre eux une relation, puis une histoire d’amour complexe qui durera au moins jusqu’en 2025. Chacun des dix épisodes se déroule un soir du Nouvel An, créant ainsi des ellipses narratives de 364 jours entre les épisodes durant lesquelles les personnages traversent de nombreuses épreuves, ensemble ou séparément.
Une relation en pointillés
Après la rencontre initiale, mêlant passion, alchimie et intimité, les chemins de Óscar et Ana se séparent. Puis ils se recroisent, se retrouvent, s’éloignent et se rapprochent au fil des ans, de séparation en réconciliation, au fur et à mesure que s’estompent la légèreté et l’insouciance des débuts. Au fil des épreuves, tristement banales et ordinaires — difficultés financières, précarité de l’emploi, doutes, maternité, déménagement, anxiété, choix de vie — autant de petites et grandes joies ou déconvenues qui ont un impact sur les deux personnages et sur leur couple, et que l’on ressent à chaque fois qu’ils se retrouvent, le 31 décembre suivant.

Le choix de construire la série en dix épisodes comme autant de pièces d’un puzzle suppose un pacte avec le spectateur : il faut accepter que certains chapitres ne relatent pas d’événements majeurs, mais laissent les faits importants, survenus entre-temps, résonner dans le présent. Le véritable défi consiste pour la série à rendre le banal intéressant et significatif, à traduire le reflet d’une histoire qui ne nous a pas été racontée.
La subtilité des non-dits
Los años nuevos évoque au moins deux autres séries : One Day, pour la narration à date fixe, et Normal People, pour son approche authentique. Pour les cinéphiles, elle rappelle les films de Richard Linklater, dans lesquels le temps et la relation sont au centre du récit, et les œuvres de Rohmer, pour la spontanéité et l’empathie envers des personnages ordinaires.
Côté réalisation, beaucoup des scènes-clés sont filmées en longs plans-séquences (comme la quasi-totalité du dernier épisode), où dialogues et silences deviennent des révélateurs de la psychologie des protagonistes. Les échanges sont souvent triviaux en surface, mais lourds de signification : une remarque anodine, un sourire, un geste, la répétition d’un motif annuel reflètent la transformation des personnages et l’impact du temps sur leur relation. S’y ajoute une bande-son aux titres lourds de sens — La noche más larga del año, El día de mi nacimiento, Vestida de noche — qui accompagne subtilement les émotions des personnages.
Le dispositif narratif choisi — un épisode par Nouvel An — permet d’explorer la distance et la proximité, les schémas relationnels et les évolutions psychologiques de manière originale. La série montre comment l’amour se construit et se déconstruit, comment la vie adulte impose ses contraintes, et comment les personnages tentent de trouver leur équilibre.
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Une série authentique et intime
La force de la série réside dans son authenticité émotionnelle. Sans mélodrame ni rebondissement facile, elle montre l’amour avec ses maladresses, ses disputes, ses absences, ses passions et ses déceptions, au gré des crises habituelles que chacun peut traverser. Des moments ordinaires mais extraordinairement touchants, au cours desquels Ana et Óscar grandissent, se blessent, se réparent, tout en essayant de maintenir leur lien amoureux.
D’un réveillon à l’autre, on remarque leur transformation, dans leur apparence physique (coiffure, maquillage, style vestimentaire) et surtout psychologique (l’instabilité d’Ana et la réserve d’Óscar s’apaisent peu à peu). L’effet du temps sur l’évolution psychologique, la compréhension de l’autre par le dialogue et les silences, et la manière dont les choix individuels influencent une relation sur une décennie : là est le cœur battant d’une série qui parvient à donner de la force au banal et à rendre ce couple ordinaire… extraordinaire.
Parfaitement incarnés par Iria del Río et Francesco Carril, Ana et Óscar sont ordinaires et reconnaissables : ni parfaits, ni idéalisés. Ana est insouciante, créative, parfois excessive ; Óscar est rigide, méfiant, parfois toxique. Cette authenticité fait la force de la série : chaque spectateur peut se projeter dans le portrait d’un couple à la fois universel et profondément personnel.
Tendre, parfois drôle et parfois triste, romantique mais jamais mièvre, Los años nuevos est une série intimiste et profondément humaine. À travers les réveillons successifs, elle transforme la répétition et le temps en instruments narratifs et émotionnels. Chaque Nouvel An devient un miroir de l’évolution des personnages ; chaque dialogue ou chaque silence nous fait ressentir le poids des choix personnels et du temps qui passe sur une relation. En dix épisodes, Sorogoyen réussit à rendre la vie ordinaire extraordinaire, offrant un récit universel sur l’amour, la transformation, la vie. Une série à voir et à savourer réveillon après réveillon.