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On débriefe pour vous… Unbelievable et la parole des victimes de viol

La mini-série Unbelievable dénonce les dysfonctionnements du système en racontant l’histoire vraie d’une victime de viol que personne n’a crue. 

C’est quoi, Unbelievable ? En 2008, Marie Adler (Kaitlyn Dever) pousse la porte du poste de police de la petite ville de Lynnwood et raconte comment elle a été violée par un inconnu qui s’est introduit dans son appartement. Mais les policiers mettent en doute son histoire, font pression sur elle et la poussent à se rétracter. Bien qu’elle dise la vérité, Marie déclare avoir tout inventé ; commence alors pour elle une véritable descente aux enfers. Trois ans plus tard dans le Colorado, les inspectrices Karen Duvall (Merritt Wever) et Grace Rasmussen (Toni Collette) croisent les données concernant les cas de viols sur lesquels elles enquêtent, et plusieurs similitudes les orientent vers la piste d’un violeur en série…

La mini-série de Netflix Unbelievable est incroyable mais vraie, à double titre : parce que personne ne croit Marie lorsqu’elle dénonce le viol dont elle a pourtant été victime, et parce que l’histoire est tirée de faits réels, racontés par les journalistes Ken Armstrong et T. Christian Miller dans un livre faisant suite à un article qui leur a valu le prix Pullitzer en 2015. La série de huit épisodes, créée entre autres par  Susannah Grant (scénariste de Erin Brockovich), retrace d’une part le calvaire vécu par Marie et d’autre part l’enquête menée par deux inspectrices sur d’autres affaires de viols, grâce à qui la jeune femme finira par obtenir justice.   

Le premier épisode se centre sur Marie, interprétée avec délicatesse et intensité par la formidable Kaitlyn Dever. Le nom du personnage est fictif  mais, répétons-le : l’histoire de cette jeune femme de 18 ans est réelle. En Août 2008, elle se tourne vers la police pour dénoncer le viol particulièrement atroce dont elle vient d’être victime : un homme s’est introduit chez elle en pleine nuit, l’a menacée d’un couteau, ligotée et violée pendant trois heures. Mais les enquêteurs doutent de la réalité de son histoire, notamment en raison de  légères différences dans les multiples récits qu’ils l’obligent à faire et de son attitude froide et détachée. Sous la pression de ces policiers qui la manipulent, la menacent et la harcèlent, Marie craque, se rétracte et déclare avoir menti. Commence alors un véritable chemin de croix : ses proches lui tournent le dos, elle perd son logement et sera même condamnée pour fausse dénonciation d’un crime. 

Marie, la victime, face aux accusations des policiers

A partir de là, on suit son parcours douloureux et, en parallèle, l’enquête de deux inspectrices de police. Trois ans plus tard dans le Colorado, Karen Duvall (Merritt Wever) et Grace Rasmussen (Toni Collette) enquêtent sur plusieurs viols commis selon le même mode opératoire : l’homme s’introduit chez ses victimes, les ligote, les viole pendant des heures, leur parle et prend des photos. Déterminées à arrêter celui qu’elles pensent être un violeur en série, les deux enquêtrices ignorent néanmoins que Marie a vécu exactement la même chose – elle s’est rétractée, il n’y a donc eu aucune enquête.

Portée par deux excellentes actrices (la dynamique entre elles fonctionne très bien et les scènes qu’elles partagent sont formidables), la trame criminelle est bien menée et suit l’investigation méthodiquement et en détails – identification d’un véhicule, analyses scientifiques, perquisitions, filatures, interrogatoires… Mais dès le premier instant, lorsque Duvall recueille le témoignage d’une victime, il est clair que l’approche contraste radicalement avec l’attitude des policiers face à Marie. Les deux inspectrices sont dans l’empathie, croient les victimes qu’elles écoutent avec bienveillance. Parce qu’elles enquêtent sur des viols et agressions sexuelles depuis des années et sont formées à ce type d’affaires ; peut-être aussi qu’elles sont des femmes, et ce même si la série a l’intelligence d’éviter de tomber dans un propos misandre qui stigmatiserait  systématiquement les hommes.

Les deux inspectrices mènent une enquête acharnée pour rendre justice aux victimes.

Unbelievable est une série dure et brutale, en permanence.  Le premier épisode est particulièrement choquant et dérangeant, même pénible à regarder : face au viol subi par la jeune femme et au calvaire que lui font vivre les policiers, on se sent frustré, impuissant et en colère. A fortiori parce que la série adopte le regard des victimes : c’est de leur point de vue que nous vivons les viols, notamment dans le cas de Marie à travers des flash-back allusifs et fragmentaires qui n’en sont pas moins brutaux. C’est une décision artistique pleine de tact et de sensibilité, qui permet à Unbelievable d’aborder un sujet aussi délicat en fuyant tout sensationnalisme, mais aussi de traduire une réalité que des images crues ne parviennent pas à illustrer :  un viol, ce n’est pas qu’une violence physique ou une pénétration forcée. C’est aussi un traumatisme, quelque chose de terrifiant et d’incompréhensible dont on ne sort pas indemne psychologiquement. 

S’y ajoutent les examens médicaux invasifs et l’obligation de répéter sans cesse un récit qui replonge la victime dans l’horreur. Mais il y a encore pire :  tout ce qui se passe quand la police, la justice et même l’entourage (soit ceux qui devraient aider, soutenir, défendre et protéger) refusent de croire la victime. La solitude et la stigmatisation, les jugements sur sa manière de réagir, la culpabilité et la honte, les questionnements sur son équilibre psychologique… Ce que montre alors Unbelievable, ce sont non seulement les dysfonctionnements des autorités mais aussi l’existence d’un système de pensée réticent à accueillir la parole des victimes d’agression sexuelle. Un sujet douloureux et actuel, sur lequel la série porte un regard fort, plein de pertinence et de sensibilité.  

Série intense et parfois dure à regarder, Unbelievable s’appuie sur un thriller policier prenant pour montrer comment le système judiciaire et même la société sont susceptibles de rajouter un traumatisme supplémentaire à celui vécu par les victimes de viol. Le propos, qui s’inscrit en pleine actualité, est d’autant plus nécessaire qu’il s’accompagne d’une vraie réflexion sur les solutions à apporter. C’est ce qui fait de Unbelievable est une série puissante, à ne surtout pas manquer. 

Unbelievable (Netflix)
8 épisodes de 50′ environ. 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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