L’ultime saison de Person of interest conclut magistralement une série épique, qui avait pourtant débuté comme un simple procédural.
C’est quoi, Person of interest ? Agent paramilitaire de la CIA présumé mort, John Reese (Jim Caviezel) est recruté par le mystérieux milliardaire Harold Finch (Michael Emerson). Par le passé, celui-ci a créé pour le gouvernement une machine capable de compiler et d’analyser toutes les données disponibles pour prévoir les attentats. Mais la machine anticipe aussi les crimes concernant des individus lambda : chaque jour, elle communique à Finch un numéro lié à une personne impliquée, sans toutefois préciser s’il s’agit de la victime ou du criminel. Les autorités ne jugeant pas ces données pertinentes, c’est avec l’aide de Reese et des lieutenants de police Carter (Taraji P. Henson) et Fusco (Kevin Chapman) que Finch va tenter d’empêcher ces crimes. Mais dans l’ombre, d’autres acteurs s’intéressent à son programme, dans un but moins altruiste… [youtube id= »fPcEGGekuJk »]
Person of Interest s’est achevée il y a quelques mois aux Etats-Unis, au terme d’une cinquième saison que s’apprête à diffuser TF1. Une saison raccourcie, de 13 épisodes seulement, qui conclut brillamment une série magistrale – sans doute l’une des meilleures de ces dernières années. Et c’est une surprise, au regard des premiers épisodes de la saison 1. Non que ceux-ci aient été mauvais ; simplement, ils semblaient annoncer autre chose : à savoir une série procédurale efficace mais convenue, la présence de la Machine n’ajoutant qu’une légère originalité. Chaque semaine, la Machine délivrait un numéro, et les deux héros tentaient de découvrir si la personne désignée était la victime ou l’auteur du crime anticipé, avant d’essayer de l’empêcher. Le duo, bien que peu original, formé par Finch et Reese fonctionnait bien; la présence des lieutenants Carter et Fusco, qui n’auraient pas dénoté dans une série policière des années 1980, accentuait encore ce caractère très classique.
Mais tout comme d’autres séries avant elle (Fringe, par exemple), Person of interest portait les germes d’une intrigue plus riche et complexe, et c’est dans la sérialité qu’elle est parvenue à l’exprimer. Simple outil aux mains de Finch et prétexte à un épisode, la machine s’est convertie dès la saison 2 en entité en part entière, avec une conscience ; d’une série procédurale à la NCIS, Person of Interest est devenue un feuilleton conspirationniste à la Homeland, sur fond de corruption politique et de sécurité nationale. Les épisodes auto-conclusifs, de plus en plus rares, ont cédé la place à un combat à grande échelle entre la Machine et le programme dérivé Samaritain. Cette « technomachie » entre intelligences artificielles s’est révélée propice à l’instauration d’une mythologie et d’un univers paranoïaque, avec en filigrane des thématiques complexes et actuelles– à commencer par l’omniprésence de la technologie dans notre quotidien et les problèmes éthiques qu’elle suppose, ou encore l’équilibre délicat entre liberté et sécurité.
Encore fallait-il conclure en beauté, terminer en apothéose une série devenue au fil des saisons de plus en plus intelligente et passionnante. Mettons fin au suspens : le contrat est rempli. La saison 5 reprend là où s’était arrêtée la précédente, avec des héros en déroute, au bord de la catastrophe absolue, confrontés à un ennemi plus puissant que jamais et désormais privés de la Machine, agonisante.
On pouvait craindre que la brièveté de la saison représente un handicap ; c’est tout le contraire. La série a toujours pris son temps pour poser les ressorts de ses intrigues, distillant les informations au compte-goutte, sans précipiter les événements (l’introduction de Samaritain, par exemple, occupait l’arrière-plan de toute une saison) Le procédé, frustrant mais pertinent, permettait aussi de relier entre eux des éléments a priori disparates, mais qui finissaient par former un ensemble cohérent. Revers de la médaille, Person of Interest a parfois souffert de baisses de régime, dans des épisodes plus diffus. Ici, l’action resserrée gagne en intensité, dans un crescendo qui culmine dans les deux derniers épisodes.
Malgré cette accélération, on retrouve tous les éléments qui ont fait son succès : scènes d’action musclées, mise en scène graphique, séquences fortes, bande-son superbe en parfaite adéquation, utilisation des flash-backs pour illustrer le passé et éclairer les motivations et les faiblesses de personnages complexes et charismatiques – qu’ils soient les héros ou les antagonistes. Ils sont d’ailleurs magnifiquement interprétés par des acteurs tous plus fantastiques les uns que les autres. Outre Emerson et Caviezel, on ne peut manquer de souligner la performance d’Amy Acker, stupéfiante dans le rôle de Root. Celle-ci – mystérieuse, violente et psychologiquement instable, passée d’antagoniste à héroïne – est l’un des personnages les plus réussis de la fiction récente, parce que son évolution a beau être imprévisible, elle reste totalement logique.
Connaissant la série, qui n’a jamais sacrifié ses ambitions, un final tragique était à prévoir. Jonathan Nolan a opté pour une solution intermédiaire : en dépit de la mort, inévitable, d’un des personnages, la conclusion reste ouverte et étonnamment optimiste. On ne vous dévoilera rien, mais ce dernier épisode est un vrai bijou : entre le sort tragique d’un des héros, le futur probable d’un autre, les retrouvailles touchantes entre deux personnages et les adieux de La Machine, ce final fait figure de montagnes russes émotionnelles. Quant à La Machine, justement, son humanité et sa profondeur psychologique atteignent un paroxysme amorcé à la fin de la saison précédente : devenue au fil des saisons un personnage à part entière, elle parvient à émouvoir notamment dans ses interactions avec Finch, qu’elle considère comme un père, et avec Root, son interlocutrice privilégiée. Et c’est bien le Machine, en définitive, le cœur de Person of Interest : plus encore que le moteur ou l’épicentre de l’intrigue, elle est le ressort qui donne un sens à la vie tragique des héros en leur permettant de se réparer en se révélant à eux-mêmes.
Ce qui s’annonçait au départ comme un procédural classique s’est métamorphosé en une série ambitieuse et complexe. Entre action, émotion et réflexion, Person of Interest est parvenue à surprendre, tout en restant cohérente et fidèle à elle-même. L’ultime saison conclut parfaitement un récit épique et foisonnant, porté par des personnages passionnants. You are being watched, annonçait Finch au début de chaque épisode ; en réalité, c’est vous qui devriez regarder…
Person of Interest : saison 5 – 13 épisodes de 45 minutes environ.
A partir du Mardi 8 Novembre à 20H55 sur TF1.
Crédit photos : CBS.