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On débriefe pour vous … Westworld, le phénomène de l’année

Westworld pose des questions philosophiques sur fond de science-fiction et de western, tout en jouant avec les conventions narratives pour tromper son public.

C’est quoi, Westworld ? Dans un futur indéterminé, Westworld est un parc d’attraction très particulier, dirigé par Robert Ford (Anthony Hopkins)… Dans un décor de far west, les humains viennent vivre une expérience hors du commun : en côtoyant des androïdes appelés les hôtes, ils peuvent laisser libre court à leurs instincts les plus primaires. C’est par exemple le cas d’un mystérieux homme en noir (Ed Harris), qui persécute et torture les hôtes. A lui comme aux autres, le parc offre aventure, sexe, duels à mort, dans un hyper-réalisme extrême. Chaque jour, les robots programmés par Arnold (Jeffrey Wright) suivent des scénarii préétablis avant d’être réinitialisés pour recommencer à zéro le lendemain, avec de nouveaux visiteurs. Parmi les hôtes, Dolorès (Evan Rachel Wood) présente toutefois des anomalies: elle semble se souvenir d’événements passés et commence à s’interroger…

On nous l’avait vendue comme le nouveau Game Of Thrones et le nouveau Lost ; inutile de dire qu’on attendait avec impatience et curiosité la nouvelle série de HBO. Créée par Jonathan Nolan (Person of interest), inspirée d’un film des années 1970, Westworld mettait donc la barre très haut : non seulement elle n’a pas failli à sa promesse, mais elle a même largement dépassé les attentes. Les comparaisons ne sont pas forcément usurpées : comme Game of Thrones,  Westworld  impose son univers de science-fiction épique ; comme Lost, elle bouleverse les codes narratifs et obsède un public prompt à échafauder toutes sortes de théories sur internet. Mais Westworld, c’est bien autre chose que le nouveau Game of Thrones ou le nouveau Lost.

Robert Ford (Anthony Hopkins)

Qu’est-ce que la conscience? Où se situe la différence entre les androïdes et les Hommes? Qu’est-ce qui nous rend humain? Les sentiments, les souvenirs, la souffrance, le libre-arbitre ? Westworld soulève des questions philosophiques, qu’elle approfondit au fil de récits insérés dans des univers de science-fiction et de western superposés. Dans ces cadres nettement différenciés mais corrélés, elle joue habilement avec plusieurs intrigues menées en parallèle, qui se complexifient au fil des épisodes jusqu’à la révélation du final. Bouleversant les conventions narratives, trompant volontairement le spectateur, Westworld s’amuse à nous égarer avant de relier ensemble les différentes trames, avec une cohérence d’une remarquable intelligence.

Dans un récit haletant et magistralement mené, certains éléments apparaissent d’abord abscons ou incohérents ; ils prennent tout leur sens lorsqu’on accède à la vision d’ensemble. L’attention aux détails est primordiale pour entrevoir la résolution du mystère : un regard de Bernard , une phrase sibylline de Dolores, un objet incongru, une simple variation dans le logo du parc suffisent à faire exploser les réseaux sociaux en donnant naissance à toutes sortes de théories – de la plus pertinente à la plus extravagante. De fait, nombreux sont ceux qui avaient deviné l’astuce (que nous ne vous dévoilerons pas ici), car tous les éléments étaient brillamment mais discrètement distillés. Il fallait juste être suffisamment attentif pour les remarquer et suffisamment perspicace pour établir la connexion.

Dolores et Bernard : l’androïde et son créateur (ou pas…)

Reste que le buzz engendré par la série ne s’explique pas seulement pas l’aura de mystère dont elle a su s’envelopper. Car une série médiocre aurait été bien incapable de provoquer un tel engouement, de donner envie de percer les nombreuses énigmes que pose chaque épisode, de passionner et d’impliquer le spectateur au point qu’il ait envie de poursuivre l’expérience en dehors de l’écran. Or, c’est le cas ici : portée par une histoire forte et complexe, une mise en scène spectaculaire, des univers bien différenciés (notamment par le jeu des couleurs, où le far west chaud et poussiéreux s’oppose à la froideur clinique des laboratoires), une musique sublime et inédite faite de tubes pop rock revisités au piano mécanique,  une intrigue pleine de mystères et de rebondissements inattendus, sous-tendue par des questions philosophiques passionnantes, Westworld réunit tous les éléments des grandes œuvres de télévision – et des grandes œuvres en général. A quoi il faut ajouter un casting hallucinant, où les grands noms font honneur à leur réputation tandis que des acteurs moins connus comme Thandie Newton, Jeffrey Wright et Evan Rachel Wood sont tout aussi époustouflants.

A lire aussi : notre avis sur le pilote de Westworld

Diffusé le week-end dernier, le dernier épisode de la saison 1, « The bicameral mind », a magistralement conclu cette saison mémorable. Ecrit et réalisé par Jonathan Nolan et sa femme Lisa Joy, ce double épisode de 90 minutes a apporté toutes les réponses. Il a notamment confirmé les hypothèses émises par les spectateurs – entre autres, l’astuce temporelle, dont Dolorès est la clé et qui permet d’établir un lien entre les différents personnages, et la relation entre certains d’entre eux. Mais la série est aussi parvenue à surprendre, une fois encore : les motivations de Maeve sont remises en question, on s’interroge sur la possibilité d’autres parcs à l’intérieur de Westworld, l’identité du mystérieux Wyatt apporte une révélation explosive, le discours final de Ford pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Et l’ultime séquence, hallucinante et impossible à anticiper, est d’une force impressionnante. En élucidant la plupart des énigmes qu’elle s’est ingéniée à poser au fil de la saison, Westworld réussit également à en suggérer de nouvelles et à ouvrir des perspectives étourdissantes en vue d’une saison 2.

here come the man in black

Paradoxalement, on pourrait sans doute reprocher à Westworld une trop grande maîtrise : c’est ironique mais, en verrouillant son récit et en esthétisant à l’extrême sa mise en scène, elle en devient un  peu trop mécanique et perd en humanité et en sensualité. Mis à part cette légère réserve, Westworld a néanmoins une immense vertu : celle de nous rappeler le délice de la frustration, avec des épisodes distillés semaine après semaine. A une époque où les saisons sont disponibles d’une traite et où le binge-watching est devenu courant, on avait presque perdu l’habitude de se laisser porter par l’attente et de la combler en continuant à imaginer comment la série allait poursuivre son récit. C’est sans nul doute l’une des grandes réussites de Westworld : même lorsque le parc ferme provisoirement ses portes, vous êtes encore à l’intérieur.

En attendant la suite, annoncée pour 2018,  Westworld nous a offert une première saison spectaculaire du début à la fin. La série était très attendue, et il ne lui a pas fallu longtemps pour tenir ses promesses, voire même dépasser les attentes d’un public auprès duquel elle a très vite trouvé sa place, jusqu’à devenir  le phénomène de l’année télévisuelle, et probablement l’une des meilleures séries de ces dernières années.  Jonathan Nolan dit lui-même que « cette saison était juste un prologue. » : bon sang, imaginez donc ce qu’on peut attendre de Westworld !

Westworld (HBO) – Saison 1 diffusée sur OCS.

10 épisodes.

 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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