Récompensée au Festival de la Fiction, A l’épreuve arrive sur France 2 et nous brosse le portrait d’une femme fantastique incarnée par Frankie Wallach impressionnante.
Ambre étudie le droit, encouragée par des parents de condition modeste qui la voient déjà avocate. Lorsqu’un bébé qui n’était pas du tout prévu au programme arrive, toute la famille doit se réinventer. La jeune maman claque la porte de la fac, puis celle de ses parents qui la jugent irresponsable, pour leur prouver qu’elle peut se débrouiller sans eux. Trouver un job, un appartement ? Même pas peur ! Elle est prête à soulever des montagnes pour son fils ! Bientôt confrontée à la réalité du marché du travail, elle a cependant bien du mal à accepter la seule opportunité qui s’offre à elle : devenir éboueuse pour la Ville de Paris…
On aime ?
A l’épreuve est de ces projets qui font la grandeur du service publique en cochant toutes les cases non de ce que l’on doit voir ou entendre aujourd’hui, mais ce qu’une grande chaîne de fiction doit proposer. C’est ainsi que ce très beau téléfilm a fait sensation au dernier Festival de la Fiction en obtenant le prix du meilleur unitaire, réalisé par l’excellent Akim Isker. Remarquable réalisateur qui a fait ses armes sur de la fiction populaire, il prouve, si tant est qu’on doive le faire, que ces fictions sont un parfait vecteur pour révéler les talents d’aujourd’hui et de demain.
En renonçant à faire le portrait d’une mère courage qui aurait entraîné son histoire vers le pathos, le réalisateur dresse en réalité le portrait d’une jeunesse d’aujourd’hui, obligée de prendre à contre coeur un travail auquel elle n’aspire pas pour se sortir d’une précarité dans laquelle la société la plonge. A l’épreuve c’est le portrait de ces femmes qui par millions font « ce qu’elles peuvent » pour s’en sortir, pour élever leurs enfants et pour continuer malgré tout d’avoir leur vie.
Ambre est donc l’une des femmes brillamment incarnée par Frankie Wallach qui va, avec ce film, dévoiler au plus grand nombre son talent remarquable, une présence magnétique de tous les instants à l’image, pour donner corps à une de ces héroïnes du quotidien. Le duo mère-fils qu’elle forme avec Nolan est vraiment bouleversant, un sentiment renforcé par la présence musicale de Eric Neveux, brillant compositeur de musique (que l’on aime beaucoup depuis son travail sur Un village français).
La réussite de ce film réside, et c’est rare, non pas dans la volonté de montrer la descente aux enfers d’une femme (une orientation qui tirerait les larmes mais pas l’intelligence du récit), mais d’orienter l’histoire sur la manière plus positive et du coup singulière de montrer la façon dont elle va s »en sortir. Un choix renforcé par le fait qu’une fois qu’elle a accepté ce métier atypique, elle l’embrasse totalement, rappelant au passage que « ce ne sont pas ceux qui ramassent la merde qui sont sales mais ceux qui la jettent« .
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Rendre visibles les invisibles
En choisissant comme arène le monde des éboueurs et plus largement de la fonctionnelle (ceux qui nettoient les scènes les plus complexes comme les accidents de la route, les attentats, les théâtres de manif,…), A l’épreuve fait preuve de pédagogie et sait être didactique pour cerner au mieux ce corps de métier que l’on connaît peu, mais aussi pour rendre visibles des personnes dignes devant lesquelles on passe sans jamais les « voir ». Tous les jours sur les routes notamment, on a pu voir le balai de ces véhicules de nettoyage sans jamais se préoccuper de ce à quoi les hommes qui sont aux commandes sont quotidiennement confrontés.
La série nous présente ce métier dans toute sa dureté, mais aussi son humanité au travers de personnages attachants, qui font corps les uns pour les autres. Y compris les femmes, plus rares dans cette profession, qui se soutiennent sans jamais appuyer sur les leviers inhérents à la sororité dans les fictions modernes. La modernité du film réside dans le fait de dépeindre des personnages dans une zone de gris (ni à leur avantage ni à leur désavantage) qui en fait des humains avant tout. Le bon exemple étant Clémentine Célarié (Dessailly) qui peut se montrer à la fois une alliée solide, mais aussi celle qui rappelle à Ambre la complexité du milieu dans lequel elles travaillent.
Des personnages tous d’une finesse savoureuse qui donne à l’histoire une sentiment d’une profonde humanité et donc une émotion totale. C’est sans doute aussi ça que l’on appelle un grand film.
A l’épreuve, suivie d’un débat présenté par Julian Bugier
Mercredi 25 septembre à 21.05 sur France 2 et sur france.tv