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On regarde ou pas ? Alice et Jack (Teva)

La mini-série britannique suit la relation complexe et chaotique entre ses deux héros, Alice et Jack, sur près de quinze ans.

C’est quoi, Alice et Jack ? Alice (Andrea Riseborough) est une analyste financière qui ne vit que pour son travail et n’a aucune envie d’une relation sérieuse. Inscrite sur une application de rencontres pour une simple aventure, elle fait la connaissance de Jack (Domhnall Gleeson), un chercheur en biologie. Ils passent la nuit ensemble, sans intention de se revoir. Mais cette première rencontre les a marqués tous les deux. Trois mois plus tard, lorsque Jack fait une découverte importante dans son travail, son premier réflexe est d’appeler Alice pour le lui annoncer. Elle lui propose un nouveau rendez-vous… Dès lors, ils ne vont cesser de se perdre et de se retrouver, pendant plus de 15 ans.

L’essentiel

Les romances sont un des genres de prédilection des scénaristes britanniques, avec en général deux approches radicalement différentes : les comédies romantiques feel good où l’amour triomphe de petites déconvenues, et celles qui tendent vers le mélodrame avec des personnages torturés confrontés à de multiples épreuves. Créée par Victor Levin (scénariste de Mad Men, entre autres) pour Channel 4, disponible sur M6+ (et sur Teva le 1er Septembre), Alice & Jack fait indéniablement partie de la seconde catégorie. 

En six épisodes d’une quarantaine de minutes, la série raconte la relation assez particulière et irrégulière entre ses deux protagonistes – Alice et Jack, donc – sur une période s’étendant de 2007 à 2022. Entre ellipses temporelles et récit chronologique, on les retrouve à chaque fois lorsqu’ils se recroisent, parfois par hasard et parfois parce que l’un décide de recontacter l’autre. 

On aime

La série adopte un format hybride parfaitement adapté à l’évolution de l’histoire et de ses personnages. Avec pour point de départ  leur rencontre et la nuit que Alice et Jack passent ensemble, la narration saute d’une ellipse temporelle à l’autre pendant les trois premiers épisodes. Les séquences, séparées par quelques mois ou plusieurs années, nous montrent alors comment ils ont orienté leur vie  en l’absence de l’autre avant de se retrouver. Les trois derniers épisodes sont plus linéaires : en 2022, les deux protagonistes se fréquentent régulièrement, notamment lorsque Alice prend une décision qui va les impacter tous les deux. Il n’y a pas forcément de relation charnelle mais ils sont tous les deux conscients d’être amoureux l’un de l’autre. Ce lien particulier mais intense crée une dynamique assez inhabituelle, intéressante en terme de narration et pertinente étant donné le caractère des personnages. 

Tous les deux sont diamétralement opposés. Jack est chercheur biomédical et fait son travail par idéalisme et pas pour la gloire ou l’argent ;  doux et attentionné, il n’a pas peur d’avouer ses sentiments. Alice est une femme indépendante et même froide, qui cherche à faire fortune dans la spéculation financière en évitant tout lien amoureux et amical. Au fil des épisodes, chacun va évoluer de son côté. On retrouvera Jack marié et père d’une petite fille, mais incapable d’oublier Alice ; elle s’est consacrée à sa carrière avec un certain succès, enfermée dans sa forteresse de solitude.  Lorsqu’ils se recroisent, tout vole en éclats, le lien qui les unit  les poussant à nouveau l’un vers l’autre sans qu’ils se soucient des conséquences. 

Andrea Riseborough et Domhnall Gleeson sont excellents dans les rôles de ces personnages complexes. Elle offre une performance très intense, montrant Alice comme une véritable bombe à retardement aux réactions imprévisibles, tandis que lui reste dans un registre plus mesuré. Les deux acteurs ont une bonne alchimie à l’écran et sont surtout très crédibles dans la peau de personnages qui auraient facilement pu tomber dans la caricature. On a aussi plaisir à retrouver la géniale Aimée Lou Wood (Sex education) dans le rôle de l’assistante de Alice. 

On aime moins

Alice & Jack est certes différente des histoires romantiques que l’on a l’habitude de voir, c’est un drama sombre souvent même empreint de noirceur et de mélancolie, qui laisse peu de place à la légèreté. Pour autant, elle rappelle fortement deux autres séries auxquelles elle emprunte énormément : d’un côté, les deux héros complexes et tourmentés renvoient à ceux de Normal People et de l’autre, la structure narrative de la série avec ses sauts dans le temps évoque One Day. Et de fait, elle s’inscrit exactement dans le même registre, pile entre les deux. 

A lire aussi : Normal people, la romance extraordinaire de deux personnages ordinaires

Les scénaristes ont fait le choix d’obscurcir l’histoire d’amour entre Alice et Jack, en particulier dans la dernière ligne droite. Dès le début, leur relation peut être qualifiée de toxique voire d’autodestructrice, mais le dernier épisode enfonce le clou de façon exagérée, jusqu’à embrasser le mélodrame pur et simple sans aucune retenue. On peut alors avoir l’impression que, sans s’embarrasser de finesse ou de subtilité, la série tente d’arracher les larmes à son public.  En d’autres termes, Alice & Jack en fait trop.

C’est sans nul doute voulu, mais il est difficile de s’attacher à Jack et encore plus à Alice. Le premier a une certaine tendance à l’apathie tandis que la seconde a parfois des réactions difficiles à comprendre. C’est une question de  sensibilité mais ils n’ont rien de sympathique, de sorte qu’il est difficile de s’investir dans leur histoire si on a besoin de se sentir touché par les personnages. 

On regarde si… on a aimé Normal people ; on est touché par les amours complexes voire maudites avec des héros torturés ;  on a envie d’une histoire d’amour sombre et / ou inhabituelle.

On ne regarde pas si… on est encore traumatisé par la fin de One day : on veut une romcom légère, feel good et amusante ; on est sensibles sur certains sujets car la série aborde brièvement la question des abus sexuels. 

Alice & Jack 
6 épisodes de 40′ environ.
Le 1er Septembre sur Teva. 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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