C’est sans doute l’un des projets les plus attendus en cette rentrée : Prime Vidéo diffuse Culte, la série autour de la création du Loft.
2001. Les tours du World Trade Center sont encore debout et les français sont champions du monde… M6 lance sa nouvelle émission « Loft Story ». Derrière les miroirs sans tain, aux manettes du show, un groupe de jeunes producteurs est prêt à tout pour se faire une place dans la cour des grands. Ils n’ont pas 35 ans et ensemble, ils doivent tout inventer. Mais l’émission va rapidement devenir un scandale de société et bousculer toutes les certitudes de ces pionniers de la « télé-réalité ».
L’essentiel
Première saison d’une nouvelle anthologie (dédiée ensuite au groupe 2Be3), Culte dépeint l’arrivée en France de la télé-réalité en 2001 avec le Loft, cette émission qui a réunit jusqu’à 11 millions de spectateurs sur M6. Du jamais-vu. Pour les auteurs de la série – Nicolas Slomka & Matthieu Rumani – l’idée est de raconter l’histoire de « quelque chose que tout le monde connaît mais qu’on n’avait jamais vu comme ça« , à la manière de Facebook dans The Social Network, soit un phénomène de société impactant pour toutes et tous. Et leur idée était de la raconter comme un thriller mais non pas « raconter le Loft du point de vue des spectateurs ou des Lofteurs, mais du point de vue des créateurs« . Et il fallait pour ça « réussir à créer du danger avec l’histoire d’un succès« , tout un challenge à mettre en place. Des choix narratifs se sont donc imposés aux créateurs de la série : tout ce qui ce passe à l’antenne (lofteurs comme animateur) sera reproduit à l’identique avec un vrai effort de ressemblance ; tout ce qui se passe en coulisses sera réécrit pour donner un visage nouveau et des personnages nouveaux, tout en s’inspirant de personnes existantes. « Louis Farge, le réalisateur a fait le choix de ne filmer le loft qu’à travers les écrans de la régie. Les seules fois où sa caméra rentre physiquement dans le Loft, c’est dans l’épisode 5, pour accompagner le personnage d’Isabelle dans le confessionnal ».
On aime
Très attendue avant même sa diffusion, Culte est une très bonne série. Grâce à une écriture enlevée et une réalisation soignée, précise et rythmé de Louis Farge (spécialiste du thriller avec Cuisine interne et Follow), la série ne souffre d’aucun temps morts et se suit comme un page-turner savoureux, dont le mérite principal est d’être bien plus intéressante que le modèle auquel elle s’intéresse. On aime découvrir les coulisses des tractations entre chaînes, les coups bas que M6 et TF1 se lancement à coup de projets interposés, voire même les coups bas entre producteurs du Loft (qui ont tout à perdre) et la chaîne (qui doit en peu de temps, décider de passer ou pas sur ce qui peut être l’un des plus gros bouleversements de la télévision).
On aime aussi la manière dont on gère tel ou tel événement anodin comme la présence d’alcool à l’image, de cigarettes … jusqu’à un homme et femme se donnant l’un à l’autre devant les caméras. Couper ou pas l’antenne ? Voilà la question, point centrale de ce qui fera (ou pas) le succès de l’émission.
Mais comme tout bon work place drama – ici les coulisses d’une émission de télévision – la réussite tient à une myriade de personnages tous plus borders les uns que les autres
Si les candidats de l’émission semblent des agneaux sacrifiés sur l’autel de la réussite de créateurs de l’émission, celles et ceux qui sont en coulisses sont tous plus machiavéliques les uns que les autres. Chaque titre d’épisode de la série les qualifient d’ailleurs selon l’évolution de la série, passant de « Outsiders » et « Pionniers » à « Ordures » avant de tendre vers une forme de rédemption.
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Sur la création des personnages, il y a d’ailleurs deux performances qu’il convient de souligner. Car à l’image de ce qui s’est passé dans la « vraie vie » avec une émission qui permis à deux femmes d’éclore chacune de leur côté (Alexia Laroche-Joubert et Loana), Culte nous brosse le portrait de deux femmes, servies par le talent de deux actrices. Anaïde Rozam est impressionnante et charismatique dans sa composition d’Isabelle, productrice vénale qui ne recule devant rien. La comédienne, tout en campant un personnage qui n’existe pas, est parvenue à emprunter des mimiques et des attitudes à son modèle Alexia Laroche-Joubert. Avec un regard perçant et une attitude qui l’impose partout où elle apparaît, Anaïde Rozam est à n’en pas douter l’incroyable révélation de la série.
Face à elle, la toujours impressionnante Marie Colomb nous bouleverse toujours autant, avec pourtant la mission particulièrement difficile d’être quelqu’un que l’on connaît tous, icône de la télé-réalité depuis presque 25 ans. Mieux, tout en un parvenant à l’imiter juste ce qu’il faut, Marie Colomb donne à Loana un cadeau précieux : elle fait en sorte que l’on parvienne à la comprendre, à comprendre pourquoi elle traverse tout ce qu’elle traverse depuis le début. La scène dans la limousine où elle prend peur juste avant d’entrer dans le loft – en se comparant aux autres candidates qui « elles sont bien habillées » et qui craint qu’on la prenne « pour la pute de service »- est vraiment bouleversante. Mieux que n’importe quel documentaire produit ou de « miettes » de livre, c’est sans doute grâce au talent de Marie Colomb que Loana pourra enfin être comprise.
On aime moins
Là où Culte pèche plus c’est qu’elle arrive sans doute un peu tard. Trop tard ne serait-ce qu’avec la diffusion de UnReal en 2015. Même si ce sont deux télé-réalités différentes qui sont concernées, UnReal a déjà montré et avec brio, ce que les productions peuvent faire en manipulation de candidats pour entretenir l’audience ; comment une image que l’on pense connaître est en réalité driver en coulisses par des gens galvanisés par un pouvoir qu’ils n’ont pas. On aurait pu se « rassurer » en se disant que Culte est dans le réel là où UnReal est dans la pure fiction. Mais en refusant précisément d’assumer le tout réel (ou le tout fiction) pour opter pour une ligne de crète compliquée, la série ne parvient pas toujours à nous intéresser pour ce qui est vrai car elle a fait le choix de fictionner tout un pan de ce qu’elle raconte. Culte montre ainsi que le tout fiction de UnReal permet sans doute d’aller plus loin et de raconter sans doute plus sur la télévision.