Alors que Rivages ou Anaon vont débouler dans les prochains mois, France 3 nous propose Ouija une des incursions de la chaîne dans le fantastique… avec de belles idées.
Provence, été 82. Des lycéens français et leurs correspondants allemands font une séance de spiritisme.
Peu après, une série d’évènements tragiques s’abat sur le village. Auraient-ils réveillé un esprit maléfique ? Les jeunes vont se lancer dans une enquête sur l’origine du mal qui frappe leurs familles.
La France, terre du genre, encore trop frileuse
Depuis les grandes heures de la télévision française avec Belphégor, les spectateurs ont l’habitude de découvrir de grandes séries fantastiques, à l’image de L’île aux 30 cercueils ou La poupée sanglante. Plus récemment, de nouvelles tentatives ont vu le jour, poussées notamment par le succès des plateformes. On se souvient de Zone Blanche ou encore Marianne. Mais face à un public télévisuel qui ne cesse de vieillir, les chaînes ont plutôt tendance à sécuriser leurs séries pour fidéliser un public plus large. Mais face à des auteurs de plus en plus baignés dans le genre, les chaînes se laissent glisser dans le fantastique, avec encore trop de frilosité. Ouija, un été meurtrier est encore malheureusement de ses séries dont on assume pas totalement les choix pourtant intéressants qu’elle opère.
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Ouija, un été meurtrier ! Le titre de la série résume malheureusement assez les tiraillements dont est victime la série. La partie « un été meurtrier » a été rajoutée après coup, comme pour ne pas rebuter par le fantastique un public plus âgé en lui donnant l’impression qu’il va plutôt se retrouver face à une saga de l’été traditionnelle. Grossière erreur car sous bien des aspects, Ouija prend de nombreux risques vraiment bienvenus.
« La Coupe du monde de 82 nous a servi à structurer le récit. Un match, un épisode. Chaque match nous rapprochant inéluctablement de la fameuse demi-finale perdue par la France contre l’Allemagne, avec Schumacher brisant la mâchoire de Battiston et les rêves de la génération Platini. Tout le monde se souvient de cette Nuit de Séville, chacun sait où il était ce soir-là, un peu comme le 11 septembre… On peut dire que ça a été la dernière guerre avec l’Allemagne ! » (Thomas Bourguignon et Jörg Winger, créateurs de la série).
Ouija, une malédiction familiale
Durant les 6 épisodes, la série oscille entre vraies trouvailles qui font du bien et resucés de séries estivales passées.
Mais ce qui caractérise déjà Ouija c’est bien un ton singulier, entre l’horreur absolue et le comique fortement décalé (notamment sur certains personnages comme celui de Patrick Mille, à la limite du grand guignol), qui donne à l’ensemble quelque chose de très « BD ».
Si la série n’évite pas la traditionnelle enquête policière, l’intrigue avance par le biais du fantastique et de la traque de cette bande d’ados particulièrement bien castée. La forte présence des années 80 fait qu’il est impossible de ne pas y voir une volonté de coller un peu à Stranger Things, mais surtout aux Goonies auxquelles ils empruntent fortement. Si tous ne sont pas égaux dans le talent qu’ils mettent dans le jeu (certains sont légèrement caricaturaux), on tient à souligner le très beau duo formé par Ruben Meiller (Frank Schiller) et Eloïse Kafui (Alice Brémond) vraiment charismatiques pour le coup.
Mais c’est bien quand la série assume clairement le fantastique qu’elle se montre bien meilleure. Là encore si parfois les effets spéciaux ont un peu un côté bande dessinée assumé, l’écho que la partie fantastique trouve dans la grande histoire est vraiment intéressant. Intéressant car il y a un vrai parti pris dans le traitement de la fin de la seconde guerre mondiale, les dérives de l’épuration et les conséquences que des générations entières traînent avec eux. De même, voir la nouvelle génération refuser d’hériter de cette haine bien compréhensible est aussi parfaitement touchant.
Ouija connaît ainsi une vraie montée en puissance. Si la première partie utilise un peu trop le fantastique comme un prétexte, l’intensité de l’intrigue monte épisode après épisode. Si on adore toujours Ophélia Kolb – dont le personnage de flic en avance sur son temps est intéressant et bien incarné – on aurait préféré voir les jeunes encore plus impliqués. Car une fois que la série trouve son rythme, elle devient un objet vraiment original et singulier qui se permet de vraies audaces.
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Outre l’utilisation du théâtre comme vecteur de transmission de la vérité, on aime particulièrement le choix pour le coup radical choisi pour finir le 6e et dernier épisode. Cliff de fin de saison ou choix de fin de série, dans les deux cas, on apprécie vraiment ce twist particulièrement osé et qui va l’encontre de la volonté de « rassurer » un auditoire qui aurait peur de se confronter au genre. La série y plonge les deux pieds dedans et on ne boudera pas notre plaisir : on adore ça !