Chroniqueur au Grand Journal de Canal + durant la saison 2011-2012, Olivier Pourriol livre dans son nouvel essai les dessous de l’émission phare de la chaine cryptée. A travers ces pages, l’ancien intervenant dessine sous forme de dialogue avec ses supérieurs, amis et autres chroniqueurs, le « off » de l’émission, ainsi que le peu de place réservée à ses interventions à l’écran.
« Les rôles sont simples. Moi je passe les plats. La blonde, les questions de blonde (Arianne Massenet). Le chauve (Jean-Michel Apathie), les questions de chauve, la politique, la dette, tout ça. Et toi, tu es encore jeune mais tu as des cheveux blancs, il faut que tu donnes de la hauteur. Un éclairage différent. (..) Comme tu sais faire, Le philosophe ! (..) Intelligent mais pas trop. » Cet échange avec le rédacteur en chef livré dès les premières pages est significatif du fonctionnement « off » de l’émission. Repéré lors d’une intervention sur le plateau en tant qu’invité, Olivier Pourriol, le normalien, a été recruté à l’aube de la saison 2011-2012 du Grand Journal. Connu pour sa justesse d’esprit et sa pertinence d’analyse due à sa carrière de philosophe, l’ancien chroniqueur avait longtemps hésité avant de se lancer dans l’aventure, lui, qui ne regardait jamais la télévision et qui n’avait aucune vraie expérience journalistique. Choisit pour relié souvent l’invité de la première, ou deuxième partie, à des sorties littéraires ou à des références cinématographiques, Olivier Pourriol a finalement craqué au terme de sa première année. Bloqué par le système, cantonné à une petite minute et demie lors des journées heureuses, son utilité a vite été limitée et sa progression professionnelle quasiment nulle pour lui. Lui ce qu’il aime c’est écrire comme il sait bien le faire. Le Peintre au couteau (2005), Cinéphilo (2008) ou encore Eloge du mauvais geste (2010) l’avaient fait entrer dans la cour des grands. La télé était décidément trop petite pour lui bien que le salaire de fin de mois, plus grand, l’était bien assez.
De septembre 2011 à septembre 2012, Olivier Pourriol a dessiné à travers son expérience sur la chaine cryptée, les dessous du Grand Journal. Et très vite, les doutes sont apparus dans la tête du néo-chroniqueur aux prémices de la saison. Restreint par ses supérieurs, le romancier et essayiste s’est vite interrogé. « Pas de littérature, pas de cinéma. On est une émission de quoi, en fait ? – Nous, on est nous. On est ce qu’on veut. On est statutaires. » De l’information en surface associée à de la simple promotion stratégique, rien de plus. Un des techniciens croisés compare l’émission à « la loi de la jungle« , et fait le parallèle avec les très réputés talk-show à l’américaine. « En Amérique, les journalistes ont le devoir de mordre les mollets des grands et de défendre les petits. L’indépendance de la presse, la liberté d’opinion.. (..) Ici, on s’en fout. Ce qui compte, ce que les gens regardent, c’est la bagarre. On met en scène l’humiliation des moins aptes, et la survie du plus apte. C’est du catch. » Triste constat du divertissement populaire à la française.
Autre point navrant et affligeant, l’aspect littéraire souvent au centre de l’émission. « On ne lit jamais les livres? – Si. Toujours. La première page, la dernière page, et la page 100« , pour prouver sur le plateau notre fausse bonne foi. Alors oui, selon Oliver Pourriol et son constat cinglant, les hommes de plateau qui vous vantent les sorties littéraires vendent de la fumée intellectuelle les concernant. Ils n’en connaissent même pas le fil. Des personnes sont payées pour eux pour leur faire des fiches sur chaque bouquin. Honnête.
Rendez-vous incontournable pour beaucoup, le Grand Journal est dépouillé à coeur ouvert par un ancien chroniqueur, franc et honnête qui avait besoin selon ses mots, de faire comprendre la vérité. Egalement surement d’ouvrir les yeux sur cet écran de fumée servit tous les soirs de 19h10 à 20h50.