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CINEMA : Pieta, Kim Ki-Duk a les mains sales

Connu pour ses films contemplatifs marqués d’une esthétique muette, Kim Ki-Duk s’essaie au mauvais genre. Irruption du sublime dans la pègre.

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L’affiche du film aurait pu nous amener à penser bien d’autres choses que ce qu’il s’y passe vraiment. La lumière léchée suggère un travail soigneux de la lumière, et peut-être une réflexion sur la religion ? Elle n’aurait pas été infondée, puisque Printemps Été Automne Hiver… et Printemps (2003) évoquait les voies du bouddhisme. Si rien d’indécent n’est jamais explicitement exposé, le film s’ouvre sur deux scènes osées : un handicapé se pend avec une chaîne de son atelier de manufacture, un autre à moitié endormi jouit dans le coussin de son lit. La grande et la petite mort en amuse-bouche.

Kang-do (Lee Jung-Jin), massif et peu bavard travaille chez Happy Loan (« Au Prêt Joyeux »). L’entreprise pratique sans vergogne le décuplement des intérêts. Comme très peu de clients réussissent à rassembler assez d’argent pour effacer leurs dettes, il reste la solution de la mutilation, pour débloquer une indemnité assurance. Kang-do intervient sur ce détail pour aider à rendre l’accident aussi plausible qu’handicapant, sans jamais ressentir de réels remords. Une étrange femme (Min-soo Jo au regard magnétique) le suit, et prétend être sa mère. Est-ce pour venger une ancienne victime ? Ou juste une autre folle qui vagabonde dans le quartier ? À moins qu’elle ne dise la vérité.

Pieta_photo3Les quartiers sont insalubres, les citoyens vivent dans des bidonvilles, travaillent dans des placards à balais envahis par des machines poisseuses, copulent entre deux commandes. Le monde est sale, Kang-do met en évidence ce constat lorsqu’on le traite de cruel : «C’est vous qui m’insultez, mais je n’ai pas pris cet argent au départ.» Le choc des images, bien que suggestives, est voulu et ressenti. Pourtant, on y retrouve la même quête esthétique que dans les autres films de Kim Ki-Duk : comment trouver la paix intérieure. La forme a simplement mué en un étrange opus de Park Chan-Wook, où le sang et les ecchymoses sont autant de touches de couleurs à une palette qu’un ciel de tôles poussiéreuses.

pieta_afficheLe pari était pourtant osé, et le Lion d’Or obtenu à Venise l’année dernière n’a fait que renforcer les avis mitigés des spectateurs. Loin de sa palette usuelle, le réalisateur Coréen a-t-il bien fait de se mettre en contradiction avec son habituelle révolte en sourdine ? Ici, il inverse la tendance, et s’attache plus à ce que la révolte n’entend pas quand elle vocifère. L’effet en devient d’autant plus efficace.

Au fil du récit, on s’étonne de comprendre quelques uns des actes de l’irascible Kang-do. Par exemple, quand on sait qu’il a été abandonné à sa naissance, obéir instantanément aux demandes de sa mère de fortune qui veut qu’on lui plante un arbre dans les friches de la périphérie semble normal. On perd parfois ses repères au milieu des nombreux symboles utilisés, peu familier avec les significations de la poule, de l’anguille et du lapin dans la culture Coréenne.

L’affiche et le titre sont pourtant des références à l’imagerie judéo-chrétienne. Pourquoi un tel amalgame ? Les deux font référence, encore une fois, à la mort. Mais comme la pietà est un type spécifique d’œuvre d’art, elle sublime la mort, tout comme elle abaisse la Vierge Marie au simple rang de pleureuse lorsqu’elle récupère le corps de son fils. C’est en soit une petite mort, celle évoquée par Kang-do. La petite et la grande mort en dessert.

 

PIETA – Bande Annonce from Pretty Pictures on Vimeo.

Crédits photos : Pretty Pictures

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