Alors que la série s’apprête à tirer sa révérence sur 3DS, Game Freak nous gratifie d’une double ration de Pokémon réchauffé en guise d’adieu. Pokémon Ultra Soleil et Ultra Lune est la 16° itération de la saga principale Pokémon, et si de nombreuses mécaniques semblent rodées à la perfection, Game Freak fournit le service minimum pour dire au revoir à la dernière console portable de Nintendo. Pokémon USUL : rien de nouveau sous le Soleil ?
Un an après Pokémon Lune et Soleil, Game Freak remet le couvert pour la der des ders sur 3DS. Alors que les plus déçus des fans reportent maintenant leurs espoirs sur une éventuelle version Switch de Pokémon Z, c’est « Ultra Soleil / Ultra Lune » que Game Freak a dévoilé le 6 juin dernier, dans l’indifférence générale. Les deux titres ont débarqué le 17 novembre, et c’est avec émotion, inquiétude et fébrilité que nous enfilons les dernières cartouches d’une grande saga dans nos 3DS.
La communication de l’éditeur sur le titre a été pour le moins erratique. Les informations, dévoilées au compte-goutte, ont chauffé à blanc le public comme Daft Punk dans une maison de retraite. Seule éclaircie : le retour de la Team Rocket, et la liste des légendaires capturables, dévoilés à quelques semaines de la sortie du jeu, ont introduit une dose d’excitation tardive chez les fans. On a même cru à un moment que de nouvelles formes d’Alola allaient surprendre notre périple. Cet espoir déçu n’est qu’un symptôme plus large du sentiment général qui transpire de ces épisodes : c’est chiche en nouveautés et les problèmes des anciens épisodes demeurent.
Ultra Simple et Ultra Long
Si un jeu Pokémon vous a un jour semblé épique, que votre mémoire chérisse ce souvenir : ce n’est pas ce Pokémon USUL qui viendra revendiquer un quelconque intérêt scénaristique. On nous sert le coup de l’univers parallèle à celui de Lune et Soleil. Ce n’est pas la première fois dans la saga Pokémon, mais il faut avouer qu’on a du mal à ne pas voir la largeur de la ficelle. Si quelques modifications scénaristiques semblent pointer le bout de leur nez au tout début de l’aventure, n’ayez crainte, la routine reprend rapidement le dessus. Très vite, vous vous retrouvez sur les mêmes rails scénaristiques que dans Lune et Soleil et ce, pour 20-25h. Et nous parlons de rails à propos : le jeu est d’une linéarité à faire passer le RER A pour une montagne russe d’Europa Park.
Par la suite, le scénario s’émancipe de son encombrant tuteur et prend son envol, pour quelques surprises. La Team Rainbow Rocket, Necrozuma, nos amis venant d’autres dimensions : tout trouve sa conclusion le moment venu. C’est parfois confus, souvent convenu, mais vient étoffer l’aventure. Pokémon USUL arrive également à titiller la fibre nostalgique de ses fans.
Comme pour les derniers opus sortis sur 3DS, le jeu est d’une simplicité déconcertante. On remarque bien que certains dresseurs semblent plus malins que par le passé, ou qu’un Pokémon dominant va nous paraître coriace. Mais rien ne viendra fondamentalement vous contrarier : aucun combat ne se rapproche de près ou de loin de la difficulté éprouvée face à l’Ecremeuh de Blanche dans Or / Argent, par exemple. En outre, les nouvelles interactions possibles avec le Motisma-Dex procurent de nombreux avantages en combat, comme une augmentation temporaire des statistiques ou la possibilité d’utiliser une seconde capacité Z. Le tout rendant l’aventure encore plus accessible.
Quand y’en a plus, y’en a encore
Là où Pokémon force le respect, c’est dans sa durée de vie. L’aventure principale n’est pas une fin en soi, mais plutôt un tour de chauffe permettant d’explorer les mécaniques de jeu. Pokémon USUL ne fait pas exception à la règle, et c’est pléthore d’activités qui s’offre au joueur une fois que celui-ci aura eu le courage d’aller au bout de l’aventure.
Le chaland en a pour son argent : c’est bien tous les légendaires de la saga qui sont présents dans le titre… si on compte les deux jeux. Certains légendaires sont exclusifs à Ultra Lune, d’autres à Ultra Soleil. Il va falloir négocier et échanger sec avec les ptis copains pour s’assurer de remplir le Motisma-Dex.
Les activités annexes donc, sont parfois très classiques : la chasse au chromatique, l’élevage de Pokémon, l’Agence de Combat (qui remplace la classique Tour de combat / Arbre de combat) et la complétion du Pokédex pourront vous occuper des centaines d’heures mais ne revêtent pas une once d’originalité. D’autres sont plus novatrices : la Plage Pikachu, le Surf Dementa (qui permet d’obtenir des objets parfois très intéressants) et l’exploration des Ultra-brèches. Cette dernière activité permet de récupérer les légendaires précités mais souffre d’une linéarité et d’une répétitivité qui la rend aussi intéressante qu’un épisode de Derrick en descente d’acide.
Techniquement, le jeu semble un chouïa plus joli que l’itération de l’année dernière, même si on sent que la 3DS donne tout ce qu’elle a. On note les mêmes ralentissements que l’an passé. L’ambiance sonore est quant à elle toujours aussi réussie.
Rome n’est plus dans Rome
A ce stade, vous aurez compris l’essentiel : Pokémon USUL est un excellent jeu qui capitalise sur le savoir-faire de Game Freak mais omet de prendre le moindre risque.
Ainsi, on ne peut évidemment pas s’empêcher de souligner que le jeu porte les mêmes défauts que les dernières itérations de Pokémon. Si le facteur nostalgique joue à plein encore une fois, trop d’éléments viennent souligner l’incohérence des choix opérés par Game Freak dans l’exploitation de la licence.
Ce rude constat n’est que plus pertinent depuis que le développeur a eu la bonne idée de ressortir les opus Or / Argent sur 3DS, nous permettant de comparer très subjectivement les titres, et pouvoir critiquer l’évolution de la saga, en n’oubliant pas d’en conclure que Pokémon « c’était mieux avant ».
Folie Breath of The Wild oblige, Masuda et Shigeru Ohmori, les producteurs du titre, se sont prêtés au jeu de l’interview durant l’été sur le thème de l’influence du dernier Zelda sur leur propre saga. Ils y ont déclaré que Pokémon n’avait pas grand-chose à apprendre de Zelda car la série se concentre sur la narration plutôt que sur l’exploration et la découverte. Si l’influence prise par la narration est indéniable depuis une dizaine d’années, les joueurs espéraient, avec l’arrivée de Lune et Soleil, retrouver ce sentiment d’abandon et de découverte qui était très présent dans les premiers softs. En confirmant la linéarité de Lune et Soleil, USUL oublie que le sel de la saga vient de l’excitation produite par la découverte de la tour de Rayquaza et l’île de Mew dans Emeraude ou l’exploration des 7 îles dans Rouge Feu, par exemple.
Quel joueur ne se sent pas nostalgique à l’évocation de la découverte du postgame d’Or et Argent ? En revanche, qui peut se targuer de se souvenir de l’histoire de Bleu et Rouge ?
Si la linéarité a toujours été constitutive de l’identité de la saga, la direction actuelle, confirmée par USUL ne fait de nous rien de plus que des touristes, trimballés d’un spot à un autre, que l’on force à photographier tel ou tel point d’intérêt.
Avec cet opus se ferme un chapitre de l’Histoire de Pokémon. La suite devrait s’écrire sur Switch. Si les développeurs ont appelé les joueurs à ne pas attendre un jeu trop ambitieux, la saga doit se renouveler pour épouser son époque.
Pokémon USUL est quant à lui un jeu ultra complet, à la durée de vie colossale, avec des mécaniques de gameplay parfaitement maîtrisée. Difficile cependant, de lui pardonner sa linéarité, son manque de challenge, et sa proximité avec les épisodes sortis l’an passé. On le conseillera donc à ceux qui n’ont pas eu le loisir de jouer à Pokémon Soleil ou Pokémon Lune ainsi qu’aux fans hardcore de la licence.