La Corée du Nord a lancé dimanche 7 février une fusée longue portée qui a transporté un satellite en orbite. Le satellite serait d’ailleurs passé au dessus de San Fransisco, là où se tenait le Super Bowl annuel, une heure après la fin du match. Il serait à l’heure actuelle en train de flotter erratiquement sur son orbite, inopérant. Mais l’enjeu, bien sûr, tient à autre chose : la crainte de missiles balistiques.
En effet, ce tir réussi prouve la capacité de la Corée du Nord à lancer des fusées et/ou des missiles (un missile étant une fusée armée) dans un rayon accru. Cela intervient moins d’un mois après le quatrième essai nucléaire du régime nord-coréen : l’explosion souterraine de ce que le régime a présenté comme étant sa première « bombe thermonucléaire à l’hydrogène » (déclaration tempérée par les spécialistes). Cet essai avait été fermement et rapidement condamné par le Conseil de Sécurité de l’ONU et avait ravivé les craintes d’une crise régionale majeure.
Le régime de type stalinien adopte pour se maintenir une stratégie basée sur la belligérance, alternant les phases de menaces et les phases d’apaisement. Aujourd’hui c’est une nouvelle étape offensive pour Kim Jong-Un, le fils trentenaire de Kim Jong-Il qui a succédé à son père en 2011. Et les choses ne devraient pas s’arrêter là, les services secrets américains ayant annoncé mardi 9 février que la Corée du Nord avait remis en marche un réacteur producteur de plutonium, indispensable pour la constitution d’armes nucléaires (elle posséderait aujourd’hui 6 à 20 têtes nucléaires).
Le tir a rendu fébrile toute la région. Le Japon, qui parle souvent de la Corée du Nord comme du principal danger pour l’archipel, a appelé à des sanctions plus dures, tout comme la Corée du Sud qui a annoncé lundi 8 février vouloir se doter très prochainement d’un système antimissile américain — chose qui a été confirmée par Barack Obama lui-même. Le système THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) serait ainsi placé près de la frontière nord-coréenne et protégerait les alliés américains. Ce qui ne plait pas au géant chinois, qui voit déjà les radars sud-coréens/américains balayer une partie de son territoire.
La Chine, traditionnellement l’alliée de Pyongyang, est très embarrassée par les agissements de son voisin. Si elle continue à soutenir discrètement la Corée du Nord, en refusant par exemple de collaborer sur les sanctions, c’est parce qu’elle craint une réunification coréenne qui se traduirait par une perte d’influence dans la péninsule coréenne et amènerait des troupes américaines à sa frontière. La crise nord-coréenne se joue dans un contexte plus étendu de tensions en mer de Chine, impliquant à peu près tous les acteurs maritimes de la région, Etats-Unis inclus. Une escalade militaire localisée aurait immanquablement des conséquences plus larges.