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Pourquoi un regain de tension entre la Serbie et le Kosovo ?

Depuis de nombreuses décennies, la rivalité entre la Serbie et le Kosovo a été au centre de l’attention internationale. Cette querelle complexe et profondément enracinée trouve ses racines dans des facteurs historiques, politiques et ethniques qui ont façonné la région des Balkans.

En 1999, le Kosovo, soutenu par une coalition occidentale dont la France, avait ouvert la voie à son indépendance après une guerre contre la Serbie, qui a fait environ 13 000 morts, en grande majorité des Kosovars albanais. C’est ainsi qu’avec le soutien des États-Unis et la plupart des pays occidentaux, l’ex-province serbe, qui compte aujourd’hui 1,8 million d’habitants, déclarait unilatéralement son indépendance. C’était le 17 février 2008, … une indépendance que la Serbie n’a jamais reconnue. Les relations entre Pristina et Belgrade vont alors de crise en crise : des tensions récurrentes depuis l’indépendance autoproclamée du Kosovo. Belgrade soutient les Serbes au Kosovo dans leur défiance envers les autorités locales, alors que Pristina vise à asseoir sa souveraineté.

Les points de discorde : entre tensions et enjeux

L’un des principaux points de discorde entre la Serbie et le Kosovo réside dans leur identité ethnique et religieuse. La population majoritairement albanaise du Kosovo a longtemps revendiqué son indépendance vis-à-vis de la Serbie, tandis que la Serbie considère le Kosovo comme une partie intégrante de son territoire. Ce sont ces tensions ethniques qui ont été exacerbées par des événements tragiques, tels que les conflits violents des années 1990 et les déplacements massifs de population, ou qui ressurgissent dans les tensions actuelles.

Sur le plan historique, le Kosovo occupe une place particulière dans le cœur de nombreux Serbes en raison de son importance culturelle et religieuse. La région est considérée comme le berceau de la nation serbe, étant le lieu de naissance de la bataille de Kosovo Polje en 1389. Cette bataille emblématique a façonné l’identité serbe et continue d’alimenter le sentiment nationaliste dans le pays.

Les facteurs politiques jouent également un rôle crucial dans la rivalité entre la Serbie et le Kosovo. Les dirigeants politiques des deux côtés ont souvent utilisé cette question comme une carte maîtresse pour consolider leur pouvoir et gagner le soutien de leur base électorale. Les négociations entre les deux parties ont été difficiles, et malgré les tentatives de médiation internationale, aucun accord définitif n’a été atteint jusqu’à présent, ni en 2013, avec la signature d’un accord de normalisation avec la Serbie qui avait marqué un signe de réchauffement dans les relations entre les deux pays, ni même avec l’accord verbal, obtenu en mars 2023, sous l’égide de l’UE, pour la mise en œuvre d’un accord de normalisation de leurs relations.

Des enjeux économiques, géopolitiques, européens, entrent également en jeu. Le Kosovo dispose de vastes réserves de minerais, ce qui suscite l’intérêt de nombreux acteurs internationaux. De plus, le processus d’adhésion à l’Union européenne est un enjeu majeur pour les deux parties, ce qui rend la résolution de la question du statut du Kosovo d’autant plus complexe. Rappelons que Pristina a déposé auprès de l’Union européenne sa candidature à l’adhésion le 15 décembre 2022, mais que l’indépendance du Kosovo n’est reconnue que par 22 des 27 pays de l’Union. En tout état de cause, lors de sa session plénière du 10 mai dernier, le Parlement européen a souligné que la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina est une priorité et une condition préalable à l’adhésion des deux pays à l’Union européenne (la Serbie avait, quant à elle, demandé son adhésion à l’UE le 19 décembre 2009 et le 1er mars 2012, le Conseil européen avait accordé à la Serbie le statut de pays candidat). Les députés demandent à la Serbie et au Kosovo d’obtenir sans délai un accord global et juridiquement contraignant sur la normalisation des relations fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle. Dans une résolution adoptée le 6 juillet 2022, les députés du Parlement européen avaient déjà appelé la Serbie « à réaliser des progrès en matière d’État de droit, de droits fondamentaux, de liberté d’expression, de renforcement du pluralisme des médias et de normalisation des relations avec le Kosovo. »

Des tensions à répétition

On avait déjà connu un an de guerre à la fin des années 1990 (1998-1999), puis à la fin de l’année 2022, on assistait à de nouvelles tensions. Ana Brnabic, la Première ministre serbe, avait mis en garde Pristina, le mercredi 21 décembre 2022, en déclarant :

« Nous devons faire de notre mieux, tous ensemble, pour essayer de préserver la paix. Nous sommes vraiment au bord du conflit armé à cause des mesures unilatérales de Pristina ».

Puis en 2023… Le nord du Kosovo fait face à un regain de tension. De nouvelles tensions, remontées d’un cran, lorsque Pristina a annoncé son intention d’organiser des élections dans des municipalités à majorité serbe. Avril 2023 : l’élection de maires organisée dans le nord du Kosovo, pour quatre municipalités majoritairement peuplées de Serbes. Des élections qui seront largement boycottées par ces Serbes, puisque seuls 1500 électeurs inscrits se déplaceront aux urnes, sur environ 45000 inscrits, soit un taux de participation n’excédant pas les 3,5 %. Mais ces édiles ont par la suite été intronisés et c’est la prise de fonction de ces maires albanais dans le nord du Kosovo qui a mis le feu aux poudres. Des protestations ont lieu le vendredi 26 mai 2023. La communauté serbe, majoritaire dans quatre villes, réclame le départ des maires albanais. Des manifestations qui se sont multipliées, exacerbant les divisions ethniques existantes. La situation s’est révélée très préoccupante, avec des affrontements sporadiques signalés entre les deux groupes. Ces manifestations ont été réprimées par la police kosovare, à l’aide de gaz lacrymogène. Des tensions et des heurts qui se sont poursuivis les jours suivants, faisant 30 blessés parmi les soldats de la force de l’OTAN. Ce sont donc ces scrutins municipaux qui ont déclenchés ce regain de tensions entre les autorités kosovares et les Serbes du Nord du pays. Les autorités locales et internationales ont cherché à calmer les esprits et à favoriser le dialogue pour résoudre ce différend.  

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La « responsabilité des autorités kosovares dans la situation actuelle » selon le président Emmanuel Macron

Le mercredi 31 mai, en visite d’État en Slovaquie, le président français Emmanuel Macron a dénoncé, lors d’une conférence de presse, « la responsabilité des autorités kosovares » dans l’aggravation de la situation : « Très clairement, il y a une responsabilité des autorités kosovares dans la situation actuelle et un non-respect d’un accord qui était pourtant important et qui avait été scellé il y a juste quelques semaines ». Il reproche aux autorités du pays d’avoir organisé cette prise de fonction des maires, à l’issue de scrutins qui ont été boycottés par les Serbes. « Nous avons très clairement signifié aux autorités kosovares que c’était une erreur de procéder à ces élections » a-t-il indiqué.

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Si le Kosovo est reconnu par la plupart des pays occidentaux, et par Israël récemment. Belgrade n’a jamais admis l’indépendance proclamée de son ancienne province en 2008. Le regain de tension n’est dès lors qu’un perpétuel recommencement … Les Serbes du Nord du pays restent fidèles à Belgrade et ne reconnaissent pas l’autorité de Pristina.

La mention écrite par Novak Djokovik, lors de son entrée en lice dans le tournoi de Roland-Garros, est venue rappeler cette tension. Après sa victoire contre Aleksandar Kovacevic, alors qu’il quittait le court Philippe-Chatrier, Djokovic a écrit en cyrillique sur l’objectif de la caméra, là où le vainqueur appose généralement sa signature : « Le Kosovo c’est le cœur de la Serbie ! Stop à la violence. »

A lire aussi : « Le Kosovo c’est le cœur de la Serbie » : pourquoi la déclaration de Djoko passe mal ?

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