Vendredi 12 juillet. Comme chaque année, les Protestants de Belfast défilent dans la capitale afin de célébrer la victoire, en 1690, de leur roi Guillaume III d’Orange sur les Catholiques portés par Jacques II. Et comme chaque année, pour ne pas rompre avec les traditions, la manifestation s’accompagne de violences interreligieuses.
Depuis maintenant trois nuits, les loyalistes de Belfast s’en prennent aux forces de l’ordre mobilisées pour interdire le passage de leur cortège dans un quartier catholique. Une célébration qui donne lieu chaque année à des débordements interconfessionnels. À cela, la réponse des manifestants orangistes n’a pas tardé puisque, depuis, les policiers font face à des jets de briques, de cocktails Molotov et autres projectiles à leur portée. Résultat, 32 policiers blessés dans la nuit de vendredi à samedi, sept de samedi à dimanche et un hier soir. Il semblerait donc que les balles en plastique utilisées par la police, dont l’effectif a pourtant été renforcé d’un millier d’hommes venus d’Angleterre et du Pays de Pays de Galles, ne suffisent à calmer les ardeurs des manifestants. Il en va de même de l’appel au calme lancé par le Premier ministre nord-irlandais Peter Robinson ce dimanche. Il déclarait : « Il est très important qu’on garde la tête froide dans ces circonstances et j’espère que la population se pliera aux appels et aux communiqués de l’Ordre d’Orange pour que les gens ne se livrent pas à la violence. » Mais le mal est profond. La province britannique ne se remet que très difficilement des années de violences interreligieuses. Trente ans de conflits qui ont entraîné la mort de 3 500 personnes. Et même si un accord de paix, dit du Vendredi saint, a été signé en 1998 partageant le pouvoir entre catholiques et protestants, des heurts sporadiques subsistent. A moins qu’une récente annonce ne change la donne.
La chute du mur de Belfast
Le gouvernement nord-irlandais s’est engagé le 9 mai dernier à détruire d’ici dix ans les murs divisant toujours à Belfast des quartiers protestants et catholiques. Des murs pouvant atteindre jusqu’à 5,5 mètres de haut, sur des douzaines de kilomètres. Ces « peace walls » (murs de la paix) sont le seul moyen trouvé par les politiciens pour protéger les habitants des menaces sectaires. D’après lapresse.ca, le gouvernement britannique est responsable de 47 « murs de paix » en Irlande du Nord, dont la grande majorité (36) dans les quartiers ouvriers de Belfast. Mais d’autres viennent s’ajouter à cette liste, construits par la ville ou par des associations. En tout, 88 murs, cloisons ou barrières défigurent la capitale nord-irlandaise selon Neil Jarman, directeur de l’Institute for Conflict Research. Le premier a été érigé en 1969, après un an de manifestations pour les droits civiques visant à protester contre les discriminations subies par les Catholiques. Le dernier en 2007…
Aujourd’hui encore, à certains endroits où les barbelés ne permettent pas d’empêcher l’envoi de projectiles, les habitants se plaignent de jets de pierres, de bouteilles, etc. Ces murs constituent donc tout un symbole. Celui de l’incapacité pour les autorités nord-irlandaises de maîtriser le conflit entre Protestants et Catholiques. Un accord a bien été signé mais d’après la police, les murs de paix valent la présence de plusieurs centaines de policiers. Finalement, ils ne permettent pas d’apaiser les tensions intercommunautaires, bien au contraire. Car on sait où se trouve l’ennemi. Pire, ils ne font qu’attiser une rancune, des tensions silencieuses mais profondes. Si le gouvernement se décide donc a (enfin) briser ce que j’appellerais, de façon plus appropriée, les « murs de la honte », un travail de longue haleine l’attend pour redonner aux deux parties le respect de l’Autre. Autant dire que c’est loin d’être gagné d’avance…