Suite et fin du dossier « Quel modèle économique durable pour le XXIème siècle ? » consacrée aux objectifs internationaux qui semblent se décider pour 2015, et qui pourrait faire de cette dernière une année clé pour l’avenir de notre planète.
Les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), censés être atteints en 2015, arriveront donc à expiration cette année-là. Ainsi, acteurs économiques et politiques internationaux préparent d’ores et déjà l’après-2015.
Lors du Sommet 2010 sur les OMD, les États Membres de l’ONU ont pris des mesures pour promouvoir le programme de développement au-delà de 2015. Ils organisent actuellement un processus de consultations ouvertes et participatives sur le programme pour préparer cette échéance.
Le Secrétaire général, Ban Ki-moon, a mis en place une Équipe spéciale du système des Nations Unies chargée de coordonner les préparatifs pour l’après-2015. Il a annoncé, en juillet 2012, le nom des 27 membres d’un Groupe de haut niveau pour le conseiller sur le développement mondial après 2015. Le Président de l’Indonésie Susilo Bambang Yudhoyono, la Présidente du Libéria Ellen Johnson Sirleaf, et le Premier ministre du Royaume-Uni David Cameron co-président ce Groupe de haut niveau, constitué par ailleurs de représentants de la société civile, du secteur privé et du secteur public. Ce Groupe d’experts réfléchit aux nouveaux défis du développement, tout en s’appuyant sur l’expérience acquise dans la réalisation des OMD. Il a tout récemment remis son rapport intitulé « Un nouveau partenariat mondial : Éradiquer la pauvreté et transformer les économies grâce au développement durable ». Il y indique un ordre du jour ambitieux et universel qui s’appuie sur les succès des OMD et la promotion du développement durable, la bonne gouvernance, les droits de l’homme et la création de nouvelles institutions.
D’autre part, deux plates-formes de discussions publiques sur le sujet sont déjà en marche :
- « MY world » : une enquête mondiale qui vous permet de communiquer aux Nations Unies les sujets les plus importants que vous aimeriez voir figurer sur l’agenda de l’après-2015.
- « 2015 : Le monde que nous voulons » : plate-forme pour participer à travers des consultations au processus de développement pour l’après-2015.
Cependant 2015 pourrait être véritablement un tournant, parce que pour la première fois en plus de 20 ans de négociations onusiennes, tous les pays, dont les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, (pays développés comme pays en développement), seront liés à un accord universel sur le climat, comme convenu à la Conférence des Parties (COP) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatique (CCNUCC ; UNFCCC en anglais) de Durban en 2011, soit la COP17.
La Conférence des parties de 2015 devra donc marquer une étape décisive dans ces négociations internationales, l’objectif étant que cet accord entre en application pour 2020, c’est-à-dire au moment où le protocole de Kyoto achèvera sa 3ème phase (2013-2020).
Le COP21, censé se dérouler en Europe de l’Ouest en raison d’une rotation continentale annuelle, aura lieu en France, candidat choisi en mai dernier par ses confrères. Une conférence préparatoire au COP21, présidé par Laurent Fabius, a déjà eu lieu le 17 juin, et a permis de faire un état des lieux et de définir les premières orientations de celle-ci.
Jeffrey Sachs, économiste américain, consultant spécial du secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon & enseignant à l’université de Columbia et à Harvard, voit dans cet accord la possibilité de lier les politiques de développement aux politiques climatiques, c’est-à-dire en faire un accord global sur le développement durable. Ce serait donc L’accord (avec un grand L) d’avenir ! (Voir interview de Jeffrey Sachs par l’IDDRI: https://www.youtube.com/watch?v=v-2lMfilDqQ&list=UUI6ytHCqw6aPQIlNhMw6w7A)
Le ministre français délégué au développement, Pascal Canfin, partage la vision de Jeffrey Sachs, et fera quant à lui parti de la direction du COP21 à Paris en 2015. Ce serait pour lui, comme pour tous les écologistes, l’occasion rêvée de fixer enfin un traité international, et surtout universel, sur le développement durable.
Ce traité pourrait donc déboucher sur un accord international d’un tout nouveau genre, à caractère universel et à valeur coercitive, ce qu’aucun traité international n’a encore jamais produit. Mais pour qu’un tel traité soit réellement efficace, il faudrait que ces mesures coercitives le soit vraiment. C’est-à-dire que si le projet est de fixer un unique marché du carbone avec des quotas d’émissions par secteurs d’activités, il ne faudrait pas que ces quotas soient trop larges pour répondre à la compétitivité économique. Non, la compétitivité doit être écartée des calculs, car si les quotas sont proportionnellement égaux pour chaque pays, selon les secteurs, alors elle resterait inchangée.
L’équité, c’est donc le pari d’un tel accord, qui sera le premier exemple en la matière. Il pourrait donc être un modèle pour le droit international de manière général, et répondre à permettre de répondre à beaucoup de sujets internationaux. Mais tout de même, soyons prudent. Car à en regarder simplement que l’historique du Protocole de Kyoto, on s’aperçoit que les Etats ont toujours fait le minimum nécessaire, en particulier les plus gros pollueurs. Et puis réduire les émissions de GES ne se fait pas avec quelques chiffres sur du papier, c’est aussi tout un mode de vie, un mode d’éducation, une manière de faire prendre conscience aux gens des dangers des changements climatique. En définitive la route est longue, et ne pourra que se résoudre par le droit.
Conclusion :
Quelle qu’en soit l’issue, les chantiers sont immenses, les possibilités d’action le sont donc autant. Pour l’heure, il faut s’accorder le fait qu’il faut agir maintenant. Les problèmes auxquels nous faisons face ne concernent pas que les générations futures, nous sommes les premiers visés. L’objectif 2015 semble être une occasion en or, saisissons-là, car le temps s’écoule et les marges de manœuvre se réduisent.
De notre génération va dépendre toutes les suivantes, nous avons donc un rôle crucial pour le développement humain et la protection de l’environnement, ainsi que pour l’avenir de l’humanité. Il est désormais temps de s’attaquer à ces chantiers. Pour cela il faut investir massivement dans nombres de ces projets. Les coûts sont immenses, mais bien inférieurs à ceux auxquels nous ferons face si nous ne faisons rien, et dont le changement climatique sera la première cause (sauf explosion nucléaire !).
Cette vision durable de l’économie peut-être à terme bien plus efficiente & rentable économiquement, tout en respectant l’environnement. Acteurs économiques et décideurs politiques doivent donc se presser, et se sentir sous pression. La réalité des changements climatiques est aujourd’hui telle qu’elle nous obligera à faire des concessions dont oser s’attaquer aux lobbys et restreindre nos libertés individuelles. « Je ne perdrai pas mon temps à essayer de prolonger ma vie » disait Claude Pujade Renaud. Nous ne devrions pas non plus, car nous pourrions y perdre beaucoup de temps. Mais si c’est pour prolonger celles de nos enfants, les nôtres auront au moins été utiles.