Science Po, Paris. L’école qui façonne les élites de demain. Le 21 et 22 Novembre se tient un colloque sur Les Mobilisations Citoyennes en Afrique, auquel sont présents bon nombre d’activistes et de militants du Congo, du Gabon, du Cameroun… Il n’a pas fallu longtemps pour que la France soit expressément pointée du doigt.
« Il n’y a pas simplement un problème Paul Biya au Cameroun. Il y a un problème avec la France. S’il n’y avait pas la France, Biya ne serait plus président depuis des lustres » lance le rappeur Valsero, qui est porte parole du mouvement Croire au Cameroun. « Nous avons le franc CFA, nous avons Bolloré qui contrôle les ports, le chemin de fer et maintenant les cinémas, nous avons l’ambassadeur de France qui a tellement de pouvoir, le PMU… tout cela est visible. La France s’est implantée comme un virus. Il est temps de jeter les bases de rapports sains, décolonisés. Vous serez de futurs dirigeants, vous devez réfléchir à cette responsabilité »
Une animosité à peine dissimulée. Ceux qui prennent la parole sont clairement révoltés. Et pour cause. Marc Ona Essingui, du mouvement Ça Suffit Comme Ça! qui opère au Gabon, clame: « Nous sommes une génération qui veut tourner la page des années 1960. La France et les autres nations occidentales devraient changer de logiciel. Depuis cinquante ans, la famille Bongo paupérise le pays, tue les intellectuels. Ce qui s’est passé au Gabon est dangereux pour le reste de l’Afrique centrale. Que peut on exiger maintenant de Joseph Kabila ? » En effet, l’homme est la tête de la République Démocratique du Congo depuis 2001, ayant repris les reines du pays après l’assassinat de son père, qui était lui même président. Son mandat se termine le 19 Décembre mais Kabila souhaite modifier la Constitution de manière à rester à la tête du pays indéfiniment.
La France Cautionne
Depuis toujours, la France cautionne le manquement aux droits qui ont lieu en Afrique. Tout le monde sait que les intérêts économiques passent avant tout semblant d’éthique. Le gouvernement Mitterrand était le plus fidèle allié du régime génocidaire Rwandais Habyarimana, Nicolas Sarkozy recevait le colonel Khaddafi en grandes pompes à l’Elysée, les gouvernements successifs soutiennent du bout de lèvres la continuité de la Présidence en famille Bongo au Gabon, même chose pour Idris Déby du Tchad en place depuis 1990…
Bien sûr, il n’est pas de la responsabilité de la France de décider qui gouverne ou non en Afrique, mais le soutien sans faille à des gouvernements autocratiques qui refusent l’alternance n’en est pas moins méprisable. Cela dit, cela ne surprend plus personne au vue des relations plus que cordiales entretenues avec les riches oligarchies d’Arabie Saoudite et du Qatar, qui ne sont pas non plus des exemples de démocratie…
Les mouvements citoyens comme un début de solution ?
« Y’en a Marre », « Ca Suffit comme Ca », « Balai Citoyen », « Filimbi », « Lucha », « Sofas », « Tournons la page » – tous ces mouvements ont émergés peu après les printemps arabes, et sont majoritairement portés par des jeunes, étudiants, citoyens, qui revendiquent tous un même désir, de voir les dirigeants crocodiles enfin partir et laisser leur place. A coup de manifestations, d’actes militants, et d’utilisation des réseaux sociaux, ils sont de plus en plus nombreux, déterminés et organisés. Ils se revendiquent en général d’un idéal Pan Africain et ont pour idoles les leaders assassinés Thomas Sankara et Patrice Lumumba.
Le mouvement Y’en A Marre, implanté au Sénégal, avait déjà fait gronder les rues de Dakar lorsque Abdoulaye Wade avait tenté désespérément de s’accrocher au pouvoir.
Reste à voir les portes que feront tomber ces protestations citoyennes dans le futur.