Erwan L’Eléout, rédacteur en chef de l’émission « Un jour, un destin », a sorti récemment une biographie consacrée à Renaud, Paradis Perdus, qui permet de mieux comprendre les raisons de la carrière sinusoïdale de l’artiste. Rencontre avec l’auteur du livre.
Radio VL : Beaucoup de biographies de Renaud ont déjà été publiées, qu’est-ce qui vous a amené à en écrire une également?
Erwan L’Eléout : Dans le cadre de l’émission « Un jour, un destin », on avait consacré une émission à Renaud. Suite à cette émission, j’ai eu envie d’exploiter ce sujet davantage, et cela a abouti à la réalisation de cette biographie.
RVL : Quels étaient vos objectifs avec cette biographie?
EL : Je souhaitais particulièrement axer cette biographie autour de la sincérité et de la vérité. J’ai réussi à avoir des témoignages de personnes qui ne parlent que très rarement, comme David, le frère jumeau de Renaud, ou Dominique, sa première femme. Dans ce bouquin, mon objectif était de partager des informations inédites, que l’on apprenne des choses que l’on avait jamais su auparavant. Au vu de la version finale, je pense que j’ai rempli mes objectifs.
RVL : Vous commencez ce livre en parlant de l’enfance de Renaud, pourquoi cette période est-elle si importante pour lui?
Il y a tout dans l’enfance de Renaud. L’enfance est pour lui un bonheur indépassable, le temps de l’innocence, qu’il cherche sans arrêt à retrouver, comme il le dit dans sa chanson Mon paradis perdus. A cette époque tout est possible, il est dans un cocon protecteur, très protégé par ses parents.
Mes ses parents sont aussi des personnes engagées, qui vont lui donner envie plus tard de s’engager également, notamment durant mai 68.
RVL : A l’époque de mai 68, et jusqu’au début des années 80, Renaud est dans une période contestataire, mais reste optimiste. Le concert de 1985 en Russie, déserté par des militants russes, correspond-il à la fin de ces illusions?
C’est un traumatisme pour lui, qui va correspondre également à une perte de repère politique, d’autant plus que cet événement a lieu dans le pays de son grand-père Oscar. A cela vient s’ajouter plusieurs décès très rapprochés de Gainsbourg, Desproges et Coluche. Ce sont trois personnalités très intelligentes, qui voulaient faire bouger les choses et qui nourrissaient l’imaginaire et la création de Renaud. Mais la fragilité et l’hypersensibilité de Renaud est aussi une force, elle lui permet de retranscrire avec une grande véracité les sentiments de l’époque. Dans mon HLM en est l’exemple typique, il parvient dans cette chanson à faire presque un rapport de sociologie, en nous parlant de racisme, de banlieue…
RVL : Comment peut-on expliquer le succès de Renaud?
Renaud parvient à transmettre de nombreuses choses au travers de ses chansons, il parvient à raconter des histoires en trois minutes, qui parlent à de nombreuses personnes. Son ancienne femme Dominique m’a appris que Renaud cogitait beaucoup, et qu’au moment où il estimait que tout était réuni il écrivait. Une chanson comme Mistral gagnant a été écrite en 20 minutes sur un paquet de cigarettes.
RVL : Pour l’écriture de cette biographie, avez-vous eu l’occasion d’être en contact avec lui?
J’ai croisé Renaud une fois à une fête mais je n’ai pas voulu le déranger. Je ne voulais pas être dans le voyeurisme, mais plus avoir le regard des personnes qui entourent Renaud. J’ai par contre appris qu’il avait eu l’occasion de lire la biographie et qu’il s’y était retrouvé.
RVL : On a l’impression que Renaud est à la recherche de l’amour, mais qu’il a peur du succès. Comment peut-on expliquer ce paradoxe?
EL : Il y a deux Renaud différents, celui sur scène et celui dans la vie de tous les jours. C’est aussi cela qui fait sa force.
RVL : Comment expliquer les distensions entre Renaud et son frère, Thierry Séchan ?
EL: Thierry Séchan est à la recherche de reconnaissance, il y a une forme de jalousie, car il aurait aimé être un artiste et il n’existe qu’à travers son frère, par les biographies qu’il écrit sur lui. Il y a une sorte de rapport schizophrique, Thierry Séchan vit à travers son frère.
RVL : Quels sont les enjeux de ce nouvel album?
EL : Il a beaucoup de détermination concernant ce nouvel album, c’est pour Renaud une étape très importante. Il est dans la même situation qu’en 2002, avec une longue période d’absence. Il a d’ailleurs de nouveau été enregistrer en Belgique pour être à l’abri des sollicitations. Ses proches souhaitent qu’il sorte un très bel album et cela prend du temps, surtout qu’il n’a pas chanté depuis des années.
RVL : Quel a été l’impact des attentats de janvier 2015 sur la décision de faire un nouvel album prise par Renaud?
EL : La mort de ses potes de Cabu et de Wolinski, mais aussi des autres victimes des attentats de janvier 2015, l’a beaucoup affecté et lui a inspiré deux chansons. C’est quelque chose de tellement révoltant que cela lui a donné à nouveau envie de chanter, pour continuer sa lutte. Selon son frère David, plusieurs chansons du nouvel album vont faire du bruit. Le Renaud qu’on va retrouver sur le nouveau album est celui que l’on a pas entendu depuis longtemps, on retrouvera probablement le Renaud contestataire. On peut s’attendre à ce qu’il apporte un regard entre colère et tendresse.
