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ROMEO ET JULIETTE AU CŒUR DE LA MAFIA ITALIENNE

                 Se joue actuellement au théâtre de la porte St Martin, un Roméo et Juliette pas comme les autres ! Après 40 ans d’absence sur les planches des théâtres privés la plus célèbre des pièces de Shakespeare revient dans une mise en scène de Nicolas Briançon avec Ana Girardot et Niels Schneider dans le rôle du couple mythique. La question était de savoir comment jouer cette pièce aujourd’hui et Nicolas Briançon apporte sa réponse : un Roméo et Juliette dans le milieu de la mafia italienne des années 50.

Un esthétisme recherché
C’est en effet dans une atmosphère de Camorra, que se déroule l’œuvre shakespearienne. A cette fin Nicolas Briançon a mobilisé une troupe nombreuse (une vingtaine d’acteurs) qui donne du relief à la pièce, notamment les scènes rassemblant Capulet et Montaigu, les quelques bagarres ou la fameuse scène du bal, où débarque alors sur les planches un grand nombre d’acteurs. Ajoutons à cela cinq musiciens qui non seulement jouent les airs de la pièce, mais sont aussi présents sur scène donnant alors une nouvelle aura à la musique au théâtre, trop souvent délaissée par de nombreux réalisateurs alors que cette dernière peut comme ici amener une coloration nouvelle. En parlant de couleurs justement, les décors sont sobres et résolument dans l’esthétique moderne. Ces grands pans tout de gris vêtus sont déplacés bien souvent par les acteurs et cela est parfaitement intégrés au jeu scénique. Ces mêmes décors servent tant à représenter l’intérieur d’une chambre ou de la salle de bal, que les hautes murailles des propriétés. S’ils sont sobres et épurés, l’esthétique de la pièce n’en est en rien appauvrie, tout au contraire grâce notamment à un magnifique jeu d’éclairage, notons particulièrement la scène finale du caveau où des dizaines de bougies sont allumées et un écho mis en place via un système de micro : frappant de réalité ! Enfin, on ne peut aborder les décors de Roméo et Juliette sans penser au balcon d’où Juliette déclare, son amour à Roméo. Et bien justement il n’y a pas de balcon ! A la place Nicolas Briançon installe Juliette sur son lit, à genoux, et Roméo se retrouve debout à côté des spectateurs du premier rang, manière fine de repenser la scène sans casser cette hauteur nécessaire au jeu des acteurs.

Une troupe nombreuse

Un jeu d’acteur beau mais parfois froid
La troupe est dans son ensemble bonne, leurs jeux de gestes ou de regards étant toujours bien accordés, notons tout de même quelques cafouillages parfois de la part de personnages secondaires. Le couple assure avec professionnalisme leur rôle, mais manque parfois à nous transmettre leurs émotions. Niels Schneider (Roméo) passe aisément du registre de l’amoureux désespéré à celui du garçon enjoué et comblé, sa voix rauque et son visage angevin facilitant le tout. Quant à Ana Girardot (Juliette) si elle joue bien l’ingénue amoureuse elle réussit moins dans les moments de conflits avec les parents. La nourrice, jouée par Valérie Mairesse, est parfois un peu trop sur le registre de la comédie faisant oublier que la pièce est à l’origine dramatique, preuve en est de quelques rires du public à des moments peu opportuns (lorsqu’elle court chercher Roméo et se fait embarquer par les amis de ce dernier). Chapeau bas en revanche à Bernard Malaka qui joue un frère Laurent en parfait accord avec l’adaptation de la pièce. En effet, son jeu semble assez éloigné de celui qui conviendrait au frère de la version première de Shakespeare mais il s’intègre en revanche avec génie dans cette mise en scène, alternant entre des postures moralistes et de complaintes ou encore d’encouragements; tout en conservant le discours original, vraiment très bon.
Toutefois, un vrai reproche sur les scènes de bagarres ou de duels où le jeu est trop centré sur l’objet du couteau donnant parfois un rendu qui perd en cohérence. Notamment le duel entre Mercutio (Dimitri Storoge) et Tybalt (Brian Polach) où tant le regard que les postures sont axés sur le déplacement des lames à la manière d’une série B.

Au final si cette pièce procure plus de désir, celui de la voir, que d’extase, elle reste une belle adaptation contemporaine de la plus célèbre des histoires d’amours occidentales. Pièce à voir, non pas absolument, mais pour un moment de plaisir véritable.

 Cédric Fuentes

 

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