La ministre de l’Ecologie Ségolène Royal fait la Une de L’Express d’aujourd’hui. On l’y voit tout sourire avec un titre provocant : « l’emmerdeuse ». De quoi déclencher l’ire de la gauche et susciter une polémique qui pourrait bien faire grimper les ventes de l’hebdomadaire.
Le dernier numéro de L’Express est à peine paru qu’il fait déjà couler beaucoup d’encre. Et pour cause : en présentant sur sa Une Ségolène Royal, l’actuelle ministre de l’Ecologie, accompagnée du qualificatif « emmerdeuse », le journal a frappé fort. Et déclenché la polémique.
Levée de boucliers politiques
Sexiste, dégradante, choquante… la classe politique socialiste ne manque pas d’attributs pour décrire la Une de L’Express. Tout d’abord de nombreuses femmes se sont insurgées contre ce manque de considération pour la Ministre. Pour Elisabeth Guigou, « cette Une, vulgaire et injuste, est une insulte à toutes les femmes ». Et pour Laura Slimani, présidente de Jeunes Socialistes et conseillère municipale de Rouen, elle n’est que l’expression du « sexisme d’arrière-garde » de la rédaction de L’Express. Quant à Marie-Pierre de la Gontrie, ancienne adjointe de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris, elle met en évidence le fait qu’on pardonne moins de choses aux femmes qui sont au pouvoir. En effet, selon elle, « dès qu’une femme (politique) s’exprime avec force, c’est soit une emmerdeuse, soit une hystérique, soit parce qu’elle a mauvais caractère ».
Mais la Une de L’Express, sujet qui prête à controverse, ne révolte pas seulement la gente féminine. Ainsi, Guillaume Garot, député PS de la Mayenne, et venu au secours de sa consœur et a regretté sur Twitter que « les clichés sur les femmes [aient] la vie dure ». Et le Premier ministre lui-même s’est exprimé ce matin sur BFMTV, dénonçant au micro de Jean-Jacques Bourdin combien cette Une était « dégradante pour notre vie politique ». Avant d’ajouter : « j’apprécie l’action de Ségolène Royal à nos côtés ».
Enfin Ségolène Royal, la première intéressée, a jugé un « manque de respect inutile ». En somme, cette Une a provoqué un tollé général parmi la gauche. Et pourtant…
« Emmerdeuse » : un compliment… qui vient de son camp !
Si on pensait que la rédaction de L’Express avait ainsi traitée Ségolène Royal d’« emmerdeuse » parce qu’elle a, depuis sa prise de fonctions à l’Hôtel Roquelaure en avril dernier, interdit les décolletés au sein de son ministère de l’Ecologie, a priori là n’est pas la raison. Attaqué de toutes parts, le directeur de la rédaction Christophe Barbier s’est défendu de toute attaque personnelle dans une vidéo. Il y plaide : « Ségolène Royal l’emmerdeuse, c’est un compliment. Parce qu’elle empêche de tourner en rond tous ceux qui faisaient leurs petites affaires dans leur coin […] Royal, c’est un tigre dans le moteur du pouvoir. Alors évidemment, un tigre ça donne des coups de griffe, un tigre ça dérange ». En somme, pour l’homme à la fameuse écharpe rouge, l’ex-candidate à la présidentielle de 2007 « agace mais elle avance ». Et rappelle qu’il l’a souvent soutenu dans ses actions, notamment l’écotaxe, par le biais de ses éditos.
La vidéo de Christophe Barbier :
Ségolène Royal, l’emmerdeuse: la une de l… par LEXPRESS
Qui plus est, cet adjectif décrié d’« emmerdeuse » n’est rien d’autre que le propos d’un ténor du PS cité dans l’article illustré par cette Une. Une manière de souligner la pugnacité de la politicienne qui fut, pendant plus de vingt ans, la compagne du Président François Hollande. D’ailleurs, « emmerdeuse » n’est, semble-t-il, pas toujours péjoratif puisque l’ancien chef d’Etat Jacques Chirac avait ainsi parlé de Nathalie Kosciusko-Morizet, dont il s’était pourtant fait le mentor. Preuve qu’être « emmerdante » est une qualité recherchée dans le milieu politique…
L’Express coutumier du fait
Mais le journal a beau se défendre de cette Une tapageuse, il n’en est pas à son coup d’essai. Auparavant, en avril 2013, L’Express n’avait pas ménagé François Hollande en le qualifiant de « Monsieur Faible ». Nicolas Sarkozy aussi avait été épinglé avec cette phrase choc « pourquoi il suscite la haine ». Et Christine Lagarde, présidente du FMI, avait été affublée, en octobre 2007, d’une interrogation tape-à-l’oeil : « potiche ou fortiche? ». Bref, à L’Express, c’est une tradition de faire des Unes qui interpellent, voire même troublent le lecteur. En effet, ce procédé à l’éthique sûrement discutable permet aux ventes de décoller. Ainsi, dans les kiosques, au rayon des newsmagazines, seul L’Express voit ses ventes se stabiliser, tandis que le Nouvel Observateur, Marianne et Le Point sont plutôt orientés à la baisse.
Pourtant ces deux derniers titres ont bien tenté d’exploiter le filon de la Une virulente. On peut ainsi citer la couverture du Point consacrée à François Bayrou, désigné comme un « emmerdeur » pour avoir prédit la catastrophe de la dette française. Ce qui fait mentir Manuel Valls qui avait certifié, ce matin sur BFMTV, qu’il n’était « pas sûr qu’on retrouve cette même Une à l’égard d’un homme ».