Sébastien Lecornu a remis sa démission à Emmanuel Macron ce lundi, après seulement 27 jours à Matignon. Il s’agit du plus court mandat de Premier ministre sous la Ve République. Malgré l’acceptation de son départ, le président lui a demandé de poursuivre « d’ici mercredi soir d’ultimes négociations ». Sébastien Lecornu a évoqué plusieurs raisons pour expliquer ce choix soudain.
Un passage éclair à Matignon
Sébastien Lecornu est arrivé à Matignon avec l’ambition d’instaurer une rupture politique. Malgré ses bonnes intentions, il a rapidement déçu ceux qui attendaient un vrai changement. Le gouvernement Lecornu, présenté comme une continuité macroniste, comprenait plusieurs figures bien connues, notamment Bruno Le Maire. Après seulement 27 jours en poste, et un gouvernement qui a tenu à peine 12 heures avant d’exploser, Lecornu a décidé de démissionner.
En annonçant sa démission, Sébastien Lecornu a tenté d’expliquer un choix aussi rapide que surprenant. Depuis le perron de l’hôtel du Premier ministre, il a déclaré que « les conditions n’étaient plus réunies » pour exercer correctement sa mission. Une mission qu’il voulait justement différente des précédentes. Sébastien Lecornu ne souhaitait pas utiliser l’article 49.3. À la place, il avait fait le pari de la concertation et du débat parlementaire.
Mais cette volonté de changement n’a pas eu l’écho espéré. D’après lui, sa main tendue n’a pas été perçue comme un vrai tournant, mais plutôt comme un signe d’hésitation, voire de faiblesse. Les partis, qu’ils soient de droite ou de gauche, n’auraient pas saisi le message. Ce manque de reconnaissance de sa démarche, ou cette incompréhension, ont été parmi les éléments clés qui l’ont poussé à jeter l’éponge.
Trois motifs cités par Lecornu
Selon les déclarations de Sébastien Lecornu, trois éléments ont pesé dans sa décision :
- L’échec du pari sur le renoncement au 49.3
En choisissant de renoncer à l’usage de l’article 49.3 de la Constitution (qui permet de faire adopter un texte sans vote), Sébastien Lecornu a voulu ouvrir davantage le débat parlementaire. Cependant, il estime que ce geste n’a pas été perçu comme un véritable changement. Les formations politiques ont continué à menacer de censurer le gouvernement.
- Une posture de majorité absolue de la part des partis
Sébastien Lecornu a dénoncé une attitude dans laquelle chaque formation politique, qu’elle soit du socle gouvernemental ou de l’opposition, agit comme si elle détenait la majorité absolue à l’Assemblée. Il se retrouve dans une impasse, prêt à négocier, mais confronté à des exigences maximales de chaque côté.
- Une composition gouvernementale instable
Sébastien Lecornu a pointé le manque de fluidité dans la constitution du gouvernement. Des appétits partisans se sont réveillés, des lignes rouges se sont durcies, rendant le compromis difficile.
La droite républicaine, fausse alliée ?
Bruno Retailleau, chef des Républicains, avait dans un premier temps donné son feu vert à une « participation exigeante » de son parti au sein du nouveau gouvernement. Une ouverture que Sébastien Lecornu espérait concrétiser en nommant Retailleau au ministère de l’Intérieur, symbole d’un rapprochement avec une droite constructive.
Mais cette main tendue n’a pas reçu l’accueil espéré. La base parlementaire de LR restait très divisée, et plusieurs voix internes s’élevaient déjà contre une participation à un gouvernement jugé trop proche de la ligne macroniste. Dès les premiers signaux de tensions, Lecornu s’est donc retrouvé face à une droite méfiante, instable, et prête à se désolidariser à la moindre contrariété. Le point de rupture semble avoir été la nomination surprise de Bruno Le Maire aux Armées, une décision que Retailleau a perçue comme un signal négatif : celui d’un retour aux dérives budgétaires des dernières années. Pire encore, Retailleau a affirmé ne pas avoir été informé de cette nomination, y voyant un problème de confiance majeur.
Très vite, celui qui devait incarner l’ouverture s’est transformé en facteur de division. Il a publiquement contesté les choix de composition du gouvernement, notamment le déséquilibre flagrant dans la répartition des portefeuilles : 10 ministres issus de Renaissance pour seulement 4 représentants LR. Aux yeux de Retailleau, ce déséquilibre ne correspondait en rien à une véritable coalition.
Une démission qui secoue la classe politique
La démission express de Sébastien Lecornu a immédiatement provoqué une vague de réactions dans le paysage politique. À gauche, plusieurs voix notamment celle d’Olivier Faure, patron du Parti socialiste ont salué un départ « digne », tout en appelant Emmanuel Macron à nommer un Premier ministre issu des rangs de la gauche. D’autres, comme La France insoumise ou le Rassemblement national, demandent une dissolution immédiate de l’Assemblée nationale, estimant que la crise actuelle illustre l’échec du pouvoir à gouverner sans majorité claire.
Du côté de la majorité présidentielle, le malaise est palpable. Cette séquence marque un nouveau revers pour Emmanuel Macron, qui peine à stabiliser son gouvernement. La stratégie du « en même temps », qui vise à rassembler au centre droit et au centre gauche, semble désormais à bout de souffle.
Plusieurs scénarios sont désormais sur la table : la nomination d’un Premier ministre plus consensuel, la tentative de former un nouveau gouvernement resserré… voire, en dernier recours, le pari risqué d’une dissolution. D’ici là, Emmanuel Macron a chargé Sébastien Lecornu de mener d’ultimes négociations jusqu’à mercredi soir.