Ça y est, il est enfin arrivé ! Spectre, 24e opus des aventures de James Bond, vient de sortir en France au cinéma. Ce nouvel épisode était attendu au tournant, tant par la critique que le public, car son prédécesseur, Skyfall, fut un véritable triomphe planétaire et un succès commercial d’envergure – il dépassa le milliard de dollars au box-office mondial, devenant ainsi le film le plus rentable de la franchise. La société EON Productions n’a pas perdu la main et place la barre très haut avec son tout dernier bijou. Spectre est un long-métrage primordial dans la filmographie James Bond, parce qu’il renoue avec l’héritage de la franchise tout en l’innovant avec maestria. En quoi peut-on donc dire que Spectre constitue la quintessence de la saga James Bond, en alliant brillamment tradition et modernité ? (pas très originale comme problématique, mais plutôt efficace)
Pour commencer, voici un bref résumé de l’intrigue de Spectre : à Mexico, pendant la fête des Morts, James Bond tente de mettre la main sur un certain Sciarra, que M lui avait demandé d’assassiner avant de mourir. 007 le tue et se fait mettre à pied par le nouveau M, qui voit d’un mauvais oeil l’arrivée de C, qui veut mettre fin au programme 00. Bond passe outre les ordres et se rend à Rome pour assister aux obsèques de Sciarra. Il rencontre Lucia, sa veuve, qui lui donne des informations sur une réunion secrète du Spectre, une organisation criminelle. Bond s’y rend et se fait repérer par le chef de l’organisation…
S’il n’est pas aussi puissant et vertigineux que Skyfall, Spectre n’en demeure pas moins un excellent James Bond, peut-être l’un des meilleurs de la période Daniel Craig. Sam Mendes, le cinéaste oscarisé d’American Beauty, apporte une nouvelle fois une profondeur et une gravité inédite à 007, tout en réintégrant les conventions majeures de la saga. L’histoire démarre sur les chapeaux de roue avec un pré-générique splendide et haletant dont une partie est filmé en un magnifique plan-séquence. En pleine fête des morts à Mexico, James Bond, déguisé en squelette, se glisse dans la foule au bras d’une demoiselle qu’il finit par abandonner pour éliminer un tueur… s’ensuit une course-poursuite magistrale s’achevant dans un hélicoptère menaçant de s’écraser sur une foule. Cela faisait plusieurs années qu’une introduction n’avait pas été aussi soignée et personnalisée – la reconstitution de la célébration du jour des morts est superbe.
Le générique lui, est absolument magnifique et surpasse même celui de Skyfall sur les plans esthétique et visuel. Dans la lignée de son auguste prédécesseur, il présente une morphologie relativement macabre et insiste sur l’omniprésence du SPECTRE dans la vie de James Bond, tout en suggérant qu’il est la cause de tous ses malheurs – en témoignent les images de son passé, englouties dans une épaisse fumée noire. Le spectateur assiste à un véritable festival de couleurs tantôt incandescentes, tantôt sépulcrales, relevées de pantomimes érotiques travaillées. Des corps de femmes sont enveloppés de manière extrêmement sensuelle par des poulpes, des chevelures se métamorphosent en nuages tentaculaires, tandis qu’une pieuvre gigantesque à tête de mort garde un œil omnipotent sur cette bacchanale. Ce générique est rythmé par une sublime chanson écrite et interprétée par Sam Smith : Writing’s on the Wall. Il était évident que la nouvelle chanson-titre ne pourrait que souffrir de la comparaison avec Skyfall, succès phénoménal qui a su conquérir le cœur du public et qui valut un Oscar à Adele. Avec Writing’s on the Wall, on retrouve les traditionnels violons de l’époque de John Barry et quelques notes de piano bien marquées, typiques des chanson de la saga. Les bandes originales de James Bond peuvent garder la tête haute.
Comme tout film de James Bond qui se respecte, Spectre présente une bonne série de scènes d’action et de course-poursuites spectaculaires, filmées avec sécheresse et fermeté. Ces exactions nous entraînent vers de somptueux paysages dans les rues déserte de Rome et sur les bords du Tibre, dans les Alpes autrichiennes, puis dans le désert algérien, avec une qualité d’image inégalable. Avec Spectre on retrouve également un registre comique qui était presque absent des trois autres films de Daniel Craig, nous permettant ainsi de redécouvrir l’humour à la britannique si représentatif de la saga et faisant gentiment écho à l’ère Roger Moore. À ce titre, la scène où Bond s’échappe à l’aide d’une montre explosive, rappelle les gadgets fantasques de cette même période.
À l’image de Skyfall, Spectre insiste sur l’obsolescence de James Bond, mais également sur celle des agents 00 en général. Depuis Casino Royale, les créateurs de la saga ont démontré leur volonté de créer un personnage plus réaliste et plus humain que dans les vingt premiers films. Si le James Bond de Daniel Craig est plus violent et impulsif, justifiant ainsi le surnom de « brute de décoffrage » que de nombreux fans lui ont attribué, il est pourtant bien plus faible que ses prédécesseurs et cède au doute et à la peur… Spectre insiste très lourdement sur cette fragilité en évoquant régulièrement les anciens démons qui tourmentent l’agent secret : la mort de son seul véritable amour, Vesper Lynd, ainsi que celle de son ancien supérieur M.
Que ce soit sur le plan scénaristique ou diégétique, Spectre est calqué sur le modèle classique des films de James Bond avec un schéma narratif relativement simple : une situation initiale, un élément perturbateur, diverses péripéties lors desquelles James Bond échappe miraculeusement à la mort, une conclusion et une situation finale mettant en scène 007 et sa dernière conquête. Fait important, Spectre est le premier film depuis Meurs un autre jour (2002), à présenter officiellement tous les personnages clés du MI6, à savoir : M, supérieur hiérarchique de Bond ; Q, responsable de la section recherche et développement ; et Eve Moneypenny, charmante secrétaire de M – à noter que pour la toute première fois depuis la création de la saga, on évoque clairement la vie sentimentale de Miss Moneypenny, qui s’affranchit ainsi de son éternel statut de vieille fille. Ces trois personnages possèdent un véritable rôle dans le film et sont présents sur la totalité du scénario, ce qui rompt passablement avec les codes habituels.
Comme son titre l’indique, le film marque le grand retour du SPECTRE, 44 ans après Les diamants sont éternels (1971). Depuis le reboot de la franchise amorcé avec Casino Royale (2006), c’est la première fois que James Bond s’y retrouve confronté. Il s’agit d’une organisation criminelle secrète internationale et extrêmement dangereuse, dont les secteurs d’activité sont l’espionnage, le contre-espionnage, le terrorisme, la rétorsion et l’extorsion. Naturellement, le retour du SPECTRE ne pouvait se faire sans celui de son leader, le redoutable Ernst Stavro Blofeld, grand ennemi des premières aventures de James Bond, qui avait été interprété par Donald Pleasance, Telly Savalas et Charles Gray. Dans Spectre, c’est l’autrichien Christoph Waltz, acteur doublement oscarisé pour ses rôles dans des films de Tarantino, qui lui prête ses traits.
L’interprétation de Waltz rompt radicalement avec la personnalité de l’ancien Blofeld. Il délaisse le génie diabolique calme et inquiétant des premiers films, et incarne un psychopathe complètement tordu et bourré de complexes psychologiques. Lors d’une séquence primordiale du film, le grand méchant dévoile sa véritable identité juste après avoir caressé furtivement un chat angora blanc. Tout fan qui se respecte aura alors deviné qui il est réellement… Dans Spectre, Blofeld a établi son quartier général au cœur d’un cratère provoqué par la collision d’une météorite – de toute évidence, le choix de l’emplacement fait écho au cinquième film de la saga, On ne vit que deux fois, dans lequel Blofeld avait fait construire la base du SPECTRE dans le cratère d’un volcan.
En ce qui concerne le reste du casting, l’apparition de Monica Bellucci est malheureusement trop courte et c’est bien dommage. Avec sa sensualité impassible et son éternelle féminité, Bellucci a l’âme d’une authentique James Bond girl et il aurait été agréable de la voir un peu plus… Qu’à cela ne tienne, bravo à l’actrice, qui, grâce à son jeu et à son naturel, apporte un peu de douceur et de tendresse dans ce monde de brutes. Du haut de ses 51 ans, elle devient la James Bond girl la plus âgée – le record ayant longtemps été détenu par Honor Blackman, alias Pussy Galore dans l’inoubliable Goldfinger, qui avait 39 ans à l’époque du film.
En revanche, Léa Seydoux, fidèle à elle-même, livre une prestation fade et sans bien grand intérêt. Un visage stoïque dénué d’expression, une dégaine de poissonnière et un manque de charisme indiscutable… Mademoiselle Gaumont-Pathé fait bien pâle figure comparées aux anciennes James Bond girls françaises telles Claudine Auger, Corrine Cléry, Carole Bouquet, Sophie Marceau ou encore Eva Green. Cependant, son personnage s’inscrit bien dans l’histoire du film et met en lumière les faiblesses de James Bond…
Le personnage interprété par David Bautista est l’homme de main archétypal des films de James Bond : un homme grand, imposant, aux solides mensurations et à la mine patibulaire, dont le caractère antipathique attire le mépris du public. Sa carrure titanesque, sa force herculéenne et son manque d’éloquence notoire rappellent les plus grands méchants secondaires de la saga comme Oddjob dans Goldfinger (1964), Jaws dans L’espion qui m’aimait et Moonraker (1977-1979), Gobinda dans Octopussy (1983), etc.
Après trois longues années d’absence au Cinéma, James Bond est enfin de retour et il ne faillit pas à sa mission ! Pendant plus de deux heures, Spectre nous en met plein la vue et revisite avec brio les codes de l’une des franchises les plus longues de l’histoire du Cinéma. Ne perdez pas de temps et allez vite le voir, vous ne serez pas déçus !