Depuis l’été 2015, Vincent Bolloré est devenu le président du conseil de surveillance du groupe Vivendi propriétaire de Canal+. Il n’a pas tardé à mettre en place sa stratégie en plaçant ses hommes aux postes-clés du groupe. Dès le 2 septembre 2015, il s’octroie le poste de président du directoire de Canal + à la place Bertrand Méheut. Mais sa stratégie est loin d’atteindre les objectifs espérés : audience en claire en chute libre, perte des abonnés, valse des animateurs et des cadres du groupe, perte de droits sportifs, indépendance éditoriale menacée selon les syndicats, refus de l’autorité de la concurrence de l’accord Canal/BeIn Sport… Rien ne va plus dans l’un des plus grands groupes de télévision français.
Un déficit d’offre
Le groupe Canal+ devrait perdre plus de 400 000 abonnés en 2016. Premièrement, cette chute s’explique par l’impression d’une réduction de l’offre de programmes proposés aux téléspectateurs. L’arrivée de Vincent Bolloré à la tête de la chaîne a entraîné une réduction des plages de diffusion en clair. Les abonnés ont donc immédiatement vu la diminution de l’offre de programmes de flux sur la chaîne sans observer les nouveautés pour les remplacer. La perte des droits sportifs du championnat de football anglais de Première League et le refus de l’accord Canal/BeIn Sport par l’autorité de la concurrence furent des coups de massue pour le groupe qui n’a pas pu augmenter son offre sportive proposée aux abonnés. Deuxièmement, la valse des animateurs qui ont changé d’émission pendant l’été a contribué à désarçonner les habitudes des téléspectateurs. Fin septembre 2015, l’audience de toutes les émissions en clair était en baisse par rapport à l’année précédente.
En 2014 avant les nombreux changements de l’actionnaire, les tranches en clair rapportaient 143 millions d’euros de recettes à Canal+ grâce à la publicité. Mais cette année à cause des modifications impulsées par Vincent Bolloré, les tranches en clair accusent un déficit pour la première fois depuis des années. Même les programmes passés du clair au crypté souffrent. Le passage en crypté et le changement d’auteurs des Guignols de l’info ont fait perdre au programme plus de 2/3 de ses téléspectateurs. La diminution du clair entraîne également une diminution de la reprise d’extraits d’émissions de la chaîne sur les réseaux sociaux. Et Vincent Bolloré ne veut pas s’arrêter là. A la rentrée, il souhaite réduire la part du clair à « une ou deux heures par jour« . Troisièmement, la chaîne est en mal d’incarnations. Le départs de nombreux animateurs et commentateurs sportifs (Yann Barthès, Maïtena Biraben, Ali Baddou, Thomas Thouroude, Ophélie Meunier, Guy Roux, Christophe Dugarry…) ainsi que l’arrêt du supplément et le transfert de nombreuses émissions sur D8 (la nouvelle édition, salut les terriens, le tube…) risquent de fragiliser encore un peu plus l’audience de la chaîne et ses recettes publicitaires sans forcément attirer de nouveaux abonnés.
La fin de « l’esprit Canal »
Les probables interventions de Vincent Bolloré dans la ligne éditoriale de Canal+ ont fragilisé « l’esprit Canal ». Dès son arrivée, Vincent Bolloré a voulu supprimer les Guignols qui participaient depuis 1988 à la fameuse impertinence de la chaîne. Face à la fronde des téléspectateurs, le patron de la chaîne a été obligé de maintenir le programme à l’antenne. Néanmoins, son passage en crypté et le remerciement des auteurs historiques ont fait disparaître le programme des écrans radars. Les critiques assassinent des téléspectateurs et l’audience en baisse pourrait condamner définitivement l’avenir du programme.
Les Guignols ne sont pas le seul fait d’arme de Vincent Bolloré. Il est accusé de censure par l’équipe du magazine d’investigation de la chaîne. En septembre dernier, la chaîne a refusé la diffusion d’une enquête sur le crédit mutuel qui a dû être diffusé sur France 3. De même, Jean-Baptiste Rivoire, le présentateur de Spécial Investigation, a affirmé aux équipes d’arrêt sur image que beaucoup de sujets d’enquêtes ont été refusés depuis l’arrivée de Vincent Bolloré à la tête de la chaîne. Même Yann Barthès, figure de l’impertinence sur la chaîne, a décidé de faire ses cartons pour rejoindre le groupe TF1. Or, l’image de marque de la chaîne et ce célèbre « esprit Canal » motivaient certains téléspectateurs à s’abonner à la chaîne. Et l’arrivée de Cyril Hanouna et de ses productions sur la chaîne n’est pas gage d’audience car le public de Canal+ est composé d’une large part de CSP+ qu’il n’a pas réussi à convaincre sur Europe 1 avec son émission Les pieds dans le plat lorsqu’il était sur Europe 1.
Une concurrence féroce
Les concurrents de Canal+ se multiplient depuis quelques années. L’arrivée de Netflix en France et de BeIn Sports peut expliquer une partie de la baisse des abonnés du groupe Canal+. Pour deux fois moins cher que le bouquet Canal+, les téléspectateurs peuvent accéder à une large offre de sport, de séries et de films. Dernièrement, c’est SFR qui s’est lancé sur les terres de Canal+ avec l’achat des droits du championnat de Première League anglais. Comment dans ce contexte la chaîne Canal+ peut-elle encore se différencier en proposant une offre prenium qui justifierait son prix ? Les tarifs du bouquet Canal+ atteignent près de 40€ par mois. Ils sont peut-être excessifs au vu de la concurrence sur le marché de la télévision payante aujourd’hui.
Mais Vincent Bolloré n’a pas dit son dernier mot. Il prépare en secret la grille de rentrée de la chaîne qui dévoilera mieux sa stratégie pour les années à venir. Seul point positif dans le premier bilan de son action : le passage de nombreuses émissions de Canal+ sur D8 pourrait booster les audiences de la première chaîne de la TNT dont l’objectif est de concurrencer M6 et d’atteindre 10% de part de marché.