Certaines personnes naissent avec une faculté extraordinaire : celle de voir les sons et d’entendre les couleurs. Cette aptitude peut être retrouvée de manière temporaire par la prise d’un acide comme le LSD, mais loin de moi l’idée de vous dire que les synesthètes —leur dénomination médicale— sont des chanceux, il faut pour autant avouer que cette particularité génétique a de quoi intriguer. Pour certains compositeurs ou interprètes, les notes de musique possèdent même le pouvoir de déclencher des couleurs.
Selon l’Association américaine de synesthésie, au moins 5 % de la population mondiale présente ce genre de particularité. Non, non vous ne rêvez pas, nous ne sommes pas plongés dans une énième aventure des X-Men. Pour ainsi dire, il est compréhensible que ce don rarissime, dont on se sait encore que très peu de chose, soit enclin à devenir une source d’interrogation et d’inspiration pour les artistes de tout temps. Reportage.
La rédaction a eu l’agréable surprise de tomber sur les travaux d’Andrei Prokopenko —aka Abey sous son nom d’emprunt, ou d’éternel inadapté, c’est selon. Et quelle découverte. Cet étudiant de 22 ans en arts graphiques dans une prestigieuse école parisienne est à l’origine d’un travail novateur, dont la principale motivation reste un amour incurable pour la musique. Son but : utiliser les avancées technologiques pour la création de visuels automatisés transcrivant le son.
Voir la musique, être immergé en elle.
Pour représenter son projet, Andrei choisi un son vibrant et atypique, nourrit d’oscillateurs et de voix grisonnantes— sélectionnés avec soin parmi les dix mille morceaux de sa bibliothèque —What is What de NEUS. D’ailleurs, il s’est lui même chargé d’adapter le morceau pour sa vidéo, en profitant du concours de remix organisé par le producteur français pour récolter les samples en haute qualité. Il se présente comme un passionné mais son travail traduit un fanatisme pour le psychédélique et les hallucinations. Andrei s’interroge : Est-il possible de créer un code qui transcrit une musique au niveau du ressenti?
Et que dire? Au delà de la performance technique, on perçoit dans ces images entrecoupées avec soin, un jeu de lumière en onde complètement dépaysant, le tout évoluant autour d’une créature tout droit sorti d’un rêve, en parfaite adéquation avec la musique. La rencontre des sens, leur entremêlement qui, à certains, permet de voir les sons en permanence. L’intensité et la beauté de la synesthésie et son potentiel créatif inspirent le projet.
Évoquer la beauté d’une mélodie par la composition graphique, l’atmosphère générale par la couleur, le rythme, la sonorité par les formes.
Le visuel et le sonore convergent selon de multiples modalités : la mise en scène du dispositif musical et la danse sont des liens étroits pour arriver à une finalité cognitive. Le paysage sonore d’Andrei montre toute la richesse esthétique et la dynamique de la matière sonore par un dispositif numérique qui permet un accès interactif et ludique aux combinaisons sons / images.