C’est un fait, Hollywood a (re)trouvé un filon rentable. Les questions d’ordre sanitaire, oscillant entre scandales pharmaceutiques et luttes écologiques, sont devenus un bon moyen de produire une intrigue efficace. Contagion, Side Effects, Antiviral et The East sont autant de bons exemples que des cas pas si éloignés du monde réel.
Tourné en décors réels à Shreveport — Louisiane — en six semaines, The East s’annonçait comme un bon thriller, avec son casting alléchant, et un pitch original autour de l’écoterrorisme. Présenté en ouverture hors-compétition au Festival de Sundance, le deuxième film du jeune réalisateur s’est attiré les louanges du producteur Michael Costigan, qui a notamment travaillé sur Prometheus de Ridley Scott, Stoker de Park Chan-Wook et Le Secret de Brokeback Mountain de Ang Lee. En effet, grâce à une production soignée et un scénario etoffé — issu une nouvelle fois de la collaboration entre Brit Marling et Zal Batmanglij — The East rend compte d’un univers passionnant, resté discret dans les trames du thriller hollywoodien : l’écoterrorisme.
L’aspect très positif de ce film, c’est la véritable sensation d’immersion que l’on ressent en rencontrant les activistes et leur univers. Sarah, le personnage principal, est une espionne travaillant pour une agence indépendante chargée de démanteler l’organisation terroriste « The East ». Sa double personnalité permet d’aborder l’histoire avec un point de vue neutre. Production made in Hollywood oblige, Sarah est une femme sensible et profondément attachante, qui au delà de sa mission d’infiltration, commence à apprécier le groupe ainsi que leur mode de vie. Cette initiation d’ordre psychologique rappelle tout bon film d’infiltration tel que Donnie Brasco ou Les Infiltrés, en beaucoup plus zen.
The East est une plongée de 1h57 au sein d’un groupe de marginaux en guerre contre les grosses sociétés, tous emprunts de stéréotypes classiques — un gourou aux airs de Jésus, un hippie dubitatif aux airs de forains, la brune ténébreuse, sans oublier le petit nerd attachant — et même si ca fait définitivement cliché, la recette fonctionne toujours aussi bien.
Les écoterroristes ont une vie plutôt intéressante, induite par des valeurs justes, mais ne ils plaisantent plus quand il s’agit de de venger des victimes innocentes contaminés contre leur gré par une usine ou un médicament trompe-l’oeil. Ils sont plutôt gentils quand on apprend à les connaître, et leur détermination reste sans faille. Notamment, parce que le Doc du groupe — le génial interprète du Rock’n Rolla de Guy Ritchie, Toby Kebbell — a été lui-même infecté par le passé.
Ici, pas d’alcool, ni de drogues, seulement une autre façon de concevoir les rapports humains. Approche, qui reconsidère l’appréhension de choses simples comme se nourrir ou se laver — un regard quelque peu naïf certes — mais qui ne peut s’octroyer à la pertinence du fond. Batmanglij qualifit d’ailleurs plus son film tel un reportage, ou le compte-rendu d’une expérience préalable au coeur d’un univers inconnu.
Des émotions diverses se mêlent au sein des multiples intrigues, un brin utopiste, un brin primitif. Pour autant Batmanglij filme avec justesse et maîtrise très clairement son équipe. The East se veut être un film engagé mais cela dit politiquement très correct par sa capacité à toujours retomber dans le piège du symbolique héros américain, qui finalement ne s’engage jamais vraiment par choix, si ce n’est qu’en quête de sa propre affirmation. Le film souffre de défauts clairs, notamment sa durée, et une chute beaucoup trop étendue.
Mais s’il y un reproche principal à faire au film, c’est qu’à aucun moment Batmanglij ne relâche la pression sur ses personnages. Ce manque d’authenticité, couplé à des rapports de complaisance inutiles, pourront amener le spectateur à décrocher de l’ensemble, qui mérite pourtant qu’on s’y intéresse vraiment. La faute à l’équipe ? Pas sûr. Il est d’autant plus visible aujourd’hui, que les productions américaines s’essoufflent et se fragilisent dans leur ensemble, par une tendance systématique à reprendre les éléments ‘piliers’ de films à succès, sans chercher par la suite, à puiser dans le meilleur de chaque création, ce qui dénature sa structure originelle et la rend irrévocablement fade, et sans âme.
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