L’application pour mobile Tinder rencontre actuellement un immense succès, avec plus de 200.000 téléchargements par jour et le taux de croissance le plus fort de l’App store. Depuis le lancement de l’application, c’est environ 100 millions de profils qui sont visités par jour dans le monde, pour un total approchant les 13 milliards … C’est gigantesque. Mais au-delà de ce succès incontestable, que révèle Tinder sur nos modes de vie et sur nous-mêmes ?
Je suis un produit marketing
Avant toute chose, il faut créer son profil. Et celui-ci est directement relié à votre Facebook, vous permettant ainsi de piocher dans vos photos de profils, qui sont rappelons-le, le haut de gamme des représentations de vous-même. Comme pour tout produit, les photos de vous que vous mettez « sur le marché » sont donc des représentations idéalisées, souvent retouchées et parfois mensongères.
Mais ce n’est pas tout, vous avez également la possibilité d’écrire un petit paragraphe pour vous représenter. Cet espace limité, limitant votre personnalité à quelques phrases d’accroches, c’est votre slogan, votre descriptif. Et vous avez intérêt à le faire le plus attractif possible afin de réussir un maximum de « match ».
Le « match » c’est la réussite, c’est ce qui se passe lorsqu’une personne qui vous intéresse est également intéressée par vous. Il est donc bien évident que votre nombre de « match » et donc de potentielles rencontres dépendront de l’image que vous renvoyez de vous-même, fut-elle superficielle. C’est la course à la performance ! Celle qui flatte l’ego et qui rassure les plus mauvais dragueurs et les meilleurs emballages (emballeur ?). « Et toi Quentin t’as combien de match ? », une phrase que vous risquez d’entendre souvent, car comme les amis sur Facebook ou les followers sur Twitter, votre nombre de « match » sera désormais un indice de votre popularité. Qui sera le meilleur produit ?
En effet, au-delà du côté ludique (car rappelons le Tinder est plus considéré comme un jeu que comme un véritable site de rencontres), ce qui fait peur, c’est le côté supermarché des autres. Vous avez à disposition des milliers de profils qui ne demandent qu’une seule chose, être acheté (tindé) par le plus grand nombre. Et finalement ce but dépasse l’initial : rencontrer l’âme sœur (rappelons qu’on compte à ce jour 65 mariages de couples rencontrés sur Tinder) ou simplement faire la connaissance éphémère (ou non) d’une personne du sexe opposé (ou non) dans le but de pratiquer (ou non) une copulation décomplexée.
On ne va pas se mentir
Oui parce qu’on ne va pas se mentir, autant la description de soi est limitée et plutôt visuelle autant le but avoué d’un « match » est également limité dans le temps comme dans ses applications. On va surtout sur Tinder pour trouver une personne avec qui coucher un soir. D’où, d’ailleurs, le principe fort astucieux de la géolocalisation qui manquait à de nombreux sites de rencontres.
Tinder c’est l’application qui nous permet de trouver rapidement et sans effort, littéralement en un coup de pouce, une personne qui nous plaît et à qui l’on plaît. La suite se passe dans l’intimité du « match », et je n’en dirais pas plus.
Cependant cela révèle une chose, c’est que la paresse qui est un fléau de plus en plus grandissant dans notre civilisation Occidentale vient de s’étendre à la drague. Si les nombreuses innovations technologiques ayant pour vocation de nous « simplifier la vie » lui ont déjà retirées une partie de sa saveur, en plus de nous rendre plus paresseux, Tinder touche là à un acte déjà assailli de toute part par les sites de rencontres : la séduction.
Avant, la séduction, c’était deux personnes qui doutaient de l’attirance de l’un pour l’autre et qui faisaient tous les efforts du monde pour subtilement laisser transparaître une possibilité tout en conservant une part de mystère excitante. Désormais, grâce tout d’abord aux rencontres Meetic (et autres sites de rencontres) on sait que la personne en face de nous cherche également une relation ; mais en plus, avec Tinder, on sait qu’on lui plait et que le tour est déjà (à moitié) joué. Il n’y a plus qu’à aborder l’autre avec la confiance de celui qui marche déjà sur un terrain conquis. Mais où est le plaisir là-dedans ? Au-delà de la quête de résultat, l’économie de moyens pour parvenir à ses fins est-elle, en matière de séduction, une bonne chose ?
Personnellement j’en doute. Et d’ailleurs on voit bien que la finalité de Tinder n’est pas de rencontrer la personne idéale mais le plus de personnes possible. On privilégie la quantité à la qualité (de la rencontre, je ne juge pas les gens qu’on y trouve). Et avec ce moyen de rencontre de masse, c’est tout le processus de séduction qui disparaît. Tout ce qu’on peut appeler « le jeu », tout ce qui, dans un couple, formera plus tard des souvenirs essentiels.
Espérons alors que Tinder soit juste un effet de mode et non une révolution qui changera nos modes de vie et de séduction. Car l’assurance de l’attirance de l’autre c’est l’abandon d’une des plus belles parties de la rencontre, d’un art de vivre à la Française et qui repose sur les expressions de la bouche et du corps. Abandonner la véritable séduction c’est abandonner un des derniers refuges pour nos cerveaux désillusionnés par le chômage et les perspectives d’avenir toujours plus sombres. Si nous transformons notre vie amoureuse en la vente d’un produit (vous) dans un supermarché (Tinder), c’est la fin des mots et des belles histoires.
Tinder sans facebook?
Malheureusement vous êtes beaucoup à nous demander si il est possible d’utiliser Tinder sans Facebook. La réponse est simple: NON! Pour ceux qui s’interesse toujours à cette application on vous laisse un autre édito sur Tinder.