Critique :
Perfect Sense
Ou
Des Ténèbres à la Lumière
Le printemps arrive à grand pas et je continue pour votre plaisir et surtout le miens à m’enfermer le soir dans de grandes salles noirs peuplées d’individus et de couples étranges… Non je ne suis pas un adepte des parties fines du Marais (ce qui ma catégoriserait tout de suite comme chronique chez les inrock’ ou GQ) non non : moi je vous parle de Cinéma. Le seul, le grand, le vrai ! Celui qui ne fait pas de distinction entre film de genre et film d’auteur, celui que met une bonne paire de claque, qui vous fait cracher toute vos dents et qui vous donne même envie de vous en prendre une autre (tout en vous faisant chialer deux/trois fois au passage s’il vous plait).
Ce cinéma qui me fascine, et que je tente de défendre ici, est aujourd’hui incarné par un film qui est, finalement, passé inaperçu (après une diffusion odieusement discrète au festival de Gerarmer et à peine 13 000 entrées quand on sait que La Colère des Titans en a fait plus de 350 000) en France… Attention aux yeux, je parle donc de l’inégal mais très sincère et touchant Perfect Sense !
Alors Perfect Sense est, contrairement à ce que vous pourrez lire, un film fantastique, une fable philosophique et allez c’est pas un gros mot : une histoire d’amour.
Réalisé par David McKenzie (inconnu au bataillon pour ma part), ce faux blockbuster aux allures de film catastrophe (on pense à Contagion de Soderbergh) mais je dis bien seulement « aux allures », est un petit bijou peut être pas parfait mais l’œuvre d’un véritable artisan.
Un postulat de base simple nous est très vite délivré : Une épidémie inexplicable s’abat sur le monde entier en luis faisant perdre ses sens un à un (odorat, goût, ouïe…).
Avant la perte de chaque sens, les humains subissent un véritable choc émotionnel avant la perte de chaque sens. Par exemple, avant la perte de l’odorat, une grande mélancolie et un sentiment de vide envahit la personne comme un virus. Cette vague d’émotion incontrôlable qui rend à l’humanité sont unité par ce qui lui est propre à elle seule : la capacité d’éprouver des sentiments.
Un thème universel donc, dans lequel se joue une rencontre, celle de deux êtres (Ewan McGregor, cuisiner, et Eva Green, épidémiologie, dont le jeu et l’alchimie fonctionnent parfaitement bien et Dieu sait que ce n’est pas ma chapelle) qui se rapproche un peu plus à chaque strate de la maladie.
C’est donc en s’effondrant dans les bras de McGregor, que la belle Eva rencontrera ce dernier, et c’est à travers la lutte de l’humanité pour continuer à vivre tout en percevant de moins en moins le monde dans lequel elle vit, que ces deux êtres au lourd passé vont entrer en collision.
Portée par une mise en scène très contemplative type Drive (qui ne mérite pas son prix mais qui a le mérite de savoir poser sa caméra), l’histoire aux multiples enjeux nous touche alors personnellement dans ce qu’ils ont d’universel et de sincère. On reste donc émerveillé, ébahit ou dérangé devant ce monde en perte de repères grâce au travail respectueux de l’histoire effectué par le réalisateur britannique qui pousse tous ces thèmes jusqu’au bout pour ne pas en faire de vague prétextes à la masturbation intellectuelle qu’on a justement vu s’opérer avec Drive…
Malgré quelques défauts comme des séquences de voix off qui nous racontent ce que l’on comprend déjà en regardant l’image, un didactisme assez poussé et un rythme rendu un peu lent par le déroulement prévisible de l’action, Perfect Sense regorge d’effets audacieux et symboliques (séquence muette dans une salle de concert ou l’on rentre dans le corps d’un sourd qui se prosterne devant les enceintes comme des enfants qui collent l’oreille pour entendre les pulsation d’un cœur faible) sans trop tomber dans le plan poseur et désincarné.
Il est donc plus que temps d’abandonner ses aprioris et de courir voir ce film jamais cynique qui nous dépeint avec franchise et optimisme une humanité qui ne trouve la lumière que lorsqu’elle ne voit plus et ça, ça prend aux tripes !
Etienne Richard