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Un pas démocratique

Les élections législatives de samedi ont marqué un tournant dans l’histoire politique du Pakistan. La participation élevée au vote et le probable retour au poste de premier ministre de Nawaz Sharif devrait marquer un virage dans les discussions avec les talibans et une tentative de normalisation des relations avec l’Inde. 

Le Pakistan a envoyé ce week-end un message fort à la communauté internationale. Le « pays des purs », enfant malade d’Asie du Sud, considéré comme une vraie usine à formation de djhadistes a prouvé que lui aussi pouvait faire un pas vers la démocratie. Pour les élections législatives historiques de samedi, près de 60% de pakistanais avaient fait le chemin des urnes, une première depuis 1977, pour exprimer leur ras le bol face à l’insécurité qui a émaillé le déroulement du vote, et qui sévit depuis longtemps dans le pays sous la coupe des talibans notamment. Au total, ce sont 150 personnes qui ont péri dans les violences liées au scrutin, dont 26 pour la journée de samedi, date du vote. Un vote historique, oui. Les élections législatives de ce samedi 11 mai étaient les premières depuis la première transition constitutionnelle entre deux gouvernements élus démocratiquement. Le peuple a donc voulu faire entendre sa voix, parfois au péril de sa vie, en se déplaçant en masse.

Sauf retournement de situation, la Ligue Musulmane devrait récolter près d’une centaine de sièges à l’Assemblée sur les 342, et obtenir la majorité absolue. Une victoire qui conduirait probablement Nawaz Sharif, le chef du parti, a reprendre le poste de Premier Ministre, qu’il avait déjà occupé entre 1991 et 1993, et entre 1997 et 1999. Ce libéral conservateur deviendrait ainsi le premier homme politique du pays a avoir été présent trois fois au sein du gouvernement. Renversé par un coup d’état il y a quatorze ans, Sharif est le véritable symbole d’un renouveau politique. Revenu d’un exil forcé en 2007 pour se présenter aux législatives, sa démarche avait été un échec. « Le Lion du Pendjab » avait alors décidé de travailler au sein de sa province natale du Pendjab en compagnie de son frère, Shahbaz. Basé sur un discours anti-américain, son discours de campagne a notamment réussi à séduire les islamistes, dont l’influence au sein du pays est considérable. Cette relation avec les rebelles est une des clés du futur.

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Pendant la campagne, les talibans ont multiplié les attentats considérant que la démocratie est « non islamique« . La dernière en date, samedi, a fait 26 morts. Ayant déjà goûté par deux fois à l’épreuve du pouvoir, Nawaz Sharif connait la mission périlleuse dont il va avoir la responsabilité. Premier ministre dans les années 1990 lorsque le Pakistan s’était doté de l’arme atomique -devenant ainsi le premier état musulman à rejoindre le club des puissances atomiques-, Sharif souhaiterait aller vers le dialogue avec les talibans du Tehrick-e-Taliban Pakistan (TTP) et les forces alliées à Al-Qaïda qui sont engagées dans les zones tribales frontalières avec l’Afghanistan. Durant sa campagne, le responsable de la Ligue Musulmane a axé son discours vers une ouverture des discussions avec les différentes mouvances islamistes qui restent pour le moment inflexibles. Le souhait du futur premier ministre est de s’imposer à l’armée qui mène la politique internationale du pays, notamment envers le voisin indien.

L’Inde est un autre sujet sensible pour le dirigeant pakistanais. Son objectif serait d’aller vers une normalisation des liens avec l’Inde, ennemi héréditaire du Pakistan. Le conflit date de près de 40 ans maintenant, portant sur le tracé de la région du Cachemire. Aujourd’hui, il n’existe pas de réelles frontières entre les deux pays du point de vue international, mais une zone de cessez le feu. L’Inde revendique sa souveraineté sur les provinces d’Azad Cachemire et sur les Territoires du Nord sous contrôle pakistanais. De son côté, le Pakistan se sent souverain de la zone du glacier de Siachen, contrôlée par les Indiens depuis 1984.

Autre point épineux, les Etats-Unis. Nawaz Sharif a déclaré ne plus « tolérer les attaques de drones de la CIA dans les zones tribales« , et les relations américano-pakistanaises sont vitales pour le Pakistan. Les Etats-Unis sont le principal bailleur de fond du pays, d’autant que sa situation financière est désastreuse notamment du point de vue énergétique. Des coupures d’électricité et de gaz à répétition ont fait sombrer l’économie du Pakistan -augmentant ainsi sa dépendance à l’égard de l’ennemi honni des islamistes.

Nawaz Sharif, futur premier minsitre du Pakistan, aux urnes samedi.

Nawaz Sharif, futur premier minsitre du Pakistan, aux urnes samedi.

Le but principal de Nawaz Sharif sera donc de rééquilibrer le pouvoir au profit des civils tout en s’appuyant sur ses convictions personnelles. Ce représentant du centre droit conservateur est très attaché à l’économie de marché et à la religion. Musulman pieux, il est réputé proche des partis religieux tout en s’éloignant de toute forme de fondamentalisme. Le retour au pouvoir de Sharif est donc plein d’espoirs et de questions, mais des compromis sont à attendre. La communauté internationale doit l’aider à atteindre l’objectif de stabilisation du pays, sans se faire trop d’illusions.

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