Au Festival International de l’animation d’Annecy, les moteurs de jeux Unity et Unreal Engine ont fait une apparition remarquée. Il faut dire que la perspective de faire de l’animation en temps réel aujourd’hui s’avère de plus en plus attractive pour les studios. Petit tour d’horizon des possibilités et des enjeux de ces nouvelles techniques.
Si on connait Unity comme un moteur de jeu vidéo très répandu, son utilisation dans l’animation est encore juvénile. Pourtant, ce logiciel s’est vu agrémenté ces dernières années de nombreux outils difficiles à ignorer pour tout animateur qui se respecte ! Avec ses dernières fonctionnalités en date (Cinemachine, ray-tracing temps réel…), créer des films tape-à-l’œil via Unity est devenu un véritable jeu d’enfant. Cet essor est tel que le moteur a même su intéresser les studios Disney pour la pré-production de l’adaptation live du Livre de la Jungle. Cette année, le film en compétition au festival d’Annecy, Relative Worlds du studio Craftar, a même été réalisé avec Unity. En cette occasion, le festival a accueilli Mathieu Muller, technical product manager chez Unity Technologies. Celui-ci a pu mettre en relief l’évolution de cet outil et comment il s’impose aujourd’hui dans le rendu d’animation temps réel à la manière de Flash.
Sur le papier, la perspective de rendre des films en temps réel peut paraître saugrenu. Quelle différence cela fait si dans tous les cas le film finit sur une bande vidéo ? A l’échelle de l’animation, ce sont pourtant des perspectives inédites de production et d’expériences visuelles qui s’ouvrent au medium. Outre un meilleur contrôle permettant un développement plus réactif et adaptatif, Unity tire parti des fonctionnalités offertes par la réalité virtuelle. Les animateurs peuvent ainsi s’immerger dans leur univers et le construire à la main déplaçant les éléments dans la scène à leur guise, un champignon par-ci, un arbre par-là. Et les résultats sont là ! Des productions qui mettraient habituellement quatre ans à être produites sont bouclées en quatre mois.
Quand la fiction se mêle à la réalité virtuelle
Bien sûr, la réalité virtuelle est aussi proposée aux spectateurs. Dans un petit court-métrage, MIAM! Animation et Artefacts Studio nous offrent une expérience interactive permettant d’apprécier une histoire de plusieurs façons différentes. Même sans casque, le visionneur a le loisir de bouger la caméra comme bon lui semble et découvrir l’histoire sous l’angle qu’il désire. Le temps réel permet aussi de modifier les lumières et même les saisons en passant le paysage d’une forêt automnale à un blanc hivernal. Certains poussent même l’expérience plus loin en proposant des films dans lesquels vous pouvez vous déplacer librement comme dans Battlescar. De là à dire que l’on est à la frontière entre le film et le jeu vidéo, il n’y a qu’un pas.
Créer des métrages d’animation avec Unity est encore très précoce. L’outil n’étant pas destiné à la base pour créer de l’animation, il est surtout utilisé aujourd’hui pour tout le processus de rendu. Ainsi, l’objectif pour le futur sera d’étendre son utilisation à tous les rôles dans la production. Cela concerne évidemment l’animation mais aussi le character building, les animatics, le layout, le storyboard et même l’écriture.
Une concurrence au-delà du réel
De l’autre côté du ring, un challenger a fait son entrée depuis peu. L’éditeur Epic Games s’est lui aussi invité à Annecy avec son Unreal Engine. Ce moteur, incontournable sur la scène vidéoludique et très connu pour Fortnite, tient lui aussi à faire une percée dans l’animation temps réel. Rêvant de multifonctions, le moteur d’Epic Games cherche à se rapprocher d’Unity déjà utilisé depuis longtemps dans l’architecture ou la visualisation 3D. La concurrence entre les deux moteurs qui ne touchait que le jeu vidéo commence alors à s’étendre à d’autres domaines.
Plus spécialisé dans le rendu photoréaliste, Unreal Engine compte particulièrement se faire une place dans la production cinématographique. En effet, ce moteur permet de travailler sur le rendu et l’intégration des CGI d’un film dès la pré-production. Un tel processus permettrait de prévisualiser les scènes permettant ainsi une meilleure anticipation lors du tournage, une confort de plus en plus réclamé dans les grosses productions. Outre ses capacités de rendu 3D, le moteur cherche aussi à conquérir la 2D. Des français de la société Praxinos sont déjà sur le coup. Réalisant un plugin pour faire du dessin 2D sur avec ce moteur, la société compte bien inscrire de nouveaux standards dans le cinéma d’animation. Pour l’instant encore non soutenue par Epic, Praxinos aimerait quand même se rapprocher d’eux à l’avenir.
Unity et Unreal Engine ne résonneront sûrement plus comme des outils dédiés uniquement au jeu vidéo dans un futur proche. Plus pratiques, rapides, productifs et amenés à évoluer pour s’adapter à tous les rôles, la 3D temps réel va s’imposer petit à petit dans la production d’animation. Plus qu’une nouvelle façon de générer du rendu, c’est aussi la porte à de nouvelles expériences qui s’ouvre aux spectateurs. Cette année, le festival d’Annecy a même créé une compétition pour le meilleur film VR et a récompensé le court-métrage Gloomy Eyes. Est-ce que le temps réel et la VR ne seraient finalement pas l’avenir du cinéma ?