Un « plan B » ? Voilà à quoi pouvait songer, contre toute attente, l’ancien ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, alors même qu’il était encore au gouvernement. Cette information sort tout droit du journal conservateur grec I Kathimerini, qui aurait retrouvé des bribes d’une conversation téléphonique entre M. Varoufakis et des hedge funds datant du 16 juillet dernier. Résultat : la Cour suprême grecque dépose deux plaintes contre l’ancien ministre des Finances. Est-ce vraiment juste ?
6 juillet 2015 : Yanis Varoufakis quitte le gouvernement. Lundi 27 juillet, il confirme les informations parues l’avant-veille dans le quotidien I Kathimeri. Il déclare avoir en effet travaillé, dès décembre 2014, dans le plus grand secret, avec l’accord, dit-il, d’Alexis Tsipras, sur la création d’un « système bancaire parallèle », libellé en euro mais qui « aurait pu à tout moment être converti en une nouvelle drachme » en cas de « Grexit ». En bref, cela se serait traduit par une autonomie complète d’Athènes et des banques grecques, au bord de la faillite.
Supreme Court prosecutor takes action over Varoufakis affair http://t.co/Je10NuPFxw pic.twitter.com/x4oiYKBFVH
— Kathimerini English (@ekathimerini) 28 Juillet 2015
Bye bye les soutiens financiers de la Banque centrale européenne (BCE) ?
C’est en tout cas l’hypothèse de ce plan B imaginé par M. Varoufakis. « Imaginons que l’Etat doive 1 million d’euros à une compagnie pharmaceutique. Nous aurions pu opérer un transfert numérique sur le compte lié au numéro fiscal de la compagnie, et lui fournir un code qu’elle aurait pu utiliser dans ce mécanisme de paiement parallèle », précise l’ex-ministre, qui y voyait un plan d’urgence pour faire « face aux efforts des créanciers visant à miner le gouvernement grec et au vu des forces à l’œuvre au sein de la zone euro pour expulser la Grèce de l’euro ».
« Nous envisagions de créer clandestinement des comptes secrets reliés au numéro fiscal de chaque contribuable grec », avait déjà expliqué, selon les enregistrements révélés, l’ex-star du gouvernement Syriza à l’occasion du Forum officiel des institutions monétaires et financières (OMFIF), le 16 juillet dernier. Les contribuables grecs auraient ainsi eu la possibilité d’utiliser ce « système de paiement parallèle » pour s’acquitter de dettes « ou pour payer leurs impôts à l’Etat ».
Quant à l’accès du numéro fiscal des contribuables, le ministre avait prévu un piratage informatique du logiciel du Secrétariat général aux recettes publiques, instance indépendante dans le ministère, grâce à l’aide d’un amis d’enfance, professeur en technologie de l’information à Columbia, à New York.
Mais cette collaboration officieuse ne s’arrête pas là. James Galbraith, économiste américain et professeur à l’université d’Austin, déclare avoir également participé gratuitement à l’ensemble de la réflexion, comptant cinq personnes au total. « A aucun moment, ce groupe de travail n’a milité pour une sortie (de l’euro) ou tout autre choix politique. Le travail consistait uniquement à étudier les questions opérationnelles qui se poseraient si la Grèce était contrainte d’émettre des certificats (d’argent) ou si elle était contrainte à quitter l’euro », confie-il.
Une sortie du système bancaire : M. Varoufakis avoue y avoir songé très sérieusement
Statement by Yanis Varoufakis on the FinMin’s Plan B Working Group & the parallel payment system http://t.co/9JTWNyq8JK
— Yanis Varoufakis (@yanisvaroufakis) 27 Juillet 2015
Suite aux révélations de ce mystérieux plan B et à la déposition de deux plaintes faites par un avocat et un maire grecs, Yanis Varoufakis ne dément rien. Face à lui, la procureure de la Cour suprême grecque, qui a aussitôt transmis l’affaire au Parlement. En clair, on accuse l’ancien ministre des Finances de trahison dans le cadre des négociations, et d’avoir exposé l’Etat grec à des représailles.
Il le dit lui-même : une équipe était bel et bien chargée de préparer un plan de secours en cas d’échec des négociations. L’ancien ministre des Finances grec ne dément pas non plus être à l’origine de l’idée de création de comptes spéciaux, associés au numéro d’imposition de chaque citoyen.
Les enregistrements de la conversation téléphonique révèlent d’ailleurs un autre détail. On y entendrait Yanis Varoufakis exposer un remord, celui de pas avoir directement piraté le logiciel de gestion des impôts. La raison ? Il serait contrôlé par les créanciers, d’après lui. L’information relayée, la Commission européenne l’a catégoriquement démentie, et parle d’« allégations sans fondement », voire même de « théorie du complot ».
Quant à l’ancien ministre des Finances, il se dit victime d’une campagne médiatique à l’heure actuelle. Encore au gouvernement, on le critiquait pour son inaction et l’absence de proposition relative à un plan B (supposée). Aujourd’hui, c’est tout l’inverse : on le blâme pour avoir tenté de sauver la Grèce.
Varoufakis, un antihéros des temps modernes ?
#Varoufakis : « Mon ignoble «crime» était que, j’incarne l’expression de la volonté collective de notre gouvernement » pic.twitter.com/rorFz9ZXKI
— David GUADALUPE (@canalguada) 30 Juillet 2015
crédit image de couverture: Yannis Kolesidis/EPA