Avec son casting trois étoiles Le Prix du Succès faisait saliver avant même qu’on ne le découvre. A l’arrivé le film de Teddy Lussi-Modeste tient t-il ses promesses ?
Franchement on ne l’avait pas vu venir. Un film avec une distribution aussi glamour (Tahar Rahim- Roschdy Zem-Maïwenn) qui ancre son récit dans un univers peu abordé dans le cinéma français -le stand-up- avec comme postulat de départ de rendre crédible le fait que le personnage interprété par Tahar Rahim soit une star dans sa discipline, il faut avouer qu’on voulait y croire mais que cela n’avait de prime abord, rien d’évident. Tahar Rahim est un formidable comédien et nous n’en avons jamais douté, mais en faire un comique génial il fallait oser.
D’où notre surprise, en découvrant Le Prix du Succès. Ça fonctionne. Tahar Rahim en vedette de stand-up qui fait se gondoler des salles entières, ça le fait même carrément et le film n’est jamais handicapé par sa vraisemblance. Ni par son trio d’acteurs, car chacun d’entre eux a ses moments, ses scènes pivots et son charisme pour nous maintenir en haleine. Alors d’où vient le fait que, malgré ses nombreuses qualités, on sorte avec une pointe de déception de la projection du Prix du Succès ?
Mais c’est quoi déjà… Le Prix du Succès ? Brahim est un humoriste en pleine ascension. Sa réussite, il la doit à lui-même et à l’amour qu’il porte à Linda. Bon fils, il soutient les siens depuis toujours. Mais pour durer, Brahim doit sacrifier son grand frère, manager incontrôlable. Si l’échec peut coûter cher, Brahim va payer un tribut encore plus lourd au succès.
En choisissant de raconter l’histoire de cette fratrie qui va exploser sous les diktats de l’argent et des ambitions personnelles de la star, obligée de couper avec un entourage familial omnipotent et toxique, le réalisateur Teddy Lussi-Modeste ne s’est pas facilité la tâche. Preuve d’une grande ambition et d’une malignité certaine en choisissant Tahar Rahim pour incarner ce comique perclus de culpabilité et à la personnalité contrastée. La description de son quotidien qui navigue entre les nuisibles qui profitent de sa générosité et ses difficultés à gérer une notoriété envahissante est très juste et semble très réaliste.
La relation qui lie les deux frangins, l’ascendant psychologique de celui qui est dans l’ombre sur celui qui est dans la lumière, concentre les scènes les plus réussies, enrobées d’un suspense qui monte crescendo et qui nous accroche avec habilité. Parallèlement, les relations du personnage de Maïwenn, tantôt amoureuses avec Tahar Rahim, tantôt conflictuelles avec Roschdy Zem, tout cela marche et la tension grimpe d’un cran avec une indéniable efficacité.
Co-écrit avec Rebecca Zlotowski, Le Prix du Succès parvient à traiter son sujet tout en subtilité et si le film parle avec sensibilité et application de la toxicité de la relation entre les deux frères et de leur inévitable confrontation, si la réalisation de Teddy Lussi-Modeste est claire et sans fioritures, le scénario est handicapé par une certaine prévisibilité qui se fait jour à l’entrée de la dernière partie. L’ambiguïté qui entourait le récit perd en vigueur et la maladresse d’un dernier acte lié à un rebondissement absolument pas crédible, ampoule la clarté de l’histoire et fait s’écrouler toute la belle architecture précédente, laissant un goût amer en bouche.
Excepté ce dernier virage manqué, Le Prix du succès peut se targuer d’être un film atypique, sincère et extrêmement lucide sur son sujet. Grâce à Tahar Rahim brillant, entre tendresse et malaise, Maïwenn pleine d’une douceur et d’une sensibilité nouvelle et Roschdy Zem, tour à tour attachant et effrayant de dureté et de jalousie rentrée, Le Prix du Succès vaut le déplacement pour ses interprètes qui permettent d’être tolérant sur une fin loin d’être convaincante.
Une semi-réussite, la faute à un épilogue manqué qui fort heureusement, ne gâche pas le plaisir de se trouver face à un trio homogène dont la qualité de jeu séduit littéralement.
Le Prix du Succès de Teddy Lussi-Modeste – En salles le 30 août 2017